Dans la famille gendarmes, je demande…
Auteur : Antoine Faure – publié le 16 août 2022
… le père, le fils et même le grand-père ! Trois générations, trois vies en bleu. Bienvenue dans la famille Ayassa.
Le 28 juin 2022, une opération d’ampleur est menée par la gendarmerie nationale pour démanteler une ZAD à Pertuis, dans le Vaucluse. Sur place, le chef d’escadron (CEN) Jean-Pierre Ayassa, qui commande l’Escadron départemental de sécurité routière (EDSR) du Vaucluse, remplit, avec les militaires sous ses ordres, les missions de contrôle des flux et d’escorte des quatre Escadrons de gendarmerie mobile (EGM) engagés sur cette évacuation.
Parmi ces gendarmes mobiles, un visage ne lui est pas totalement inconnu. Celui de son fils Romain, affecté à l’escadron de Limoges. « C’était la première, et probablement la dernière fois, que nous nous retrouvions ensemble sur une mission », sourit ce dernier. D’autant que le papa fera valoir ses droits à la retraite dans un an…
« La gendarmerie m’a tout donné ! »
Leur relation avec la gendarmerie est une vraie histoire de famille. Jean-Pierre y est entré à 17 ans, avec pour première affectation l’Escadron de gendarmerie mobile de Marseille. « Je voulais alors entrer au GIGN, mais la vie en a décidé autrement. » La vie, en l’occurrence, c’est une jeune fille, celle d’un adjudant de l’escadron, qui va devenir sa femme.
Fini le GIGN ! Famille oblige, Jean-Pierre fera l’essentiel de sa carrière à Marseille – en brigade motorisée et en section de recherches -, puis dans le Vaucluse, à Apt et Orange, avant de revenir dans les Bouches-du-Rhône, puis, enfin, après un court détour par le Peloton d’autoroute d’Éloise, en Haute-Savoie, à l’EDSR du Vaucluse, dont il est désormais le commandant. Pas étonnant, dans ces conditions, qu’il n’ait jamais perdu son accent ! « Comme je le dis souvent, la gendarmerie m’a tout donné ! Mes chaussettes, ma maison, et même ma femme ! », rigole-t-il.
C’est dans ce contexte familial que naît Romain, fils de gendarme, petit-fils de gendarme, et neveu de gendarme, puisque son oncle est lui aussi un bleu. « Je crois que j’ai toujours voulu être gendarme, se remémore-t-il. J’ai des souvenirs de défilés du 14 juillet devant la télé. C’était une tradition ! J’adorais l’ambiance de la caserne, monter sur la moto de mon père… » Le papa confirme : « Tout petit, il enfilait mes bottes, mettait mon casque, mon képi. Je crois qu’il a senti très vite que ce métier me plaisait, que j’ai toujours été heureux, comme au premier jour. » C’est Romain, cette fois, qui valide : « C’est la passion de mon père qui m’a transmis la vocation de gendarme. »
Le jeune homme hésitera un moment entre le bleu et le kaki, tenté par l’armée de Terre après une bonne expérience en lycée militaire. « Je voulais un métier d’armes, ça, c’est sûr ! Pour moi, c’était obligatoirement l’armée de Terre ou la gendarmerie mobile. J’étais attiré par l’intervention, le maintien de l’ordre, pas par la résolution d’enquêtes. J’ai rapidement opté pour la gendarmerie, qui offre de plus larges possibilités, une plus grande variété de métiers. »
« Quand on a un grand-père qui a fait mai 1968… »
À sa sortie d’école, Romain est affecté à l’escadron de Limoges, loin de sa Méditerranée natale. « J’aurais bien aimé garder la mer en vue, même sur ma gauche, à Bayonne par exemple, mais je me suis tout de suite plu à l’escadron. Il y a une forte camaraderie, et je n’ai aucune envie de le quitter, même si, à terme, j’espère me rapprocher de la famille. »
La famille, on y revient donc. Quand Romain descend à Marseille en permission, il ne quitte pas l’univers de la gendarmerie. « Certains sont contents de couper, de penser à autre chose. Moi, je reste en caserne, mais ça ne me dérange pas, j’ai l’habitude ! » Pour autant, il ne s’étend pas beaucoup sur ses missions lors des repas dominicaux. « Quand on a un grand-père qui a fait mai 1968, on hésite à raconter ses propres expériences de maintien de l’ordre ! Il me taquine gentiment avec ça, mais on aime échanger sur les différences entre nos deux époques. L’évolution dans le respect de la tradition, c’est l’essence même de la gendarmerie ! »
Le 29 avril 2022, Jean-Pierre a été décoré chevalier de l’Ordre national du mérite (ONM). Sur la photo, entouré de Romain et de sa fille Élodie, infirmière militaire, on sent toute sa fierté. Deux mois plus tard, mardi 28 juin 2022, les gendarmes de l’EGM de Limoges sont alertés pour un départ immédiat. Direction Pertuis, dans le Vaucluse, pour une évacuation de ZAD. « J’étais content d’aller dans le sud, et encore plus content de savoir que mon père était également engagé avec l’EDSR, raconte Romain. Je m’étais toujours dit que ce serait sympa d’avoir une mission ensemble avant son départ à la retraite. »
Ce jour-là, qui approche à grand pas, Jean-Pierre y pense de plus en plus. Dans son discours devant ses collègues et amis de l’EDSR, il a déjà prévu d’évoquer cette famille donnée par la gendarmerie… en plus de ses chaussettes.