De Louvois à LOUVOIS, l’État dans tous ses états…
Non seulement il n’y a plus de coupables, mais plus de responsables non plus.
L’État commandait alors à ses serviteurs avec de mâles accents, accents qui étaient en cohérence avec ses actes. À l’époque, un représentant de l’autorité était donc responsable et pouvait aussi être déclaré coupable puisque sa tête en répondait !
Avec les siècles, les mœurs se sont adoucies. La place médiatique a remplacé la place de Grève pour les exécutions. L’administration de l’État s’est compliquée pour arriver au fameux « responsable mais pas coupable ». Expression malheureuse employée par Mme Dufoix, personne très honorable qui avait la faiblesse d’être à la fois honnête et maladroite, ce qui est beaucoup lorsqu’on fait de la politique. Expression malheureuse au plan de la communication et pourtant confirmée par la justice dans l’arrêt de la Cour de justice de la République qui la relaxa en 1999, Cour de justice qui alla même au-delà de ce qu’avait affirmé la ministre, en actant le fait qu’en tant que chef de service, elle n’avait commis aucune faute détachable du service, le seul responsable était alors l’État lui-même dirigé par une gouvernance ministérielle.
Avec les ans, les mœurs ont poursuivi leur pente émolliente. Parallèlement, l’administration de l’État s’est non pas compliquée mais complexifiée pour parler le jargon de notre temps, informatique aidant. Nous en sommes arrivés au phénomène extraordinaire, et pour tout dire très pratique, que non seulement il n’y a plus de coupables, mais plus de responsables non plus. On se souvient, il y a un an, du point final mis sur la lamentable aventure du logiciel en charge de la gestion des soldes des militaires et malencontreusement baptisé LOUVOIS (LOgiciel Unique à VOcation Interarmées de la Solde). Point final posé par M. Le Drian, ministre de la Défense : « J’ai entendu le souhait de beaucoup d’identifier des responsables de la folie de LOUVOIS. Ce souhait, je l’ai partagé longtemps. Mais je me suis rendu compte qu’il n’était pas possible d’identifier des individus responsables, sauf à désigner des boucs émissaires, tant l’organisation de LOUVOIS a dilué les responsabilités. »
Aux dernières nouvelles, ce « désastre », selon l’expression même du ministre, devrait s’achever fin 2016 et coûterait entre 150 et 200 millions d’euros par an. Louis XIV qui avait l’esprit pratique aurait pu poser cette question : « Cela fait combien de sacs de farine, Monsieur le Marquis de Louvois ? »