Justice. Cyberharcèlement : des centaines de gendarmes victimes d’un seul homme
Pendant plus de trois ans, un homme originaire de Louviers (Eure) a harcelé de nombreux gendarmes à travers la France. Il vient d’être condamné à de la prison ferme.
Par Rédaction Evreux
Publié le 8 Avr 21 à 19:32
La salle d’audience du tribunal d’Évreux (Eure) n’aurait pas pu accueillir toutes les victimes. Le prévenu, absent, pourra se vanter d’avoir pour longtemps établi un record : ses victimes se comptent par centaines et viennent de toute la France, précisément de 23 départements différents.
Jean-Michel Vasseur (36 ans) s’est dispensé d’apparaître devant… quatre de ces nombreux gendarmes outragés, harcelés et menacés. Au total, les effectifs de 35 brigades sont concernés, dont huit dans le département de l’Eure (Les Andelys, Le Val-de-Reuil, Gaillon, Pacy, Évreux, Louviers, Nonancourt et Brionne), quatre dans les régions de commandement du Pas-de-Calais à la Corse, et de Brest à Strasbourg.
Depuis janvier 2015, et surtout pendant les vacances scolaires, un inconnu agissant sous beaucoup d’identités usurpées, mélangeant quatorze cartes SIM et plusieurs numéros de téléphone pour créer des sites, expédiait aux gendarmes des messages inondés de grossières appellations.
Une vengeance amoureuse ?
Le président Franck Doudet n’en livre que quelques échantillons en public. Sans compter des invitations à « se faire en… » ou « préparer son c… », les faux profils Facebook envoyaient des messages principalement à caractère homophobe, et même des photos pornographiques truquées, avec la tête de ses victimes ajoutée ; des messages les faisant appartenir – en apparence – à des sites de rencontres pour homosexuels.
L’enquête fut lancée le 15 août 2015 par la gendarmerie des Andelys. Elle portait sur l’origine d’un harcèlement, en particulier sur un réserviste du même groupement. Il avait surpris l’individu semant des photos d’actes sexuels devant sa résidence. Un message en provenance de Paris fut géolocalisé : il venait de chez la sœur du suspect, un cuisinier travaillant dans un collège, originaire de Louviers.
En garde à vue, Jean-Michel Vasseur nie avoir déclaré une vendetta contre ce militaire qu’il avait fréquenté en 2012, pendant une semaine. En 2016 et 2017 continuèrent les harcèlements outranciers alors que l’individu s’en prenait aux gendarmes de l’enquête et tous les autres, partout en France.
Quant au réserviste marié avec son compagnon pendant trois ans, il avait été endeuillé par le suicide de ce dernier. Le 24 avril 2018, Jean-Michel Vasseur était placé sous contrôle judiciaire et niait tout.
De gros dégâts psychologiques
L’expertise psychiatrique a révélé des « difficultés à explorer son profil ». L’homme d’un « niveau intellectuel inférieur à la moyenne », n’avait « pour seuls vrais contacts, que des relations sexuelles décevantes » et se disait victime d’une « position ambiguë sur le plan sexuel ». L’expert a conclu à « un risque de renouvellement des faits ».
Audiencé le 31 mars 2020, le dossier a été renvoyé, pour cause de confinement, un an plus tard.
Me Vanessa Brat plaide pour trois gendarmes (homme et femmes) qui ont subi le harcèlement du prévenu après la garde à vue (messages et photos). L’avocate précise que son client a été dessaisi de l’affaire et a dû quitter le département, victime de son travail. Au jugement, elle obtiendra un total de 5 500 € ainsi que 900 € (art. 475-1) pour l’ensemble des trois plaignants.
Pour Sylvain D., épaulé par Maître Claire-Marie Pépin, son statut de réserviste était visé et son mariage (en 2014) saccagé par les messages d’un Jean-Michel Vasseur qui ne répondait pas aux convocations.
Devenu veuf, son client a également eu des idées suicidaires. L’avocate demande que soit interdit tout contact d’un « prévenu à l’esprit pervers qui veut reprendre le dessus ». Elle obtiendra 8 200 € de dédommagements.
Le procureur adjoint avait requis « le maximum d’une peine forte, vu le grand nombre de victimes », et l’obligation de les dédommager dans la durée du sursis probatoire de deux ans. Le tribunal prononce la peine de deux ans de prison dont six mois avec sursis (deux ans) pendant laquelle le condamné devra travailler, se faire soigner et s’interdire tout contact avec les victimes qu’il sera tenu de dédommager, le total étant de 14 600 €.