Daniel Cerdan auteur du livre «
Assauts » (GIGN) : « Jamais,
nous ne pourrons fusionner
avec les unités de la police »
[interview]
Ce livre est le récit exclusif des opérations antiterroristes – commentées par un spécialiste – menées au Bataclan, mais aussi contre Mohammed Merah, les frères Kouachi, les islamistes de Saint-Denis, ou encore Human Bomb. Des actions menées par certaines unités de police, mais aussi par l’élite de la gendarmerie, ce qui n’est pas sans entrainer rivalités et critiques entre ces deux corps chargés d’assurer la sécurité des Français.
Daniel Cerdan n’y va d’ailleurs pas de main morte à propos du commandement opérationnel au sein de l’élite de la police nationale, mais également au sujet de son administration. Il raconte le Bataclan, Saint-Denis, Mohamed Merah, Charlie Hebdo et les frères Kouachi, l’Hyper Cacher et Amedy Coulibaly les kamikazes du Stade de France et sept autres interventions : en suivant les « top action » des gardiens de la France, Daniel Cerdan livre le minutage de ces heures cruciales et révèle la réalité des unités d’élite, leur art de l’assaut, de la tactique, du stress et du tir, ainsi que les rivalités qui les déchirent.
Il livre aussi les erreurs stratégiques, tactiques ou de directives qui ont été faites, selon lui, lors de ces opérations de la plus haute importance.
Daniel Cerdan – Assauts, au coeur des commandos qui ont abattu les terroristes – Ring – 18 euros (offrez le à vos proches en cadeau de Noël et soutenez dans le même temps breizh-info.com en cliquant sur l’image ci-dessous) :
Nous l’avons interrogé, à l’occasion de la sortie de son ouvrage.
Breizh-info.com: Qu’est-ce qui vous a donné envie de rentrer dans ce corps d’élite qu’est le GIGN?
Daniel Cerdan : Dans mon premier livre Dans les coulisses du GIGN , j’explique que j’ai assisté à 17 ans à l’enterrement du général de Gaulle à Colombey-les-deux-Églises. Ce jour-là, j’ai décidé de choisir le métier des armes. Après 3 ans d’armée, j’ai rejoint la gendarmerie.
J’avais un bon niveau de sport et deux ans après, j’ai réussi la semaine de tests physiques qui m’ont permis de rejoindre le GIGN. J’ai reçu une formation de huit mois.
Breizh-info.com : Quelles sont, selon vous, les principales qualités requises, aujourd’hui, pour l’intégrer ? Et les défauts rédhibitoires ?
Daniel Cerdan : Il faut être bon dans tous les domaines, terrestre (parcours du combattant et parcours du risque), aérien (escalade et aisance en altitude) et nautique (apnée, chrono nage libre et 100 m pieds et mains liés). Vous êtes jugé dans ces 3 domaines.
Durant mes tests, il y avait un champion de France de sport de combat. Il n’a pas été intégré car il n’avait pas satisfait à la batterie de tests. Ces tests vous permettent de déceler votre stress si vous avez le vertige et vos réactions à certaines situations. Si vous êtes apte à tous ces tests, vous êtes détaché pendant deux mois pour le pré-stage. Et c’est à l’issu de ces deux mois que vous êtes muté, pour une formation spécifique de 6 mois.
Le seul défaut rédhibitoire, c’est le gendarme qui est « individualiste ». Seul, au GIGN ou dans tout autre unité, vous n’êtes rien. Il faut être collectif. On décèle ce défaut durant la multitude de corvée qu’est soumis un gendarme du GIGN (préparation du matériel d’alerte, séance de tir, nettoyage du gymnase, nettoyage du stand de tir). C’est lors de toutes ces manipulations que nous découvrons les tire-au-flanc.
Breizh-info.com : Votre livre, Assaut, est particulièrement critique vis à vis des opérations menées, ces dernières années, notamment contre les terroristes islamistes. Comment dans l’Éducation nationale, assiste-t-on aussi, au sein de l’élite des forces d’intervention, à une baisse du niveau, notamment au sein de sa direction ?
Daniel Cerdan : La formation des policiers est différente des gendarmes. Nous sommes militaires. Comme je l’explique dans mon livre « assauts », notre formation militaire nous donne des cadres d’ordre. Lors d’une intervention, nous appliquons la MRT (méthode de raisonnement tactique). Dans cette méthode, on se pose toutes les questions. Ensuite, nous mettons en place notre dispositif, un peu comme un check liste). Le stress est travaillé par la multitude de répétition des gestes d’intervention pour qu’ils deviennent automatiques. L’improvisation n’existe pas au GIGN. Tout est étudié et travaillé.
Nous rentrons gendarmes au GIGN. Après 4 ans à l’assaut, je suis passé chef d’équipe avant de finir chef de groupe. Nos officiers passent les mêmes tests que les sous-officiers. Dans la police ce n’est pas le cas. Le patron du RAID ne vient pas d’une unité d’intervention.
Au fil du temps la formation des gendarmes du GIGN s’adapte à la progression de la délinquance. Le bureau « prospective » permet d’évoluer dans ce sens. Il y a un facteur important: c’est le matériel. Le muscle est important mais la conjonction muscle plus matériel est primordial.
Ce livre est aussi un soutien aux gendarmes départementaux, aux gendarmes mobiles, à la garde républicaine à laquelle j’ai appartenu durant 11 ans et toutes les spécialités de la gendarmerie.
La police a un service de communication hors pair. A la télévision on entend parler que de la police. Vous pouvez écouter mon interview sur RTL, le 7 novembre 2016, avec Jacques Pradel. Oui 2 policiers ont été brûlés. D’ailleurs, vous pouvez remarquer, que ces deux policiers était dans un quartier très dangereux. Les deux policiers en service étaient une jeune policière qui sortait d’école et un adjoint de sécurité. Les policiers refusent les gardes statiques. Si la garde statique avait été maintenue devant le journal « Charlie hebdo », il n’y aurait pas eu cette tuerie.
Lorsque j’ai prêté serment au tribunal de Poitiers, c’était pour protéger les citoyens, leurs biens et faire appliquer la loi. Je n’ai pas signé pour être aimé et je savais que c’était un métier à risque. J’ai des camarades qui sont morts à l’entraînement et en mission. La gendarmerie a eu deux blessés graves près de Guéret et 7 blessés en Nouvelle Calédonie, 5 par balles dont deux graves. Étiez-vous au courant ? Je ne pense pas.
Breizh-info.com : Le GIGN est-il encore aujourd’hui un modèle sur le plan international ?
Daniel Cerdan : Oui notre renommée est internationale ! Le GIGN, ne peut pas satisfaire toutes les demandes qui émanent du monde entier. SAUF que nous ne l’étalons pas. Nous travaillons dans l’ombre. Je peux vous affirmer que le niveau opérationnel est tel, que l’on peut mettre sur pied près de 150 gendarmes dans la demie-heure.
Mais les 600 syndicalistes à temps complet de la police ne se gênent pas pour nous salir. Le dernier tract de la police disait que la gendarmerie « était un acteur MINEUR de la sécurité »,alors que nous couvrons 95% du territoire et nous gérons 55% de la population.
Breizh-info.com : Vous n’épargnez ni le RAID, ni la BRI dans l’ouvrage. Pour quelles raisons ? Face au terrorisme islamisme, n’est-il pas au contraire nécessaire d’aller vers une forme d’unité ?
Daniel Cerdan : Jamais, nous ne pourrons fusionner avec les unités de la police. Les patrons du RAID et de la BRI ne peuvent pas se voir.
Comme je vous l’ai dit, nous sommes des militaires. Qui dit militaire dit «discipline». Discipline, tout d’abord de tir, je l’explique dans mon livre. Tout citoyen a été étonné de l’assaut de l’hypercacher. Près de 100 policiers (RAID et BRI) pour investir un magasin avec un terroriste. Indiscipline de tir qui s’est soldée par des tirs de policiers sur leur camarade.
Vous pouvez remarquer que lors de l’assaut de Marignane la colonne d ‘assaut était constituée d’une dizaine d’hommes. C’est la compétence de l’individu et non le nombre qui fait la force. Un étalage de trop de force de l’ordre dénote de la fébrilité et augmente les éventuels dommages collatéraux.
Concernant Saint Denis, je suis spécialiste explosif. Après 30 ans d’existence du RAID, comment comprendre que l‘on ne puisse pas ouvrir à l’explosif une simple porte dans un immeuble délabré ? 1500 cartouches tirées, une cadence de tir de cette ampleur dénote la fébrilité. Sans parler de la négociation, lorsque le négociateur dit « ferme ta bouche » à Hasnah.
Breizh-info.com : Comment percevez-vous l’évolution de la société, du terrorisme en France ? Que peuvent faire des unités comme le GIGN dans des scénarios « à l’algérienne », où des islamistes débarqueraient dans des campagnes loin des centres opérationnels de vos unités ?
Daniel Cerdan : La guerre du terrorisme ne fait que commencer. Nous devons nous attendre au pire. Le GIGN, à présent, couvre la France avec 7 antennes GIGN à NANTES, REIMS, TOURS, DIJON, ORANGE, TOULON, TOULOUSE et MAYOTTE. En plus, des PSIG-SABRE (peloton de surveillance et d’intervention), primo-intervenant ont été créés.
Il en existe déjà 50 en 2016. Il y en aura 50 de plus en 2017 et 50 en 2018.
Ces unités peuvent intervenir en 20 minutes. Pour quadriller opérationnellement le territoire des antennes de renseignement ont été créés.
A Paris, les 3000 gardes républicains surveillent les institutions gouvernementales. Il existe au sein des unité de la garde des pelotons d’intervention qui peuvent, aussi, intervenir dans Paris.
Breizh-info.com : Etes-vous favorable à ce que les citoyens français subissent un entrainement au maniement des armes (sécurité, manipulation, tir) tout au long de leur vie, afin de pouvoir, eux aussi, se défendre en cas de coup dur ?
Daniel Cerdan : Cette solution est envisageable. Mais la violence déclenche la violence. Le métier des armes n’est pas inné. La manipulation d’une arme est un métier et demande beaucoup d’entraînement.
Par contre, laisser aux anciens de l’institution, comme moi qui continue à faire des formations de tir le port d’arme, permettrait de pouvoir intervenir en cas d’attentats. Beaucoup de retraités de la gendarmerie sont disposés à prêter main forte à notre patrie. Je fais partie de l’UNPRG (Union nationale des personnels et retraités de la gendarmerie), dont le président est Monsieur Henri Martinez. Je suis également président des retraités de Paris (UD75).
Propos recueillis par Yann Vallerie
Photo : DR
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