Foudre boule, météoroïde, astre, lanterne, « avion sans ailes »… De nombreuses étrangetés, couplées à des facteurs météorologiques ou cognitifs, réclament analyses et explications. Dans ce cadre, la gendarmerie travaille avec le Groupe d’études et d’information sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés (Geipan).
Dans la nuit du 23 février 2016, un conducteur et ses deux passagers observent, au-dessus de la cime des arbres, le passage d’un objet imposant, lumineux, semblant stagner dans le ciel. Ils décrivent une forme circulaire ou triangulaire. Au même moment, non loin de là, un second automobiliste constate le même phénomène.
Affolés, les témoins se rendent à la brigade de gendarmerie la plus proche. L’officier de police judiciaire procède aux auditions séparément et collecte des croquis. Il propose ensuite aux quatre personnes de remplir le questionnaire mis à disposition des enquêteurs par le Groupe d’études et d’information sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés (Geipan).
« Si les gendarmes n’avaient pas interrogé les témoins séparément, nous n’aurions pu aboutir à la même finesse de renseignement, souligne Jean-Paul Aguttes responsable du Geipan. Ils ont fait un travail formidable et ont rassuré les témoins. Ce point est essentiel car les témoins ressentent souvent une émotion vive, même plusieurs mois ou années après leur observation. »
Contacté par le Geipan, le centre national des opérations aériennes de l’Armée de l’air retrouve la trace du phénomène observé : il s’agissait d’un avion militaire C130, imposant et passant à basse altitude. La voiture d’un des automobilistes avançant également a provoqué une impression de vol stationnaire ainsi qu’un « effet pivot » favorisé par la présence des arbres. La lumière de la pleine lune s’est également reflétée sur la carlingue provoquant un effet miroir. L’ensemble de ces facteurs associés a pu donner l’illusion d’une forme sans ailes, immobile, au-dessus des arbres.
La gendarmerie collecte les informations et les transmet au Geipan
La gendarmerie échange régulièrement avec le très sérieux Geipan, hébergé depuis quarante ans au sein du Centre national d’études spatiales (Cnes). « Cela n’est finalement pas surprenant. De par son maillage territorial, la gendarmerie traite des signalements rapportés par la population. Elle les transmet naturellement vers l’instance la plus compétente », expose le capitaine Bruno Joste, de la Sous-direction de l’anticipation opérationnelle (Sdao) et membre du comité de pilotage du Geipan au titre de l’année 2018.
Chaque année, une quarantaine de témoignages de ce type est enregistrée au sein des brigades de gendarmerie. La prise en compte de ces phénomènes spatiaux non expliqués est traitée avec le plus grand sérieux. Les gendarmes disposent même d’une fiche guide pour mener ces auditions peu communes « Les enquêteurs relèvent les incohérences, ils sont méthodiques et perçoivent la crédibilité, ou non, d’un témoin », explique Jean-Paul Aguttes.
Une fois l’audition terminée, les gendarmes proposent aux témoins de remplir le questionnaire mis à disposition sur le site du Geipan. « Leur travail s’arrête là. Les enquêtes sont ensuite menées par le Geipan grâce à notre réseau de bénévoles. Nous recontactons parfois les militaires afin d’obtenir quelques informations supplémentaires (organisation d’événements festifs locaux projetant de la lumière…). »
Le Geipan : naissance d’une volonté commune
Dans les années 1970, la population est de plus en plus intéressée par les objets volants non identifiés. À la même période, la gendarmerie reçoit des témoignages et les traite, seule. En parallèle, des pilotes constatent de nombreuses anomalies en vol qu’ils transmettent à un bureau de la Défense. Ce dernier reçoit l’aide d’un ingénieur du Cnes. In fine, l’ensemble de ces interlocuteurs se réunit et suggère qu’une commission centralise les dossiers pour tenter de les expliquer.
Le Cnes, qui propose aux pouvoirs publics la politique spatiale de la France, dispose de la structure pour abriter le Geipan, à Toulouse. Le Centre héberge ainsi, depuis 1977, ce modèle unique au niveau mondial. « Le Chili et l’Argentine possèdent un équivalent du Geipan mais seule la France détient une instance aussi pérenne et avec un tel réseau de scientifiques », annonce Pierre Bescond, président du comité du pilotage du Geipan.
Dès ses débuts, le Geipan a reçu pour mission de répondre à l’étrangeté et de faire progresser l’état de connaissance des phénomènes aérospatiaux expliqués ou non expliqués., il est devenu ainsi un relais vers le monde scientifique. Depuis 2005, une mission essentielle s’est ajoutée : celle d’informer le public de ses recherches par des publications anonymisées.
Experts et partenaires, membres du comité de pilotage du Geipan
Le Geipan rend compte à un Comité de pilotage formé des Institutions ayant des enjeux liés aux phénomènes aérospatiaux non identifiés et/ou apporteurs de moyens (Cnes, gendarmerie, police, Armées, aviation civile, Météo-France, CNRS). Une à deux fois par an, se tient une réunion où sont présentées les activités passées et à venir et les difficultés rencontrées.
Notons en particulier qu’à côté de la gendarmerie, de la police, de l’aviation civile qui participent à la collecte des témoignages et informations locales, le MinArm, par le biais du Centre national des opérations aériennes, renseigne sur les opérations qui auraient pu causer des observations incomprises. Météo-France et le CNRS permettent quant à eux d’accéder aux expertises météorologiques et scientifiques.
Pour en savoir plus :
Chaque année, le Geipan reçoit 500 sollicitations parmi lesquelles 300 sont traitées à distance et 200 font l’objet d’une enquête plus approfondie. En 40 ans, ce sont plus de 8 000 témoignages et 3 000 cas d’observations qui ont été recensés.
Le Geipan classe les dossiers par catégories : A pour les phénomènes expliqués avec preuves, B pour les cas expliqués sans preuve, C pour les témoignages inexploitables (manque d’information ou de consistance) et D concerne les phénomènes non expliqués. Depuis un an, le Geipan réexamine les cas D les plus anciens afin de tenter de les expliquer en tirant profit de l’évolution des connaissances, de l’expérience et des outils. Sur 2017, 55 cas D anciens ont été revisités et reclassés (A, B, ou C).