Doubs
Forcenés, personnes suicidaires : rencontre avec les négociateurs de la gendarmerie
Depuis quelques semaines, des affaires de forcenés dangereux et menaçants font la une dans les médias. Derrière ces opérations difficiles, les négociateurs de la gendarmerie sont les premiers à tenter de nouer le contact pour obtenir une reddition sans heurt.
Par Valentin COLLIN – Aujourd’hui à 05:00
Un massif forestier assiégé dans les Cévennes. Un homme traqué après une tentative de meurtre en Dordogne. Autant d’affaires qui mettent en lumière le travail de ces gendarmes de l’ombre dont le métier est de rentrer en contact avec ces forcenés et d’obtenir leur reddition. Dans la région franc-comtoise, ils sont 13 à se déplacer aux quatre coins du territoire pour être au cœur de ces situations de crise. Rencontre avec Alain et Ghislain, négociateurs de la gendarmerie nationale.A lire aussi
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Forcenés et suicidaires : 80 % de l’activité
Le premier a été formé par le GIGN à la négociation en 2006, le second en 2017. À eux deux, ils totalisent des dizaines d’opérations dans des départements où l’activité est particulièrement forte. « Pendant quatre années de suite, nous avons été sur le podium des régions françaises en nombre d’interventions, avec une quarantaine par an. Étonnamment, en 2021, nous remarquons une baisse de l’activité », indique Alain.
Dans la plupart des cas, ils font face à des forcenés retranchés chez eux (40 %) ou des personnes aux idées noires, souhaitant mettre fin à leurs jours (40 %). « Pour le reste, il s’agit plutôt d’individus psychotiques ou en détresse psychiatrique », précise Ghislain. Dès qu’une situation de ce type émerge, ce sont eux qui sont appelés sur les lieux.
La confiance pour obtenir la reddition
« Dans un premier temps, lorsque nous sommes contactés, notre mission durant le transport est de prendre un maximum de renseignements sur la personne avec l’enquêteur local. Une fois qu’on a déterminé le profil de la personne et que l’on arrive sur place, les négociations peuvent débuter. »
Armés d’un téléphone, d’un mégaphone ou simplement de leur voix, ces militaires tentent alors de comprendre les motivations du forcené et d’instaurer un dialogue.
Dans certaines situations, il est crucial d’avoir la confiance du suspect afin d’obtenir sa reddition sans utilisation de la force. « L’année dernière, à Étupes, nous avons fait face à un homme qui avait tiré sur les gendarmes et retenait son père en otage. Au milieu de la nuit, il nous a demandé un paquet de cigarettes. Nous lui en avons déposé un sur un rebord de fenêtre. À partir de cet instant, les choses se sont apaisées et il s’est finalement rendu au petit matin. »
À la marge, quelques-uns sont dans une logique beaucoup plus violente appelée « suicide by cop », à l’instar de Terry Dupin, « le forcené de Dordogne » , qui consiste à se faire abattre par la police.
Un stress intense au cours de ces opérations
À travers toutes ces opérations, les militaires sont toujours plongés dans un stress intense. Pour Ghislain et Alain, c’est devenu une habitude. « C’est un stress qui est plutôt positif. Nous sommes sélectionnés pour nos capacités à le gérer », précise le premier. « On sait qu’il est là et contrairement à la personne que l’on a face à nous, on y est habitué. »
Un ascendant qui, au fil des heures lors d’une négociation, peut s’avérer décisif. Reste une priorité pour ces hommes et ces femmes : « On souhaite que tout le monde rentre à la maison et en vie le soir. » Une mission parfois compliquée mais qu’ils parviennent à accomplir depuis de nombreuses années, en Franche-Comté.