Finistère : immersion dans le quotidien d’une brigade du « bout du monde »
Auteur : adjudant Alexandre Boulais – Région de gendarmerie de Bretagne – publié le 16 mai 2021Temps de lecture: ≃7 min.
« Après nous, c’est l’Amérique ! », ont coutume de dire les habitants de l’île d’Ouessant. Pour cette île, comme pour celle voisine de Molène, vous ne trouverez pas de brigade de gendarmerie permanente. Toutes deux dépendent de la brigade territoriale du Conquet, et donc de la communauté de brigades de Plouzané. Rencontre avec ces militaires du « bout du monde », qui agissent au quotidien sur ce territoire finistérien, brassé par les vents, le sel et les embruns.
Plouzané, Guilers et Le Conquet sont les trois unités qui composent la Communauté de brigades (CoB) de Plouzané. Les gendarmes y exercent leurs missions sur un territoire situé à l’extrémité Ouest du Finistère, à la fois rural, semi-urbain et côtier.
Rural, avec une activité agricole importante, semi-urbain avec des communes implantées à proximité de l’agglomération brestoise et, enfin, côtier, avec près de 110 km de littoral. Très touristique, la région brasse des flux de populations importants toute l’année.
Il s’agit aussi d’un bassin d’emploi conséquent, particulièrement tourné vers l’innovation, avec un technopôle qui attire des entreprises et assure des créations d’emplois, notamment dans les secteurs des sciences et technologies de la mer, du numérique et des sciences du vivant.
C’est enfin un territoire qui comprend des îles, sur lesquelles les gendarmes sont également compétents. C’est le cas d’Ouessant et de Molène, deux des quinze îles du Ponant.
Un service qui doit nécessairement s’articuler entre le continent et les îles
« Notre unité est confrontée aux mêmes interventions et événements que les autres unités de gendarmerie. Nous intervenons sur des cambriolages, des violences intra-familiales, des agressions ou encore des accidents, présente la lieutenante (LTN) Virginie Lemercier, commandant la Cob de Plouzané.
Sur la circonscription de la brigade du Conquet, tout comme sur celle des deux autres unités de la Cob, les gendarmes exercent leurs missions en s’appuyant sur un réseau de partenaires et sur de bonnes relations entretenues avec les commerçants, les entreprises, les élus ou encore les policiers municipaux de la circonscription. « Nous avons la chance d’avoir des policiers municipaux avec qui nous avons de très bons rapports. Certains sont d’anciens gendarmes et l’un d’eux est réserviste de la gendarmerie », précise l’officier.
Ces agents agissent en coopération avec la gendarmerie, permettant des échanges de renseignements souvent utiles à la compréhension d’un événement ou à la conduite d’une enquête judiciaire.
La gendarmerie assure par ailleurs une surveillance particulière du technopôle Brest-Iroise, centre de recherche situé en périphérie de Brest, qui regroupe près de 6 700 emplois. Le lien tissé avec les entreprises qui y sont implantées constitue un atout important.
De bonnes relations sont également nouées avec le monde associatif, comme l’association « Aux Marins », qui s’occupe du mémorial national « des marins morts pour la France », un lieu de mémoire situé sur la pointe Saint-Mathieu pour honorer les marins morts en mer. C’est aussi un lieu de recueillement pour les familles, dont les ancêtres disparus en mer n’ont pas de sépulture. En participant aux hommages, aux commémorations et en organisant leurs prises de commandement sur ce site, les gendarmes montrent leur attachement à ce devoir de mémoire.
À cette activité commune à de nombreuses unités de gendarmerie situées sur le continent, vient s’ajouter la gestion de territoires particulièrement isolés, comme ceux des îles d’Ouessant et de Molène.
Sur les îles, un partenariat renforcé avec les élus
Les îles de Molène et d’Ouessant sont en effet respectivement situées à trente minutes et une heure de navigation. La prise en compte des événements qui y surviennent et le départ en intervention revêtent donc un caractère particulier.
À l’année, près de 850 personnes vivent à Ouessant et 150 à Molène. Des chiffres multipliés par quatre en moyenne lors de la période estivale. Alors, de juin à septembre, un poste provisoire est mis en place à Ouessant, armé par cinq gendarmes de la compagnie de Brest, et des allers-retours réguliers sur Molène permettent d’assurer la prise en compte des événements durant les périodes d’affluence.
Le reste de l’année, les gendarmes se rendent plusieurs fois par mois sur les îles pour un ou deux jours. Ils s’y transportent alors par la ligne maritime civile. À Ouessant, ils bénéficient d’un local et d’une voiture de service à demeure. Ils traitent les affaires moins urgentes, avec notamment des prises de rendez-vous pour le recueil des plaintes.
Pour les interventions urgentes, lorsque les gendarmes ne sont pas sur place, la difficulté réside dans la capacité à se projeter dans les plus brefs délais, en fonction des moyens disponibles, mais aussi en fonction de la météo. Ne disposant pas de moyen nautique propre, c’est le degré d’urgence de l’intervention qui détermine le mode de transport qui sera utilisé par les militaires de la CoB. Ils peuvent ainsi s’appuyer sur les unités nautiques et les forces aériennes de la gendarmerie, mais aussi solliciter la gendarmerie maritime, voire la SNSM.
Mais c’est surtout en gardant un contact permanent avec les élus locaux de ces territoires, et notamment les maires, que la gestion de la sécurité des îles s’organise. « Je n’hésite pas à téléphoner à la brigade ou au commandant de brigade en cas de questions. En tant que maire d’une île, on intervient sur tout, sur les conflits de voisinage, sur les accidents… Mais quand il s’agit des procédures, même si le maire est officier de police judiciaire, chacun son métier », estime le maire d’Ouessant, Denis Palluel, qui insiste aussi sur la proximité que les gendarmes savent créer, au fur à mesure des années, avec les habitants de l’île. Il sait que lorsque les gendarmes sont sur l’île, ils prennent le temps d’aller voir les habitants, les élus et les commerçants. Le maire relève également la nécessité de faire de la prévention auprès des personnes de passage, qui ne mesurent pas toujours les dangers aux abords des falaises, où les vagues peuvent parfois atteindre plus d’une dizaine de mètres. Un record de 24,60 mètres a d’ailleurs été enregistré cet hiver, au large de l’île, près du phare de la Jument, par France Énergies Marines.
Pendant cette période de crise sanitaire, les gendarmes doivent par ailleurs rassurer les îliens, particulièrement inquiets en raison de leur isolement et de leur éloignement des structures médicales situées sur le continent.
Une prise en compte qui se fait également au niveau compagnie
Il est également important de sensibiliser les gendarmes d’autres unités, pouvant être amenés à intervenir sur les îles, aux particularités de ces territoires. Au sein de la compagnie de Brest, le Peloton de surveillance et d’intervention de gendarmerie (PSIG), ainsi que la brigade de recherches (B.R.) peuvent ainsi être concernés. Il en est de même pour les militaires des unités voisines de Plouzané, volontaires pour armer le poste provisoire estival d’Ouessant, permettant ainsi de ne pas déséquilibrer les effectifs de la communauté de brigades.
Évoquant ces particularités et la manière dont il les prend en compte, le lieutenant-colonel Fabien Milliasseau, commandant la compagnie de gendarmerie départementale de Brest, dont dépend cette unité, explique : « Le regard porté par un commandant de compagnie doit, à mon sens, être non différencié selon les unités, qui disposent chacune de leurs spécificités. Cependant, il convient de prendre en compte les modes de fonctionnement, qui peuvent être différents, et de laisser aux commandants de brigade ou de communauté de brigades le droit à l’initiative. Pour Plouzané, les points évoqués sont autant de sujets qu’il convient de prendre en compte dans les perspectives d’engagement. J’y suis particulièrement attentif. »
Les gendarmes de la brigade du Conquet, et de fait de la communauté de brigades de Plouzané s’adaptent donc à la particularité d’avoir deux îles éloignées des côtes sur leur circonscription. Par une prise en compte personnalisée de ces territoires et une offre de sécurité sur mesure, les gendarmes garantissent à la population îlienne un niveau de sécurité adapté et en adéquation avec les problématiques rencontrées.
Tout en assurant les missions communes à toute brigade implantée sur le continent, ces gendarmes « du bout du monde » gardent toujours un œil attentif sur ce qui se passe sur les îles, grâce notamment à la qualité des relations qu’ils entretiennent avec les élus et la population, auxquels ils apportent écoute, aide et conseils, même lorsqu’ils ne sont pas physiquement présents.