Drame de Sivens : 23 grenades lancées, selon le patron de la gendarmerie
Deux semaines après le décès de Rémi Fraisse, sur le chantier contesté du barrage de Sivens (Tarn), le général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale, revient sur les circonstances du drame.
Comment réagissez-vous aux différentes mises en cause qui visent votre institution ?
DENIS FAVIER. Je constate que bien des choses qui sont dites aujourd’hui ne sont pas conformes à la réalité. Nous sommes face à un drame, et, comme tout le monde, nous souhaitons connaître avec précision ce qui s’est passé. Je constate à la lecture de certains articles que la gendarmerie aurait voulu cacher des choses. C’est totalement faux, et je ne peux pas le laisser dire. Nous avons immédiatement porté les faits à la connaissance de l’autorité judiciaire. Les faits se passent à 1 h 40, le parquet est avisé à 2 heures et notre autorité de police judiciaire locale à peine une demi-heure plus tard. Nous avons fait le maximum et nous continuons à le faire pour savoir ce qui s’est passé.
Vous attendiez-vous à des affrontements violents à Sivens ?
Depuis début septembre, les heurts entre forces de l’ordre et zadistes ont été particulièrement violents, au point que 56 policiers et gendarmes ont été blessés. La préfecture du Tarn a tenu plusieurs réunions avec les organisateurs de la manifestation dans un esprit de calme et, parallèlement, le ministre de l’Intérieur n’a cessé de donner des consignes d’apaisement. Malgré cela, nous avons très vite compris qu’une frange radicale de casseurs viendrait se mêler aux manifestants pacifiques.
Pourquoi les gendarmes étaient-ils sur le site ?
Le préfet du Tarn, qui détient l’autorité publique, a fait appel aux forces de gendarmerie car il y avait des risques d’affrontement avec des contre-manifestants favorables au barrage. Il y avait aussi la crainte de voir des casseurs se rendre dans la ville proche de Gaillac. Enfin il fallait éviter le « piégeage » du site qui aurait compromis la reprise des travaux.
Qui a lancé cette grenade et à la suite de quel ordre ?
Ces munitions ne peuvent être utilisées que dans deux situations : soit à la suite de violences à l’encontre des forces de l’ordre, soit pour défendre la zone liée à la mission confiée aux gendarmes. Il faut que le chef du dispositif donne son aval à son utilisation, et celui-ci a donné l’ordre en raison des menaces qui pesaient sur les effectifs. Le tireur est un gradé et agit sur ordre de son commandant, après que les sommations d’usage ont été faites. Donc, je maintiens qu’il n’y a pas eu de faute de la part du gradé qui a lancé cette grenade.
On évoque une quarantaine de grenades de ce type utilisées au cours de ces affrontements…
Non, c’est inexact. Entre minuit et 3 heures du matin, ce sont 23 grenades qui ont été lancées. Environ 400 le sont tous les ans, c’est dire que les affrontements ont été particulièrement violents. J’ai vu des officiers, présents dans la gendarmerie depuis trente ans, qui m’ont dit ne jamais avoir vu un tel niveau de violence. Nous sommes face à des gens qui étaient présents pour « casser » du gendarme.
On vous reproche d’avoir tardé à communiquer sur le déroulé des événements ?
Je comprends les attentes de bien des gens, et en premier lieu, ceux de la famille de la victime. Mais nous avons été transparents, en échangeant immédiatement avec le procureur qui a saisi la section de recherches de Toulouse et le laboratoire de police scientifique. Mais une enquête est alors en cours, et il faut la respecter. L’indépendance de la justice doit être la règle, le ministre de l’Intérieur l’a rappelé. Nous voulons que la vérité soit établie, que la justice puisse travailler sereinement.
Que se passe-t-il lorsque les gendarmes s’aperçoivent qu’un homme est à terre ?
Très vite, un peloton se dirige vers lui pour le prendre en charge et l’évacuer. Les pompiers arrivent ensuite très vite sur place et le transférent vers Albi. C’est à ce moment-là que le décès est constaté.
Près de 300 lycéens ont de nouveau défilé hier matin entre Nation et République à Paris pour protester contre les « violences policières » et la mort de Rémi Fraisse. Ils avaient auparavant « perturbé » vingt lycées, dont trois étaient bloqués, selon le rectorat de Paris. Ils se sont dispersés dans le calme. Toutefois, des incidents ont éclaté, notamment devant une annexe du lycée Racine (VIIIe), où une trentaine de jeunes ont allumé un feu de poubelles spectaculaire vers 10 h 30, qui a été circonscrit par les pompiers.