Dossier Justice 27 – Autisme : les gendarmes sont sympas, pas leurs chefs !
31 JANV. 2021 | PAR JEAN VINÇOT | BLOG : LE BLOG DE JEAN VINÇOT
Plusieurs gendarmes ont fait don de jours de congés pour une de leurs collègues, mère d’un enfant avec autisme « sévère ». Le chef refuse sous une condition inexistante dans la réglementation. La Cour Administrative d’Appel de Nantes annule le refus. Rompez !
Les militaires peuvent donner des jours de congés à un de leurs collègues (du même Ministère) pour s’occuper d’un enfant à charge « atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident d’une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants« .
Une capitaine de gendarmerie a demandé à en bénéficier pour son enfant avec « autisme sévère ». C’est assez grave ? Oui, car le commandant de la région de gendarmerie de Basse-Normandie lui a accordé cinq jours en 2015. Mais il faut savoir ne pas abuser des bonnes choses. La dame veut remettre çà, ses collègues ont fait don de jours, mais le commandant ne veut plus en 2016. Au cas où l’autisme se guérirait ?
Le commandant a peut-être trop lu Françoise Dolto, Marie-Christine Laznik, Charles Melman et tutti quanti.
Recours devant la commission des recours des militaires, rejet par le Ministre de l’Intérieur (Gérard Collomb – novembre 2017), passage au tribunal administratif de Caen qui rejette la demande d’annulation. Mais la Cour Administrative d’Appel de Nantes annule la décision de refus le 19 janvier 2021.
La Cour indique : « L’employeur, lorsque les conditions tenant au donateur et au bénéficiaire du don sont remplies, ne peut s’opposer à une demande régulièrement formulée que pour un motif tiré des nécessités du service, à l’exclusion de tout autre motif.«
Elle censure donc le Ministre qui a refusé les dons de congés au motif que la gendarmette avait encore 42,5 jours de permission à prendre. Motif non autorisé par la loi. Il ne pouvait arguer que de nécessité du service.
A noter que les conditions de droit à ces jours de congés correspondent au droit au congé de présence parentale, qui permet de bénéficier de l’allocation journalière de présence parentale.
CAA de NANTES, 6ème chambre, 19/01/2021, 19NT01378, Inédit au recueil Lebon
- Précédent jurisprudentiel : Un maire ne peut refuser pour des raisons de service pendant toutes les périodes scolaires un congé de formation syndicale à un agent de service d’école maternelle.
La réglementation du don de jours de congés au Ministère des Armées
- article R. 4138-33-1 du code de la défense » Le militaire peut, sur sa demande, renoncer anonymement et sans contrepartie à une partie de ses permissions non prises au bénéfice d’un agent public relevant du même employeur, ou de tout autre militaire qui assume la charge d’un enfant âgé de moins de vingt ans atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident d’une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants. (…) Le militaire qui donne un ou plusieurs jours de permissions signifie par écrit, auprès du commandant de la formation administrative, le don et le nombre de jours de permissions afférents. Le don est définitif après accord du commandant de la formation administrative qui vérifie que les conditions fixées au présent article sont remplies « .
- article R. 4138-33-2 du même code : « Le militaire qui souhaite bénéficier d’un don de jours formule sa demande par écrit auprès du commandant de la formation administrative. Cette demande est accompagnée d’un certificat médical détaillé remis sous pli confidentiel établi par le médecin qui suit l’enfant au titre de la pathologie en cause et attestant la particulière gravité de la maladie, du handicap ou de l’accident rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants auprès de l’enfant. La durée du congé dont le militaire peut bénéficier est au maximum de trente jours renouvelables. Le congé pris au titre des jours donnés peut être fractionné à la demande du médecin qui suit l’enfant malade. L’autorité compétente dispose de quinze jours ouvrables pour informer le militaire bénéficiaire du don de jours. Le commandant de formation administrative qui accorde le congé fait procéder aux vérifications nécessaires pour s’assurer que le bénéficiaire du congé respecte les conditions fixées au premier alinéa de l’article R. 4138-33-1 du présent code. Si ces vérifications révèlent que les conditions ne sont pas satisfaites pour l’octroi du congé, il peut y être mis fin après que l’intéressé a été invité à présenter ses observations (…) « .
- article R. 4138-33-3 du même code : » La gestion du reliquat de jours donnés non consommés par le bénéficiaire du don est à la charge du commandant de la formation administrative du bénéficiaire du don « .
- loi n° 2014-459 du 9 mai 2014
- décret n° 2015-573 du 28 mai 2015
- Don de jours de repos à un agent public aidant familial ou avec un enfant malade (service-public)
- Note du 21 janvier 2019 relative au don de jours de repos à un parent d’un enfant gravement malade ou à un proche aidant (PDF – 187.9 KB)
Les gendarmes sont-ils toujours sympas ?
Grave dilemme, mais puisqu’on est dimanche, je vais pencher pour le pardon de tous les péchés véniels.
L’école de gendarmerie a fait preuve de générosité, notamment en achetant 330 tee-shirts au profit d’Asperansa © DRJe n’oublie pas non plus les 330 tee-shirts achetés en 2016 par les élèves de l’école de gendarmerie de Châteaulin au profit d’Asperansa, ce qui a permis de financer des Groupes d’Entraînement aux Habiletés Sociales pour des enfants, adolescents et jeunes adultes autistes.
Je n’oublie pas l’ancien commandant de gendarmerie à Landerneau, qui a beaucoup couru au profit des associations Asperansa, Lud’Autisme et Autisme Cornouaille.
Les gendarmes peuvent être concernés par l’autisme dans leur entourage familial ou professionnel. Et c’est par ce biais que cette collaboration a pu se réaliser.
Autre avantage et pas anodin : le fait d’apprendre à connaître l’autisme peut conduire à de meilleurs gestes professionnels, même extra d’ailleurs. Je pense à un ado qui avait disparu, une fugue en fin de compte. Il était suivi depuis de nombreuses années par un CMP – à moins que ce soit un CMPP. Un gendarme pendant les recherches s’entretient avec la famille, et finit par leur suggérer : « On ne vous a jamais dit que votre enfant avait peut-être le syndrome d’Asperger ? » en l’orientant vers les associations. Bingo ! Le diagnostic a suivi au CRA (centre de ressources autisme). Quand un gendarme en peu d’heures fait mieux que des pédopsychiatres en plusieurs années ….
- Justice 5 : confinement, contrôles d’identité, cartes de personnes autistes
Les gendarmes sont-ils parfois autistes ?
Je m’aventure sur un terrain mouvant. On sait que Tony Attwood (le populaire auteur du « Syndrome d’Asperger – Guide complet« ) estime que l’armée est un bon plan (comme les bibliothèques !) pour certaines personnes autistes : « carrières militaires, la personne Asperger étant relativement calme lorsqu’elle est exposée au feu, et ne se laisse pas détourner de l’idéal militaire par des considérations émotionnelles ou de confort » (p.360)
Mais présenter sa RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé), cela ne me semble pas être un bon plan dans la gendarmerie ou au Ministère des Armées. On vous demandera peut-être, au mieux, de démissionner et de passer civil dans le même Ministère, pour faire la même chose.
Notons quand même le Ministère des Armées qui est le premier ministère à mener une action pour le recrutement des personnes Asperger, avec le soutien d’AFG Autisme. Les participants du verre désespérément à moitié vide diront que çà se limite aux aspies, à l’informatique, dans la « cyber-défense et de l’analyse d’images (aériennes ou satellitaires)« . Mais ce n’est qu’un début, et Laurent Mottron pourra peut-être expliquer que pour les compétences visuo-spatiales, il vaut mieux s’appuyer sur les autistes typiques que sur les aspies.
Ce qui me gêne le plus : lorsqu’un militaire demande à ne pas être muté car il souhaite favoriser la scolarisation de son enfant autiste en lui assurant une certaine stabilité, il risque d’être écarté dans les décisions d’avancement. Il pourrait donc être pénalisé dans sa carrière. C’est pourtant considéré comme une discrimination indirecte en fonction du handicap.
- Justice 10 : « Ma vie a été vécue derrière un écran invisible« . Deux témoignages de policiers autistes.
Vraiment hors sujet …
On ne peut pas tout excuser. Voir ce tweet de la gendarmerie des Vosges, qui incite à dénoncer les personnes qui cherchent à se vacciner. On voit bien que la gendarmerie nationale n’est pas une adepte de Microsoft. Vade retro, Bill Gates.
- 88 – Gendarmerie des Vosges @Gendarmerie088 21 janv. #vaccination
- Si vous voyez quelqu’un chauffer son vaccin dans une cuillère avant de se l’injecter, appelez-nous.
Dossier justice, police et autisme