A Nice, Emmanuel Macron présente ses propositions sur la sécurité ; la droite attaque son bilan
Généralisation des amendes forfaitaires, doublement de la présence policière dans les transports, budget accru de 15 milliards d’euros sur cinq ans… Le président a détaillé lundi ses propositions, bien qu’il ne soit pas encore officiellement candidat.
Le Monde avec AFP
Publié le 10 janvier 2022 à 12h52 – Mis à jour le 10 janvier 2022 à 19h30
A trois mois du premier tour de l’élection présidentielle, la sécurité revient comme l’un des thèmes centraux de la campagne. Après Valérie Pécresse, qui a annoncé son intention de « ressortir le Kärcher de la cave » la semaine dernière, Emmanuel Macron était à Nice, lundi 10 janvier, pour présenter ses propositions sur ce thème, bien qu’il ne soit pas encore officiellement candidat.
Devant des élus et des associations, le président de la République a réitéré son intention de vouloir « doubler [le nombre de] policiers sur le terrain d’ici à 2030 ». Cette mesure viendra en complément de la création des 10 000 postes de forces de l’ordre depuis le début du quinquennat, a-t-il précisé. « Nous avons, ces cinq dernières années, conformément à l’engagement que j’avais pris, réinvesti dans notre sécurité », a également défendu M. Macron, sous forme de bilan.
- Généralisation des amendes forfaitaires
M. Macron a par ailleurs annoncé une généralisation des amendes forfaitaires délictuelles (AFD) pour les délits sanctionnés par des peines inférieures à un an de prison. Le président de la République a expliqué que cette généralisation de l’AFD, utilisée notamment pour lutter contre la consommation de stupéfiants, était « un élément de simplification » qui permettrait aux « magistrats de se concentrer sur les affaires plus importantes ».
- Contre les violences faites aux femmes
Le chef de l’Etat entend doubler la présence policière dans les transports, dans le cadre d’une future loi sur la sécurité (loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur). Dans cette nouvelle loi – qui ne pourrait être votée qu’après l’élection présidentielle –, M. Macron a expliqué vouloir « doubler la présence policière (…) dans les transports en commun aux horaires où les agressions sont le plus constatées ».
Il a dit vouloir tripler à 300 euros l’amende pour harcèlement de rue, un acte qui sera qualifié de « délit ». En août 2018, une infraction d’« outrage sexiste » avait été créée par la loi pour sanctionner le harcèlement de rue, mais sans en faire un délit.
Il a enfin annoncé le doublement en cinq ans du nombre des enquêteurs préposés aux violences intrafamiliales, portant leur nombre à 4 000. Le président a, en outre, promis que la future loi sur la sécurité augmenterait de 200 le nombre des intervenants sociaux dans les commissariats et les gendarmeries, pour atteindre un total de 600.
- Création de brigades de gendarmerie en milieu rural
Il a aussi annoncé la création de 200 brigades de gendarmerie en milieu rural afin de « remettre de la tranquillité dans les quartiers les plus ruraux ». « Les expérimentations conduites dans plusieurs départements ont prouvé l’efficacité du système, qui rapproche les forces de l’ordre de la population dans des territoires où l’empreinte des services publics est faible », a-t-il ajouté. M. Macron a ensuite dévoilé la mise en place d’une « force d’action républicaine » qui sera déployée « dans les quartiers qui connaissent des difficultés » afin d’« aider à démanteler les principaux points de deal ».
- Création d’un site unique pour la DGSI en 2028
Emmanuel Macron a confirmé la construction d’un site unique accueillant l’ensemble des services de renseignement. Ce site unique de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) sera situé à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), dans les anciens locaux du journal Le Parisien, qui ont été rachetés par l’Etat.
Le président de la République a précisé que la création de ce site unique nécessitait « plus de 1 milliard d’euros d’investissement ». Il a ajouté que cet « investissement massif » serait inscrit dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur qui sera présentée en conseil des ministres en mars. Il y aura pour la DGSI « des investissements considérables » concernant la cybercriminalité (messageries cryptées…) afin de lutter contre « ces nouveaux risques », a-t-il dit aussi. Les personnels de la DGSI devraient intégrer ce nouveau site en 2028.
- Formation cyber pour lutter contre les attaques numériques
Le chef de l’Etat veut également la création de 1 500 « cyberpatrouilleurs » supplémentaires et d’une école de formation cyber pour lutter contre les attaques numériques, dans le cadre d’un plan d’investissement d’un milliard d’euros. L’école de formation sera créée au sein du ministère de l’intérieur pour former les policiers, les gendarmes et les agents des services de renseignement « sur cette thématique en constante évolution », selon l’Elysée.
Par ailleurs, le chef de l’Etat a annoncé la mise en place d’un équivalent numérique de « l’appel 17 », afin que chaque citoyen puisse signaler en direct une cyberattaque (virus, piratage, etc.) et être mis immédiatement en relation avec un opérateur spécialisé.
- Quinze milliards en plus sur cinq ans
Autant de dispositifs qui pourraient être intégrés à la future Lopmi pour les années 2022-2027, pour laquelle Emmanuel Macron prévoit de présenter un projet de loi devant le conseil des ministres au mois de mars – pour une potentielle adoption après l’élection présidentielle.
Une augmentation du budget de la sécurité y serait prévue, de 15 milliards d’euros sur cinq ans soit, selon l’Elysée, une hausse de 25 % du budget actuel. Cet effort, qui serait historique, viendrait après celui du budget 2022 qui constituait déjà un record avec 1,5 milliard d’euros supplémentaire dédié à la sécurité.
« Emmanuel Macron a laissé la société s’ensauvager »
Au cours de cette prise de parole à Nice, il a aussi déclaré avoir « réinvesti pour lutter contre l’immigration illégale » et contre la radicalisation et « mené une action nouvelle contre la drogue » avec la création d’un organisme central pour lutter contre les trafics et les points de deal. « C’est une priorité et le restera, a-t-il ajouté. Notre devoir et notre vocation c’est de continuer à améliorer inlassablement les choses. »
A son arrivée à Nice, le chef de l’Etat a été accueilli par le maire, Christian Estrosi, qui a quitté Les Républicains (LR) pour le soutenir. Symboliquement, M. Estrosi a remis au président de la République les clés du futur « hôtel des polices », devant réunir les polices nationale et municipale. Accompagné du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, et de la secrétaire d’Etat Marlène Schiappa, M. Macron doit également échanger au cours de ce déplacement avec des membres des membres des forces de l’ordre, des élus, des magistrats, des associations et des Niçois.
Sur ce thème de la sécurité, M. Macron est très attaqué à droite. Son déplacement à Nice a d’ailleurs fortement déplu à Eric Ciotti, député du département et « conseiller à l’autorité » de la candidate LR, Valérie Pécresse. « Il vient déposer la première pierre factice d’un commissariat dont les travaux ne commenceront pas avant deux ans et dont la demande de permis de construire n’est même pas déposée. Je ne cautionnerai pas cette petite manœuvre électorale », a réagi le finaliste du congrès LR au Figaro.
M. Ciotti n’était pas présent, comme le veut la tradition républicaine, pour accueillir le président de la République et a annoncé compter se rendre, au même moment, à la prison de Nice. « L’échec Macron en matière de sécurité est celui de la faillite du en même temps sécuritaire », critique dans le même entretien le député, spécialiste des questions de sécurité. « Emmanuel Macron a laissé la société s’ensauvager et va laisser aux Français une France Orange mécanique », estime-t-il.
La semaine dernière, c’est la candidate des Républicains, Valérie Pécresse, qui a ressorti des formules chocs sur le thème de la sécurité. A l’occasion d’un déplacement dans les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse et d’un entretien à La Provence, elle a employé une formule à forte connotation à droite. « Je vais ressortir le Kärcher de la cave », a-t-elle assené, en référence à la formule de Nicolas Sarkozy, qui en 2005 avait promis à une habitante de La Courneuve (Seine-Saint-Denis) de « nettoyer » la cité « au Kärcher ».
Durant son déplacement jeudi, Mme Pécresse avait notamment plaidé en faveur de la création de « centres de détention provisoires », jugeant insuffisant le nombre d’exécutions des courtes peines. « Nous allons promettre de réaliser 20 000 places de prison supplémentaires (…), mais elles ne sortiront pas de terre dès l’été. (…) On va ouvrir des centres de détention provisoires dans des bâtiments désaffectés », a-t-elle expliqué depuis Salon-de-Provence.
Le Monde avec AFP