Violences, insultes, incivilités : dans le Jura, les négociateurs de la gendarmerie formés par le GIGN volent au secours des maires
Publié le 22/02/2022 à 20h02
Écrit par Toky Nirhy-Lanto (avec Fréderic Fernandes)
Les maires font de plus en plus face à des violences de la part des administrés. Mardi 22 février, des négociateurs régionaux formés par le GIGN se sont rendus à Entre-deux-Monts. Dans cette commune du Jura, ils viennent former les maires face à ces situations.
Les agressions de maires se multiplient en France et le département du Jura ne fait pas exception à ce constat. Mardi 22 février, des négociateurs régionaux de la gendarmerie formés par le GIGN se sont rendus à Entre-deux-Monts (Jura). Les militaires doivent former ces maires de ce département de Franche-Comté à la gestion de ces situations.
Des inquiétudes chez les maires
« Si vous vous posez la question « Est-ce que je dois faire le 17 ? » ou « Est-ce que je dois appeler les gendarmes ? », c’est que vous avez déjà le début de réponse », lance le lieutenant-colonel Sébastien Arnaud. Dans la salle et devant lui, une vingtaine de maires l’écoutent attentivement. Tous et toutes sont à la tête de communes où les incivilités prennent de l’ampleur. C’est pourquoi ils ont choisi de participer à cette formation pratique et théorique durant 3 heures, le temps d’une après-midi.
Parmi ces maires, il y a Hélène Morel-Bailly, maire de Clerveau-les-Lacs (Jura). La commune compte 1.480 habitants mais en accueille jusqu’à 5.000 durant l’été. Le lac de Clairvaux attire en effet beaucoup de touristes, ce qui entraîne parfois des situations délicates.
« Le lac nous amène pas mal d’ennuis et parfois des incivilités. Des personnes viennent avec des chiens ou des chiens d’attaque, d’autres allument des feux, alors que tout cela est interdit sur la plage. Il m’est arrivé d’aller seule et directement au contact de ces personnes pour leur dire ce que j’ai à dire. Ca aurait pu mal se passer. On m’a traité de « connasse » ou on m’a répondu que « ça a toujours été comme ça jusqu’ici » », se souvient-elle avec émotion.
Si elle est présente aujourd’hui, c’est parce qu’elle souhaite pouvoir avoir des connaissances face à ces réactions : « ce que j’attends c’est d’être plus confiante et de pouvoir mieux gérer les conflits ».
Scénario fictif pour des actions durables
Ces élus vont vite pouvoir tester leurs réactions. Les gendarmes soumettent un scénario à l’ensemble des participants. Des élus jouent les habitants d’un jour révoltés sur un marché. Ils interpellent le maire de leur commune. L’élue et mère de famille est excédée par les aboiements des chiens de sa voisine. « Ces voisins ne tiennent plus compte des lettres. Ce n’est plus tenable : je vais « péter un plomb », mon mari est chasseur et il a un fusil de chasse. Si ça continue, il va flinguer les deux chiens, parce que là on ne peut plus dormir », s’énerve-t-elle.
Le maire applique alors consciencieusement les conseils des militaires. « Je comprends totalement que vous soyez excédée. On ne va pas arriver aux extrêmes, vous êtes d’accord avez moi ? On peut trouver une solution. Je vais me déplacer chez elle, et je vous tiens au courant mais ce n’est pas en mon pouvoir non plus de dire aux chiens de ne pas aboyer », réplique-t-il d’une voix posée.
D’autres participants campent des témoins avec leur téléphone portable au poing pour filmer l’altercation d’un jour. Le maire choisit donc d’isoler la personne en colère et de discuter tranquillement à l’abri dans la mairie. L’ensemble des participants fait ensuite un retour sur l’expérience avec les négociateurs.
Pour ce maire du Jura, l’exercice est plutôt réussi. « Vous avez eu une très très bonne réaction par rapport aux téléphones. Vous avez accueilli la personne en colère dans la mairie et obstrué la vue sur l’extérieur, ce qui signifie que vous vous concentrez uniquement sur l’interlocuteur. C’est exactement ce qu’il fallait faire », se réjouit le gendarme.
Il note en revanche un défaut sur sa gestion de la distance : « L’habitante était proche de vous. Je pense que si vous êtes face à quelqu’un de très agressif, vous pouvez prendre un coup de tête facilement sans le voir venir ».
Après, retour en salle. Les recrues passent ensuite quatre chapitres, parmi lesquels la technique de « désescalade ». Il s’agit de conseils pour faire en sorte que les altercations soient gérées rapidement et d’éviter qu’elles n’aillent plus loin, par exemple vers l’affrontement physique.
Une formation attendue des élus
Côté élus, ce stage a été apprécié. « Ce sont des scènes courantes auxquelles nous élus pouvons être confrontés. Or, après coup, ça marque généralement. On se dit plus tard qu’on a pas eu la bonne réaction. Là, c’est l’occasion d’avoir des outils pour faire face à ces situations », estime Jacqueline Millet, maire de Saint-Maurice-Crillat (Jura).
Pour une autre de ses collègues, maire de Patornay (Jura), Catherine Devaux, c’est l’occasion de savoir « quels mots utiliser et quels gestes adopter ». Jean-Marc Gresset, maire de Censeau (Jura) trouve quant à lui que cela permet de savoir « quelles sont les actions à faire et à ne pas faire et déterminer jusqu’à quelle limite les élus peuvent faire face tout seuls à des situations de tension ».
Dans le Jura, depuis le début de cette initiative, plus d’une centaine de maires ont reçu cette formation. Cette opération nationale est menée par l’Association des maires de France avec la gendarmerie. Elle répond à l’augmentation des agressions du personnel municipal en hausse. En France, près de 1.280 actes hostiles ont été constatées à l’encontre des maires durant l’année 2020.