Articles

Le - Il fait croire qu’il a vu les fuyards de Lorient à Clamecy et provoque une vaste opération de gendarmerie : quatre mois de prison ferme

Il fait croire qu'il a vu les fuyards de Lorient à Clamecy et provoque une vaste opération de gendarmerie : quatre mois de prison ferme

63 gendarmes ont été mobilisés dans l’opération. Photo d’illustration

En comparution immédiate au tribunal correctionnel de Nevers, vendredi 14 juin, un Clamecycois de 41 ans a écopé de neuf mois de prison, dont cinq avec sursis, pour un canular dont il n’avait sans doute pas mesuré toute l’étendue des conséquences.

Un Clamecycois prend le téléphone pour appeler le numéro vert instauré par les autorités judiciaires de Lorient, mercredi 12 juin. Un numéro mis en place depuis la fuite, dimanche 9, d’un jeune chauffard après qu’il a fauché deux enfants sur un trottoir de la cité morbihanaise. L’un est décédé, le second était, vendredi encore, entre la vie et la mort. Ce numéro vert sert à recueillir les témoignages et signalement des personnes ayant peut-être aperçu le chauffeur mis en cause et la jeune femme qui l’accompagnait.

Sauf que mercredi soir, les enquêteurs lorientais sont très occupés. La jeune femme en fuite a mis un terme à sa cavale et est en cours d’audition. Il est alors demandé au « correpondant » nivernais de reporter son appel sur les services de gendarmerie de la Nièvre.

Ce qu’il fait. Un équipage vient finalement le chercher chez lui : il peut témoigner de la présence des deux, puis du principal individu activement recherché par les enquêteurs lorientais… à Clamecy !

Entendu, il maintient son affirmation et donne des éléments, dont certains ont causé le trouble chez les gendarmes et auprès du parquet. Même en présence de ce qui s’avérera un canular « hors normes », il n’y a pas de place pour le moindre doute.

« Nous sommes en présence d’individus recherchés. Jugés dangereux pour eux-mêmes et pour les autres. Et vous avez raconté votre histoire, calme, serein », a résumé la présidente Gwenola Velmans, vendredi 14 juin.

Le prévenu, qualifié de « très imaginatif », a dit avoir été mis en relation avec une jeune femme, par une connaissance de Dornecy. Il évoque une rencontre qui a eu lieu mardi, place des Jeux à Clamecy.

Il dit avoir revu la jeune femme un peu plus tard, sur le parking du magasin Bricomarché. Elle sortait d’une Peugeot 308 bleue, au volant de laquelle se tenait un jeune conducteur. Il est formel : « L’homme au volant, c’est le fuyard. Et la jeune femme est, visiblement, sous sa coupe. »

L’histoire connaît un dernier rebondissement. Il dit s’être rendu avec le couple vers un immeuble proche, où la femme aurait récupéré un sac. La relation avec elle s’arrêtera là et le prévenu a dit avoir refusé d’héberger le couple.

Mercredi soir, gendarmes et autorités judiciaires nivernaises n’ont qu’une certitude : celle que la compagne initiale du fuyard n’est plus et n’est même jamais venue à Clamecy. Pour le reste…

Le principal mis en cause dans les faits lorientais est toujours en fuite. Il est potentiellement dangereux. N’a-t-il pas embarqué avec lui une autre compagne ? Le prévenu reste calme. Donne des détails. Dit reconnaître le fuyard sur une photo que lui montrent les gendarmes.

Plus de soixante gendarmes, un hélicoptère…

Il est alors décidé d’agir. Soixante-trois gendarmes, majoritairement de la Nièvre mais aussi une douzaine de militaires du GIGN basé à Dijon, montent une opération, autour d’un appartement désigné square Millelot. Ils se tiennent prêts pour l’interpellation et pour empêcher toute fuite de l’homme recherché.

C’est ainsi que jeudi, vers 6 h 30, un jeune couple, avec un enfant de 7 mois, a ouvert la porte de son appartement où l’on venait de toquer. Rencontre matinale abrupte, avec les gendarmes équipés et armés. Personne. Pas de fuyard. Et tandis qu’un hélicoptère de la gendarmerie complète le dispositif dans le ciel clamecycois, les gendarmes vont aller s’assurer de l’absence du fuyard, dans une quinzaine d’autres appartements.

Doutant alors de l’histoire, les forces de l’ordre entendent à nouveau son auteur. Il ne tarde pas à dire qu’il avait tout inventé.

Dans le box du tribunal, c’est un homme à la voix blanche qui est apparu. Son passé judiciaire fait état de quatorze mentions. Sa dernière condamnation date de 2011.

« Qu’est-ce que vous en dites ? Avez-vous pensé aux conséquences de votre acte ? À toute la mobilisation de moyens ? À la terreur du couple réveillé par les gendarmes du GIGN ?
– Je suis désolé. Je regrette et je ne sais pas quoi dire. Je m’excuse auprès des gendarmes. De vous monsieur le procureur, de vous madame la présidente, auprès de vous tous. Je ne vais pas bien en ce moment. Je viens de vivre la séparation d’avec ma compagne. Mon appartement a brûlé et je vis mal mon relogement… »

Une opération à 35.000 €

Le prévenu bénéficiait d’un suivi psychologique. Il l’avait suspendu et venait de reprendre rendez-vous. Sauf qu’entre-temps, son imagination solitaire lui a joué un drôle de tour.

Pour le parquet, le prévenu a donné des éléments « très circonstanciés, forçant sa crédibilité », dans un laps de temps très court pour les vérifications. Avec, au final, une opération dont le coût global, revendiqué par la gendarmerie, qui se porte partie civile, « est estimé à 35.000 € » a précisé le procureur Axel Schneider. Celui-ci a requis neuf mois de prison dont cinq avec sursis et mise à l’épreuve de 36 mois, obligation de soins, de travail et d’indemnisation des victimes et mandat de dépôt immédiat.

La défense, par la voix de Me Élodie Picard a estimé que « tout était allé très vite dans cette histoire. » « Mon client est très fragile psychologiquement. Il surmonte des difficultés. Si c’est un homme coupable, c’est aussi un homme malade. Dont la place n’est pas en prison, comme le requiert le parquet. Mais en hôpital psychiatrique, le temps de se soigner, pour reprendre sa place dans la société. »

Dans sa condamnation, la cour n’a finalement pas beaucoup varié des demandes du parquet. Et l’auteur du canular est reparti du tribunal direction la maison d’arrêt. Audience de renvoi sur intérêts civils le 17 octobre prochain.

Jean Michel Benet

Sourcewww.lejdc.fr

Be Sociable, Share!