Il avait agressé sexuellement une gendarme sous ses ordres à la caserne: un gradé condamné et déchu
PAR FRANCK LECLERC Mis à jour le 14/11/2020 à 12:21 Publié le 14/11/2020 à 12:04
Vaguement sordide et tristement banal. Le dossier jugé ce vendredi matin devant le tribunal correctionnel de Nice ne mériterait pas d’être qualifié autrement si les faits ne s’étaient produits dans l’enceinte d’une caserne de gendarmerie.
Ce qui ajoute à l’opprobre, puisque ce gradé de 28 ans a sali l’honneur, l’uniforme et la réputation de son institution.
Laquelle, loin de le couvrir, épaulait ce vendredi sa victime, et ostensiblement. Une gendarmette de 23 ans.
Alternativement tremblante et tétanisée, manifestement très affectée. Soirée du 16 août. Une petite brigade, dans l’arrière-pays. Le maréchal des logis chef J. propose à deux gendarmes adjoints volontaires de prendre un verre. Quelques verres. Trop de verres.
Anisette et tequila, le mélange ne tarde pas à produire un effet dévastateur. Il apparait que J. est un dragueur. « Coureur de jupons« , selon la procureure.
La jeune gendarmette, une jolie brune, ne déplaît pas à ce solide et beau garçon qui en ferait bien son affaire.
Tout ce petit monde réside au même endroit. Lui est en position de commandement, ce soir-là elle fait relâche.
L’alcool aidant, il s’enhardit et, totalement désinhibé, tente de l’embrasser sur le balcon. Elle tourne la tête et se dégage.
Le message devrait être clair, sans les vapeurs de l’éthanol.
Il n’en reste pas là. Un peu plus tard dans la soirée, les deux hommes doivent raccompagner la jeune femme dans son logement partagé, puisqu’elle est incapable de marcher. J. parvient à subtiliser les clés et, feignant de rentrer dans son appartement, la rejoint subrepticement, alors qu’elle commence à somnoler.
Il s’allonge sur elle, la caresse, commence à déboutonner son short et son chemisier. Elle trouve la force de protester: « Non, pas ça« .
Il se relève, s’excuse et quitte la pièce sans insister. Le ministère public décrira toute sa souffrance à elle, au réveil ; la sensation d’avoir vécu un mauvais rêve. « Il était son partenaire de patrouille. Son chef qui, soi-disant, l’avait prise sous son aile. »
Jugeant « hors sujet » la circonstance aggravante selon laquelle l’agression sexuelle aurait été commise par une personne ayant autorité, compte tenu du contexte de l’infraction, elle requerra deux ans d’emprisonnement, dont un avec sursis.
Peu disert, plutôt athlétique, le jeune homme, états de service irréprochables mais séducteur invétéré, s’en veut de lui avoir fait « tant de mal« .
Il s’en est fait aussi à lui-même, ce soir-là. Sa compagne ne l’a pas quitté, mais pour le reste, il a tout perdu. Lui qui aime son métier a été suspendu, mis à l’index par toute sa hiérarchie dont il a trahi la confiance.
Me Olesky, au nom de la victime: « Elle s’est sentie chosifiée. Déshumanisée. Trois mois après les faits, elle est encore prostrée, stressée, hyper-angoissée à l’idée de cette audience. »
Elle a dû changer de brigade, réfléchit même à une possible mutation dans une autre région. Pour Me Carles, sur le moment, le prévenu a « l’impression que c’est possible » et croit simplement que la jeune femme est gênée par la présence d’un tiers.
D’où l’espoir de son client d’obtenir ses faveurs en la rejoignant dans sa chambre. « Quand elle le lui demande, il s’arrête. Ce n’est pas un prédateur. Dans sa tête, il n’y a pas de mal. »
Le tribunal ne l’entend pas ainsi. La condamnation est sévère. Dix-huit mois avec sursis probatoire pendant deux ans, interdiction définitive d’exercer, inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes.
Le gendarme déchu a dix jours pour faire appel.