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Elles ont choisi l’uniforme

Manon Marionette
Marie Maudet
Marie-Chrisitine Verchère
Sandrine Dijoux
Ancienne professeure des écoles, Maya de Villepoix, 32 ans, a réussi le concours de capitaine et intégré le corps des sapeurs-pompiers de la Réunion le 1er février 2018. Pour cette ancienne pompière volontaire à Étang-Salé, cette reconversion visait à rejoindre un métier « dans lequel on a besoin et envie de se dépasser physiquement et intellectuellement, dans lequel on cherche toujours à s’améliorer pour le bien de la population et pour apporter à ses camarades. »Intégrée au groupement de

Par – Clicanoo 8 mar 2020, 09h00 0

Des femmes portant l’uniforme de gendarme, de pompier, de militaire ou de policier, cela n’étonne plus personne aujourd’hui. Mais la féminisation des métiers de la sécurité et des armes ne coulait pas de sources il y a encore quelques années. Pour mesurer le chemin parcouru, nous sommes allés à la rencontre d’une des premières femmes entrées dans la gendarmerie et de ces jeunes collègues.

Marie-Christiane Verchère, 57 ans, commandante en second

Dans la promotion des premières femmes gendarmes

Commandant ou commandante ? Marie-Christine Verchère répond par un sourire. La numéro 2 de la compagnie de Saint-Pierre n’accorde pas plus d’importance que ça à la féminisation de son grade. Elle observe avec ironie qu’on s’en inquiète le plus souvent une fois par an : lors de la journée des droits de la femme du 8 mars. 

Est-il plus facile d’être un homme qu’une femme pour diriger les 178 militaires du Sud de la Réunion ? “Je ne sais pas ce que c’est d’être un homme”, lance-t-elle sur le même ton. Pour dire que l’essentiel est ailleurs dans ses fonctions. En premier lieu, l’autorité. Celle qui découle de son expérience, ses compétences. Et qui entraîne le respect. “Cela signifie savoir guider le personnel, leur apporter les moyens d’assurer leurs missions, leur donner confiance”.

L’art du commandement semble naturel chez Marie-Christine Verchère qui est entrée dans la gendarmerie en 1982 pour devenir officier en 2008. Elle l’a acquis grâce à sa personnalité, sa volonté d’adolescente de mener une carrière militaire et sa détermination durant ses affectations en région parisienne, dans les Alpes, dans les Antilles et à Tahiti.

La commandante (on a donc choisi pour elle!) reconnaît qu’il lui a fallu s’imposer comme femme au sein de la gendarmerie. L’Aveyronnaise a dû faire ses preuves en portant l’uniforme car elle fait partie de ces 170 premières femmes à avoir intégré la gendarmerie au sein d’une compagnie à l’école de Montluçon. C’était en 1983. Une révolution.  Avant cette date, seuls les hommes pouvaient devenir gendarme. “Il a fallu montrer que nous étions aussi compétentes que les hommes. Nous n’avons pas été épargnées. Ce pouvait être la double peine”. Marie-Christine Verchère dit être tombée sur de bons et très bons collègues. “Sauf un ! Un sous-officier dont j’étais l’adjointe qui n’acceptait pas les femmes et qui supportait encore moins les femmes qui commandaient. J’ai essuyé de multiples réflexions. Il fallait tenir. Mais ce n’était pas lui qui allait me faire reculer ou craquer !”

“Aujourd’hui, les gens ne se posent pas la question de savoir si une femme peut être gendarme”

Beaucoup d’épouses de gendarmes n’ont pas vu d’un bon oeil l’arrivée des gendarmes féminins. “Nombre d’entre elles étaient jalouses de savoir leur mari parti en patrouille avec une femme”. Il a fallu aussi lutter contre certains a priori, confie-t-elle. “Certains se demandaient si une femme serait capable de voir un cadavre ou de passer une nuit sans dormir. Au début de ma carrière, il n’y avait jamais de patrouilles à deux comprenant une femme. Nous étions toujours trois, une femme avec deux hommes.”

Il n’a pas toujours été simple non plus de conjuguer vie professionnelle et vie familiale, et d’élever son fils. “Il est vrai que l’on demande rarement ce genre de choses aux hommes,” remarque-t-elle. Reste les spécificités du métier de gendarme avec les astreintes, les urgences. Encore plus à l’époque où elle a entamé sa carrière. L’emploi du temps était plus rigide avec moins de “quartiers libres”. “Cela n’a pas été évident mais  j’y suis arrivée”.

En 2021, la commandante Verchère prendra sa retraite. Elle sait déjà qu’il va lui falloir trouver une activité pour compenser cette vie bien remplie. Forcément heureuse d’avoir, avec ses collègues féminines, ouvert une voie. “Aujourd’hui, se félicite-t-elle, la plupart des gens ne se posent pas la question de savoir si une femme peut être gendarme”. 

Jérôme Talpin


Sandrine Dijoux, 37 ans, adjudant à la Plaine des Cafres

La force de la détermination

N’allez surtout pas lui parler du terme de “gendarmette”. D’abord, parce qu’il est vrai que l’on entend plus guère cette appellation. Ensuite parce que “cela fait un film de Louis de Funès ou Claudette de Claude François. Elles sont là comme faire-valoir. Comme pour faire belle et servir à accompagner”, souffle Sandrine Dijoux, 37 ans, adjudant à la brigade de la Plaine des Cafres. Une unité quasiment mixte puisque cinq gendarmes sur 12 sont des femmes. 

Selon Christine Dijoux, les cas restent rares où l’on s’étonne de son uniforme. Sauf récemment où, avec deux collègues femmes, elle a mené une intervention dans un restaurant pour interpeller un ancien employé devenu furieux en raison d’un litige. “Nous avons entendu à notre arrivée quelqu’un dire à la personne requérante :  »il y a trois charmantes demoiselles pour vous ». Ça pique un peu car il y a des sous-entendus sur notre crédibilité. Nous avons réglé la situation en ramenant le calme. Cela a été une réponse à celles et ceux qui doutaient”. 

Aujourd’hui, “la population associe une femme et un uniforme”, observe Sandrine Dijoux. Né en 1983, année où les femmes ont été admises dans la gendarmerie, elle dit ne pas être confrontée “à des situations dans lesquelles je ne me suis pas sentie à ma place”. “J’ai du caractère”, ajoute-t-elle en souriant. En fait, comme nos collègues masculins, il s’agit de montrer nos qualités. La force de la détermination suffit. Je fais ce qui doit être fait. C’est la meilleure façon de gagner la confiance. Et ce n’est pas parce que nous sommes des femmes que nous n’allons pas aller au contact”. 

“On ne sait jamais à l’avance de quoi va être fait notre journée” 

Selon ce sous-officier, “la gendarmerie a beaucoup évolué et la société aussi. Elle confie ne pas supporter l’idée de quotas. “Je n’aimerais pas que l’avancement se décide autrement que sur des questions de grade et de qualification”.

Sandrine Dijoux n’a jamais envisagé une autre carrière que celle de gendarme. L’envie de porter l’uniforme remonte à son enfance à Saint-François. Et aux images télévisées de la prise d’otages de l’Airbus reliant Alger à Paris avec l’intervention du GIGN. 

Après son bac au lycée Lislet-Geoffroy à Saint-Denis, elle a intégré l’école de Montluçon à 18 ans. Une épreuve à relever. Pas parce qu’elle est une femme. Mais parce qu’elle ne connaissait pas la métropole ni la rigueur de la vie militaire. “J’ai découvert en même temps le froid, une autre façon de manger. J’ai appris à faire mon lit au carré et à repasser mes tenues. Ce n’était pas facile au début car j’étais plutôt une fille à maman”, rigole-t-elle.

Aujourd’hui, elle mène de front sa carrière et sa vie de maman qui élève seule deux enfants de 8 et 10 ans. “L’essentiel est d’être très organisée en raison des astreintes. Je peux aussi compter sur une nounou qui est hyper disponible, ainsi que mes parents”.

Devenue référente pour les questions de violences faites aux femmes, Sandrine Dijoux ne souhaite pas être “rattachée de façon permanente à cette thématique”. “Ce que j’aime avant tout dans mon métier, c’est la polyvalence et les missions diversifiées. On ne sait jamais à l’avance de quoi va être fait notre journée. Lorsque nous partons en intervention, c’est souvent l’inconnu. Il faut savoir apporter des réponses. Et le plus souvent très rapidement. C’est notre challenge. J’apprécie cette adrénaline. Et j’aime le contact avec les gens.”

Jérôme Talpin


Manon Marionette, 20 ans, gendarme adjoint volontaire

Toute jeune et déjà dans le grand bain Sa formation de Gendarmes-adjoints volontaires (GAV) en poche, Manon peut aujourd’hui seconder les sous-officiers d’active et acquérir une première expérience avant de peut-être faire carrière. Reçue major de la promotion 2019 des GAV-Péi, elle s’est ouverte en grand les portes de la gendarmerie en pouvant choisir l’affectation de son choix, au terme des trois mois de formation. Ce sera la brigade de Saint-Gilles, réputée pour son activité intense et diversifiée. 

À quelques encablures seulement du lycée, Manon fait le plongeon dans le grand bain avec calme et lucidité. Demandez-lui si une expérience l’a marquée? Difficile de faire ressortir une anecdote tant les gardes-à-vue, les plaintes et autres patrouilles ou interventions de journée comme de nuit sont devenues son quotidien. « Chaque journée est différente. Il y a toujours quelque chose à faire et pas mal d’action ».« On n’imagine pas la complexité du métier » La jeune femme, loin d’être désarçonnée par sa vie professionnelle naissante, se satisfait pleinement des possibilités qui lui sont offertes. « J’ai beaucoup de chance, car on me laisse traiter de nombreuses procédures en autonomie. C’est passionnant ». Voilà désormais neuf mois que Manon a rejoint son unité. « C’est un ami gendarme qui m’a longuement parlé de son métier dans un premier temps. J’étais impressionnée par la diversité du métier et je me suis décidée à tenter les concours ». 

Forte d’avoir tapé dans l’oeil de sa hiérarchie pour son sérieux et son implication, Manon Marionette pense déjà à l’avenir. « Je désire poursuivre dans cette voie bien sûr. Je devrais tenter le concours de sous-officier au mois d’octobre ». Pour son orientation précise, elle se laisse cependant le temps de réfléchir. « Durant la formation, on nous fait découvrir la partie judiciaire des procédures, comme les interventions sur le terrain. On n’imagine pas la complexité de ce travail, quand on regarde seulement depuis l’extérieur. J’ai la chance de toucher à tout pour le moment, et je vais prendre le temps de réfléchir à ce que je ferais par la suite ».

Malgré son jeune âge, Marion est laissée en parfaite autonomie au volant du véhicule de la brigade de Saint-Gilles pour notre rencontre sur le chef-Lieu. Une simple anecdote, qui intrigue et épate les gradés ayant fait leurs armes à une autre époque. Un signe des temps nouveaux peut-être, où le sexe n’est plus un critère quand on porte l’uniforme.

Julien Georget     


Marie Maudet, 32 ans, réserviste de la gendarmerie

“Mon cheval est aussi mon binôme”

Elle-même ne semble pas en revenir quand elle le dit. Mais voilà quinze ans désormais que Marie Maudet côtoie régulièrement la gendarmerie en tant que réserviste. Et pour cause, la jeune femme s’est engagée très tôt dès ses 18 ans fêtés. « Je voulais initialement faire carrière dans l’armée ». Un projet avorté pour des raisons personnelles, ce qui n’empêchera aucunement Marie de satisfaire son désir de servir par une autre voie. En 2005, elle signe comme réserviste de la gendarmerie. « Nous assistons les sous-officiers d’active, à raison de trente à cinquante jours par an. Il faut pouvoir se rendre disponible au moins une journée par semaine ».

« On a travaillé dur avec la Garde Républicaine »

Au fil du renouvellement de ses contrats, Marie découvre différentes unités et s’initie à différentes facettes du métier. « Je suis devenue agent de police judiciaire adjoint ». Une certification qui lui a par ailleurs ouvert des portes dans la vie civile, plus précisément dans le domaine de la sécurité. « Je dirige un site de télésurveillance. C’est évident que mon expérience en tant que réserviste est un atout de taille dans mon travail ». Mais chaque semaine, la jeune femme troque immanquablement la tenue civile pour le polo bleu. 

Passionnée d’équitation, et de cross notamment, c’est à la brigade équestre de l’Hermitage que Marie apporte aujourd’hui son concours. « On a travaillé dur avec la Garde Républicaine il y a quatre ans pour nous former, mais aussi pour éduquer les chevaux aux missions que nous assurons ». Deux passions qui se croisent au service de la population, avec comme objectif principal de sécuriser les abords du lagon par forte affluence et prévenir les vols sur les plages et les parkings de la station balnéaire. « C’est surprenant de constater à quel point on est très bien vu et apprécié par les gens. Ils ne voient plus le gendarme, mais seulement le cheval. Sa présence impressionne, et désamorce facilement les conflits par exemple ».

De son expérience, Marie assure ne jamais avoir senti de sexisme ou de misogynie au sein de la maison-gendarmerie. « En tant que femme, on sent être l’objet d’une attention particulière de la part de nos collègues lors des épisodes violents ou des interventions à risque. Mais c’est tout à fait normal de mon point de vue, et plutôt sécurisant ».

Julien Georget


Maya de Villepoix, 32 ans, capitaine des sapeurs-pompiers : « Pas peur de commander à des hommes »

À l’occasion de la 3e édition de la journée du droit des femmes organisée par le SDIS, rencontre avec une capitaine des sapeurs-pompiers.

Ancienne professeure des écoles, Maya de Villepoix, 32 ans, a réussi le concours de capitaine et intégré le corps des sapeurs-pompiers de la Réunion le 1er février 2018. Pour cette ancienne pompière volontaire à Étang-Salé, cette reconversion visait à rejoindre un métier « dans lequel on a besoin et envie de se dépasser physiquement et intellectuellement, dans lequel on cherche toujours à s’améliorer pour le bien de la population et pour apporter à ses camarades. »

Intégrée au groupement de la formation, où elle s’occupe d’ingénierie pédagogique et de la refonte de la formation des volontaires, la capitaine de Villepoix devrait bientôt prendre le commandement d’un centre de secours.

Dans un métier où les femmes sont rares (à peine 7 % des officiers), elle affirme n’être « aucunement effrayée par le fait de commander à des hommes. » « Au contraire, c’est peut-être eux qui ont peur d’une femme ! », sourit la jeune femme qui assure n’avoir « jamais senti de problématique au fait d’être une femme » dans un milieu « pourtant très masculin. »

« Mais je pense que j’ai eu de la chance. Je n’ai jamais été agressée ou moquée par rapport au fait que j’étais une femme. Mais je sais que ce n’est pas le cas pour nous toutes », nuance la capitaine.

« MA FAMILLE M’A SOUTENUE »

Elle remarque également qu’à travail égal, les femmes doivent souvent « justifier plus » leur présence que leurs homologues masculins : « Il y a une nécessité, du moins au début, de marquer sa place. » Pour autant, elle ne redoute pas le moins du monde l’accueil qui lui sera fait en caserne et a une conception très claire de cette mission d’encadrement : « Il s’agit de faire vivre une communauté avec des valeurs, et d’apporter de sa personne dans la vie de la caserne. »

Certes, sa vocation a surpris son monde, à commencer par sa famille : « Il n’y avait aucun pompier dans ma famille, mais mon père était très fier de moi et ils m’ont toujours soutenue. » Et elle n’ignore pas les contraintes de ce type de métier sur la vie de famille. « Je n’ai pas encore d’enfants mais je projette d’en avoir dans le futur. Il s’agira d’être bien organisés, pour l’harmonie entre famille et travail » estime l’officière, qui participait vendredi à la 3e édition de la journée du droit des femmes organisée par le SDIS et l’union départementale des sapeurs-pompiers. Une manifestation qu’elle juge « intéressante, qui pose la question de la place des femmes dans la société et permet d’ouvrir le débat. » Sa place, la capitaine de Villepoix l’a bien trouvée dans le corps des sapeurs-pompiers.

S. G.

Source : www.clicanoo.re

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