PROCÈS – Ils auraient retenu un syndicaliste, lors d’un déplacement de Nicolas Sarkozy en 2010. Deux fonctionnaires gratifiés d’une prime.
« Détention arbitraire ». Le 25 novembre 2010, Nicolas Sarkozy, président de la République, se déplace dans l’Allier. La France est alors secouée par des manifestations monstres contre la réforme des retraites. Et les forces de l’ordre sont sur le qui-vive, soucieuses d’éviter à tout prix des débordements. En allant jusqu’à enfreindre la loi ? Ce sera au tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand de trancher. Deux officiers de gendarmerie y comparaissent jeudi pour avoir ordonné la « détention arbitraire » d’un syndicaliste de SUD, susceptible à leurs yeux de perturber la visite du chef de l’État. L’année des faits, les deux prévenus avaient chacun touché une prime pour « résultats exceptionnels ».
Que s’est-il passé ce jour-là ? C’est en sortant de son travail, alors qu’il s’apprêtait, drapeau à la main, à rejoindre la manifestation, que le syndicaliste est interpellé par deux gendarmes. « Je descends à la boulangerie avec un collègue, et là, en chemin, les gendarmes m’arrêtent. C’était soi disant pour un contrôle d’identité, alors qu’ils m’avaient interpellé en m’appelant par mon nom. Et, pour une vérification d’identité, ils m’ont gardé de 9 heures à 14 heures », se souvient le syndicaliste au micro d’Europe 1. Durant cinq heures, et sans aucun motif légal, le syndicaliste est donc retenu dans un bureau par deux gendarmes.
Un ordre du préfet mal interprété. Ces derniers finissent par lui expliquer qu’ils agissent sur ordre du préfet de l’Allier, qui leur a demandé de le surveiller très étroitement. Selon les conclusions des enquêteurs, le préfet avait bien donné pour consigne aux forces de l’ordre de « contenir à distance les perturbateurs », avant la visite présidentielle.
Et il avait notamment recommandé une « étroite surveillance » du syndicaliste, fiché comme « militant d’extrême gauche ». Mais il n’avait pas précisé les moyens de le faire. « Le préfet m’avait dans le viseur. Il m’a traité de gauchiste. Il y avait un grand mépris, une grande arrogance de sa part. C’est pour cela que j’ai porté plainte pour privation de liberté. A partir du moment où je ne fais rien d’illégal, ils n’ont pas le droit de m’empêcher de circuler », estime le plaignant.
Cinq prévenus relâchés. A la suite de la plainte du syndicaliste, une instruction avait été ouverte, aboutissant en décembre 2011 à la mise en examen de sept gendarmes : les deux officiers et les cinq hommes qui avaient exécuté leurs ordres. Les cinq subordonnés des prévenus ont en revanche bénéficié d’un non-lieu. Trois d’entre eux avaient arrêté le syndicaliste en pensant de bonne foi qu’il s’agissait d’un contrôle d’identité. Et les deux autres avaient alerté leur hiérarchie, en vain, sur les problèmes que soulevait cette longue rétention.
Ils risquent sept ans d’emprisonnement. Les deux prévenus répondent donc d' »acte attentatoire à la liberté individuelle commis arbitrairement par une personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions ». La justice leur reproche d’avoir été « préoccupés avant tout » par le souci « d’éviter le moindre incident lors de la visite présidentielle » et ce « en dehors de tout cadre légal ». L’ancien commandant de groupement de la gendarmerie de l’Allier et son adjoint risquent ainsi sept ans d’emprisonnement et 100.000 euros d’amende.