Basée à Anglet, la brigade armant la Vedette Côtière de Surveillance Maritime (VCSM) Adour, de la Gendarmerie maritime, opère dans les eaux côtières entre Arcachon et Hendaye. Elle a en charge la surveillance d’une circonscription de 175 kilomètres de façade maritime, frontalière avec l’Espagne et bordant les départements des Pyrénées Atlantiques et des Landes.
Partie intégrante de la Gendarmerie, mais placés pour emploi auprès du chef d’état-major de la Marine nationale, les gendarmes maritimes, au nombre aujourd’hui de 1068, disposent pour mémoire des mêmes prérogatives que leurs homologues terrestres, avec en plus des spécificités liées au monde de la mer. Dans le cadre de la défense maritime du territoire, qui a d’ailleurs vu son rôle se renforcer suite aux attentats perpétrés en France, la Gendarmerie assure des missions variées, allant de la protection des emprises de la Marine nationale à la sûreté portuaire, en passant par le renseignement des autorités administratives, la surveillance et le contrôle de la navigation maritime, la sécurité, la protection des ressources halieutiques et de l’environnement marin, la lutte contre toutes les formes de criminalité, ainsi que la police judiciaire. Ses activités la conduisent en particulier à s’intéresser aux navires et à leur rôle d’équipage quel que soit leur tonnage ou leur statut mais aussi aux aquaculteurs, aux plongeurs sous-marins, ou encore aux jets skis et aux braconniers.
Forte d’un équipage de 8 hommes, la VCSM est sous les ordres de la compagnie de Lorient, elle-même placée sous l’autorité du Groupement de l’Atlantique basé à Brest.
Depuis Anglet, l’Adour remplit ces différentes missions, avec une particularité locale liée à la proximité de la frontière espagnole, la souveraineté partagée de l’île des Faisans, sur la Bidassoa, et des opérations de contrôle conjointes menées par les gendarmes maritimes avec leurs homologues de la Guardia Civil dans les baies de Chingoudy et de Fontarabie.
Les vedettes Rio Nervon et Adour (© : FRANCOIS DIDIERJEAN)
La Bidassoa et les baies de Chingoudy et de
Fontarabie
La Bidassoa est un fleuve Basque de 66 kilomètres, faisant office de frontière sur une dizaine de kilomètres entre la France et l’Espagne. Son estuaire référencé sous le nom de baie de Chingoudy a pour issue la baie de Fontarabie et le golfe de Gascogne. Hendaye est sur sa rive droite (France), Irun et Fuenterrabia avec l’aéroport de Saint Sébastien sont sur sa rive gauche (Espagne).
La baie de Fontarabie depuis 1879 se divise du point de vue juridictionnel en trois zones : des eaux placées sous la juridiction exclusive de l’Espagne, de la France et des eaux communes où la jouissance du mouillage reste de ce fait « ouverte » aux navires de ces deux pays.
Le statut particulier de l’Ile des Faisans
Sur la Bidassoa se trouve une île aux dimensions réduites, d’environ 150 mètres de long pour une petite trentaine de large, et au statut quasi unique et exhaustif, l’Ile des Faisans. Elle requiert une vigilance accrue ayant été prise dans le passé pour cible par les « autonomistes ».
Le 7 novembre 1659 était signé sur cette île le traité des Pyrénées qui mettait fin à 20 ans de guerre avec l’Espagne et précédait de peu la signature en 1760 sur ce même îlot du contrat de mariage de Louis XIV avec l’infante Marie-Thérèse, fille de Philippe IV.
Aujourd’hui la France et l’Espagne s’attribuent la totalité des fonctions étatiques à tour de rôle sur ce minuscule territoire de 2200 mètres carrés. Les commandants des bases navales française et espagnole portent donc alternativement pendant six mois le titre de Vice-roi de l’île des Faisans. Parmi les officiers de marine qui furent ainsi « sacrés », l’un d’entre eux était Julien Viaud, plus connu sous son nom de plume, Pierre Loti.
Aucun habitant, aucune construction, sauf une stèle sur laquelle fut apposée en 1856 une plaque à la demande de Napoléon III et Isabelle II d’Espagne (en souvenir des conférences de MDCLIX -traité des Pyrénées- par lesquelles Philippe IV et Louis XIV par une heureuse alliance mirent fin à une longue guerre entre les deux nations).
L’île aux Faisans (© : FRANCOIS DIDIERJEAN)
La convention franco-espagnole de 1959
La délimitation des juridictions de la France et de l’Espagne dans la Bidassoa et la baie de Fontarabie ont fait depuis 1659 l’objet de nombreuses déclarations et conventions : 1879, 1886, 1888, 1894, 1908, 1924, 1952 et…. 1959. Elles se traduisent aujourd’hui par différentes ordonnances qui réglementent les activités liées à la mer comme le ramassage des algues, la baignade, la pêche à la pibale et aux oursins, la récupération et le gardiennage des embarcations à la dérive… sous le contrôle du gouvernement Basque et des acteurs publics Français.
Un arrangement technique entre le ministère français de la Défense et celui de l’Intérieur du royaume d’Espagne relatif à la coopération des unités de la Gendarmerie maritime et du Service Maritime de la Garde Civile a été signé à Madrid le 21 février 2008.
Il se concrétise par des patrouilles régulières, mixtes ou conjointes, avec le droit de pénétrer dans les deux Etats en uniforme et avec les moyens terrestres et nautiques de chacun.
El Servicio Maritime Provincial de Bizkaia
Le Service Maritime de la Guardia Civil a été créé en 1991 par un décret royal. Il dispose principalement d’un patrouilleur basé à Bilbao, le Rio Nervon. Long de 30 mètres, il est armé par un lieutenant, deux « patrons » et seize marins.
Ce service est le seul en charge de la police des pêches en mer. Ses compétences s’arrêtent au quai des criées. Il ne dispose pas d’un support tel qu’un système de surveillance côtière à l’image des sémaphores français.
Chaque contrôle se traduit par une mise à jour d’une base de données unique, très détaillée aussi bien techniquement que sur chaque individu contrôlé. Cette base ne pourrait d’ailleurs exister en France sans contrevenir aux règles édictées par la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés).
Réunion préparatoire à une patrouille mixte (© : FRANCOIS DIDIERJEAN)
Contrôles mixtes
Après une réunion définissant les actions à mener au cours d’une mission axée cette fois sur le contrôle des pêches, la VCSM Adour embarque deux « gardes civils », experts en réglementation, marins et manœuvriers aguerris. Ces derniers et l’équipage français maîtrisent très honorablement les deux langues.
Que le navire contrôlé soit espagnol ou français, les inspections sont toujours mixtes et particulièrement minutieuses. De la maille des filets aux systèmes de sécurité, des documents administratifs au respect des ressources halieutiques, la maîtrise de chaque intervenant à la fois de ses propres « règles » mais aussi des exigences européennes évite toute interprétation subjective des textes.
L’objectif n’est pas de sanctionner automatiquement mais d’accompagner tout « rappel à l’ordre » d’une formation pédagogique sur place quelle que soit la langue des interlocuteurs.
Dans cet esprit, les équipes sont, lors de la sortie à laquelle nous avons participé, montées à bord de bateaux de pêche, de transports de passagers, d’annexes de clubs de plongée ou d’écoles de voile. Après un court moment de surprise devant ce « double équipage », la complémentarité ainsi prouvée a été à chaque fois appréciée.
Un contrôle en binome (© : FRANCOIS DIDIERJEAN)
Une coopération en profondeur
Il est de coutume que chacun initie ses « frères d’armes » aux spécialités de son pays. Si les premières ont été la nécessaire rédaction des rapports, les échanges sur des cas « transfrontaliers », il y a aussi le côté « gustatif » qui favorise une estime réciproque.
A tout niveau de la chaîne hiérarchique, on observe une volonté commune d’améliorer la prévention et la répression des infractions dans les eaux territoriales respectives, sans oublier de travailler conjointement sur l’environnement, le terrorisme, le trafic de stupéfiants et des armes, la contrebande…
La planification et la réalisation répétées d’opérations, l’échange de personnels, l’interopérabilité incluant les systèmes de communication, l’harmonisation des procédures, les débriefings pour mesurer l’efficacité de ces actions dans le temps font de de ces patrouilles régulières un exemple concret du potentiel de richesses mais aussi de dangers qu’est le monde marin. Mais aussi que toutes les ressources n’ont pas de frontières géographiques faciles à matérialiser et à faire respecter.
CF(R) François Didierjean