Sécurité routière: La nouvelle campagne de prévention donne la parole aux gendarmes
SOCIETE En cinq minutes, le spectateur prend connaissance de la partie la plus difficile du métier de gendarme, celui d’annoncer la mort d’un proche…
Avec les accidents de la route, le scénario n’est jamais écrit à l’avance. Jean-Xavier de Lestrade, le réalisateur de « L’Annonce » a filmé des personnages réels pour réaliser un court-métrage destiné à une campagne de prévention routière qui sera diffusée à partir de ce mercredi dans près de 1.000 salles de cinéma.
« Je les ai assénés de questions »
Il a rencontré 12 gendarmes sur leurs lieux de travail pour échanger sur leur métier et la manière de gérer les accidents de la route. Au final, quatre brigadiers ont chacun passé une journée avec l’équipe du tournage. « J’ai procédé comme si les gendarmes étaient en garde à vue. Je les ai assénés de questions, sourit Jean-Xavier de Lestrade, et je ne savais pas à quoi allait ressembler ce court-métrage non plus. Lors de la première projection, ils ont été surpris du résultat », note le cinéaste.
En 2016, le nombre de morts sur les routes a été en légère hausse (+0,2 %, 3.469 décès) pour la troisième année consécutive d’augmentation, une première depuis 1972, selon l’AFP. Rappeler à la population les répercussions d’un accident de la route, c’est stimuler sa vigilance.
Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière, voit dans « un accident de la route un événement à l’origine de nombreuses violences et souffrances » et ce court documentaire amène le grand public à en prendre conscience. Un outil de sensibilisation fait pour choquer avec sobriété.
L’annonce qui tue
Dans ce court-métrage, vous ne trouverez aucune image d’accident. Ce n’est pas faute d’en avoir filmé pourtant, raconte le cinéaste. « J’avais prévu des scènes d’accident mais je préfère le poids des mots et l’expression du visage des gendarmes pour susciter l’imaginaire ».
Pour sortir des mots forts, le réalisateur aurait travaillé au corps ces gendarmes. Leurs confessions « abrupts » permettent de cerner les à-côtés. Un gendarme, après avoir constaté un accident, doit parfois se rendre auprès de la famille pour annoncer le décès de quelqu’un. « C’est le rôle de l’élu également. Parfois, nous le faisons ensemble mais il arrive qu’il soit absent… », rapporte le major Yannick Turmel. « Bien sûr, j’aimerais être formé pour ça mais ce n’est pas le cas, j’essaye de trouver les mots et l’attitude juste. C’est mon propre vécu qui compte. » Dans le court-métrage, son témoignage est poignant. Ce gendarme déclare avoir « tué » une mère de famille. « J’ignorais qu’auparavant cette femme avait déjà enduré deux décès dus aux accidents de la route. Là quand je lui annonce le décès de son deuxième fils, oui, je la tue… » L’homme reste droit, dans son rôle, mais l’émotion est palpable dans sa voix. « Des fois, on prépare l’annonce sur le chemin, à qui nous allons nous adresser en premier mais une fois sur place, tout ce que l’on a planifié change… », confie Stéphane Devroe de la brigade de gendarmerie motorisée de Provins, en Seine-et-Marne.
Un être humain avant tout
Annoncer la mort d’une victime passe par des larmes. Et les gendarmes n’y échappent pas. Ce court-métrage a le mérite d’avoir offert à ces brigadiers un espace d’expression sur un sujet rarement évoqué. « Je ne raconte jamais ces moments-là à ma famille », précise un des gendarmes témoins.