Cinq jours aux côtés
des unités de la
gendarmerie en Corrèze
Par Julien Bachellerie
Durant deux mois, nous avons pu être accueillis dans différentes unités du groupement de gendarmerie de la Corrèze, ou rattachées au commandement de Villacoublay, comme ce fut le cas pour le détachement aérien d’Egletons, avec qui nous avons embarqué.
Le temps de partager un peu du quotidien des militaires et des spécificités de chacune des composantes : missions d’appui aérien, force interventionnelle et de surveillance, spécificités routières et autoroutières, spécialistes des enquêtes…
Le détachement aérien d’Egletons, un appui de haut vol en montagne
Moyen subsidiaire, pour suppléer l’hélicoptère de la Sécurité civile, l’« Écureuil » du détachement aérien de la gendarmerie d’Egletons assure de nombreuses missions de secours sur les deux massifs voisins du Cantal et du Sancy.
Chaque mois, les pilotes et mécanos de l’unité corrézienne effectuent des entraînements avec leurs collègues des deux pelotons de gendarmerie de montagne. Mi-janvier, l’exercice de haut vol, un secours sur paroi, était prévu avec le PGM (Peloton de gendarmerie de montagne) du Mont-Dore sur un impressionnant site d’escalade : la Dent de la rancune.
30 ans de service et pas une ride
Tout doit être validé avant de décoller pour la mission de ce mardi matin : un exercice d’entraînement au profit du PGM du Mont-Dore. « Chaque mois, nous effectuons un exercice avec les PGM des deux massifs sur lesquels nous sommes compétents (*) : celui de Murat, dans le Cantal, et celui du Mont-Dore, dans le Puy-de-Dôme », indique le commandant de l’unité.
Le temps de s’équiper, de sortir l’Ecureuil AS 360 B2 de son abri jusqu’à l’espace de décollage qui jouxte le hangar, au bout de l’aérodrome d’Egletons, et l’équipe quitte le sol, direction le massif du Sancy via le Mont-Dore.
« Recourir à des moyens aériens permet d’aller vite, pour la victime comme pour les équipes de secours engagées qui, du coup, sont mobilisées moins longtemps »
Aux commandes de l’hélicoptère, le gendarme Pierre P, ancien de l’armée de l’air, annonce par radio l’arrivée de l’équipe à leurs collègues du PGM du Mont-Dore. A bord, les casques atténuent le bruit puissant du moteur de 700 CV et des pales de l’appareil tandis que la silhouette des montagnes du Sancy se découpent déjà droit devant. Dix-huit minutes après le décollage, l’Ecureuil se pose sur la « drop zone » située juste en face de l’unité de montagne puydômoise.
« L’exercice de secours aujourd’hui va consister à prendre en charge un homme qui s’est blessé en escaladant la Dent de la rancune, dans la vallée de Chaudefour », explique le capitaine Isabelle Chazal, commandant le PGM du Mont-Dore. Les derniers ajustements matériels sont faits – sacs de premiers secours, cordages, baudriers, crampons, mousquetons et dégaines… – un dernier briefing avec leurs collègues du DAG d’Egletons effectué, et les gendarmes spécialistes de la montagne embarquent vers les sommets enneigés du Sancy.
Après trois rotations, toutes les équipes sont sur place pour débuter l’exercice. Les deux capitaines ont été déposés sur l’arête de la Crête du coq, un bloc rocheux effilé situé juste à côté de la Dent de la rancune, et s’apprêtent à superviser les opérations.
Si le soleil est en partie au rendez-vous, le vent a forci ; il sévit par rafales sur les sommets, et rend les opérations encore plus techniques.
Une opération de treuillage millimétrée
Selon le scénario, une alerte est tombée sur le « 17 », c’est-à-dire directement au peloton de montagne qui reçoit les appels sur le secteur, pour signaler un grimpeur en difficulté sur la face ouest de l’imposant piton volcanique de 130 m de hauteur. Un premier secouriste du PGM, accroché au filin de l’hélicoptère, est amené sur la paroi grâce au pilotage au cordeau et à l’action précise, elle aussi déterminante, du lieutenant Guillaume L., mécanicien. Il s’arrime au rocher.
Un autre secouriste du PGM est déposé à son tour. Une attelle est posée à la victime puis elle est évacuée par les airs à l’aide du treuil.
« Recourir à des moyens aériens permet d’aller vite, pour la victime comme pour les équipes de secours engagées, qui, du coup, sont mobilisées moins longtemps », insiste le capitaine Chazal, qui signale par radio la fin des opérations et le retour au PGM. De cette opération très technique, chacun revient avec un sourire au visage.
(*) En plus de la Corrèze, le DAG d’Egleton opère sur 8 départements : Allier, Puy-de-Dôme, Cantal, Aveyron, Lot, Dordogne, Haute-Vienne et Creuse.
Le Psig au cœur des missions de terrain
Avec leurs homologues de Brive, les gendarmes du Psig d’Egletons effectuent des missions de surveillance et de dissuasion et assurent aussi un appui à d’autres services, notamment des interpellations.
Le quotidien des gendarmes du peloton de surveillance et d’intervention (Psig) d’Egletons est varié, mais toujours soumis à la même règle : rester disponible pour, sur le terrain, assurer au besoin des missions d’appui à des collègues d’autres unités de la gendarmerie. Installés cité du Rabinel, au milieu des habitations collectives, ils passent 80 % de leur temps de travail en extérieur, sur le terrain, leur ADN.
Force de dissuasion
« Travailler dehors, la nuit qui est notre spécificité, sur tout type de terrain et pour des missions très éclectiques, c’est le fondement de l’activité d’un Psig, une forme de rusticité », explique l’adjudant-chef Wanner, qui commande l’unité de douze hommes, parmi lesquels cinq sous-officiers et sept gendarmes adjoints volontaires. Comme leurs collègues militaires en brigade, ils effectuent des patrouilles de surveillance, de dissuasion des actes de délinquance, du contrôle routier.
Mais ce qui singularise leur action, ce sont leurs missions d’intervention et d’appui dans des contextes plus tendus. Spécialisés dans l’interpellation « Nous ne faisons pas d’enquêtes, en revanche, nous sommes plus spécialisés dans les interventions et les interpellations. Nous sommes par exemple amenés à assurer ce type d’action en cours ou au terme d’une enquête d’une communauté de brigades, de la brigade de recherche », détaille le responsable.
En dehors de ce concours aux interpellations qu’assurent plus spécifiquement les militaires du Psig, c’est aussi eux qui, toujours appelés sur le terrain, assurent souvent des missions de recherches de personnes disparues ou en fuite. Ils peuvent en la matière notamment compter sur Houston, fidèle malinois de l’unité, et son maître-chien, l’adjudant Defossez.
A Brive, le Psig-Sabre spécialisé
Si le Psig d’Egletons dispose d’une spécificité avec son équipe cynophile, le Psig de Brive, qui compte une quinzaine de gendarmes, est spécialiste en cas d’actes terroristes. « Il s’agit d’un Psig-Sabre, c’est-à-dire une unité spécialement entraînée et équipée pour faire face à des contextes de tueries de masse », explique l’adjudant-chef Wanner.
Le Psig briviste compte ainsi parmi les 150 unités en France qui disposent de la qualification à intervenir comme force intermédiaire de proximité avant l’intervention éventuelle des unités d’élite comme le GIGN. Les militaires sont ainsi formés à ce type d’intervention délicate et disposent d’équipements en conséquence : bouclier lourd pour se protéger des armes de guerre, mais aussi un fusil d’assaut de calibre 5.56, le HK G36.
Le peloton motorisé, spécialiste du secteur autoroutier
Ce samedi matin, les gendarmes du peloton motorisé (PMO) d’Uzerche assurent une opération de contrôles coordonnée avec leurs collègues de la brigade motorisée de Brive et les services de la Dreal . « Nous organisons une à deux fois par mois ce type d’opération, qui permet de vérifier si la réglementation sociale européenne est bien respectée par les conducteurs de poids lourds », indique le responsable des 23 personnels de l’unité, le lieutenant Carbonnier.
En charge d’un segment de 60 km Sur l’aire du Puy de Grâce de l’A20, les conducteurs tendent les papiers de leurs véhicules et les autorisations de circulation. « Là, nous avons le conducteur d’une entreprise polonaise qui n’a pas son attestation de détachement en règle. Ce document, qui permet de circuler sur le territoire français, doit être réactualisé tous les six mois et là, le délai est dépassé », relève le gendarme Grivault, qui compte parmi les quatre motards du PMO.
24h/24 et 7j/7
« Nous avons la charge d’une section de 60 kilomètres située entre l’aire de la Porte de Corrèze, située à Masseret, et Nespouls au sud du département », détaille le lieutenant Carbonnier. Deux autres unités similaires, le PMO d’Aix et le PMO de Gimel, interviennent quant à elles spécifiquement sur l’A89.
« Nos principales missions consistent à veiller à la sécurité des personnes, et ce 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Nous intervenons en cas de panne signalée, d’accident matériel ou avec des blessés, mais aussi pour effectuer des contrôles de flux routiers », poursuit l’officier, qui précise que le trafic en période estivale peut atteindre 90.000 véhicules par jour.
« Notre rôle est aussi tourné vers la prévention et la dissuasion, avec des opérations pédagogiques et des contrôles de vitesse. » Outre les quatre Yamaha FJR 13000 des gendarmes motocyclistes, l’unité dispose également d’une Renault Mégane RS, un bolide doté d’un moteur de 267 ch, qui permet d’atteindre 260 km/h.
« Il s’agit d’un véhicule d’intervention rapide pour lequel trois militaires sont spécifiquement formés », détaille l’adjudant-chef Taboada, l’un des trois spécialistes de la conduite de cette voiture. « Cet outil nous offre une grande réactivité. Il faut une voiture puissante pour que le bond de rattrapage soit le plus court possible. Ça va de la Twingo à l’Audi R8 ou l’Aston Martin. »
Interpellation du tireur
Enfin, le peloton motorisé peut aussi intervenir avec d’autres unités pour des opérations spécifiques : « Nous avons dernièrement, avec la brigade de recherches de Brive, réussi à confondre l’auteur de tirs sur un autre véhicule. Nous avons pu le localiser et l’interpeller », complète avec satisfaction le lieutenant Carbonnier.
La sécurité routière reste une priorité
À l’échelle du groupement de gendarmerie de la Corrèze, l’escadron départemental de la sécurité routière (EDSR) gère l’ensemble des unités dédiées à la lutte contre les infractions sur les routes, et la sécurité des mobilités.
Le peloton motorisé d’Uzerche est directement placé sous le commandement de l’EDSR, tout comme ceux d’Aix et de Gimel, affectés à l’A89, mais aussi la brigade motorisée de Brive , qui rayonne essentiellement sur le bassin sud du département.
« Au total, ces unités comptent 73 militaires, dont 25 motocyclistes », indique le capitaine Prunet, commandant adjoint de l’EDSR. L’escadron a notamment la charge de coordonner ces unités spécialisées et assurer le bon fonctionnement de l’ensemble des missions à l’échelle de la Corrèze.
« La sécurité routière et des mobilités reste une priorité nationale avec les atteintes aux personnes », poursuit l’officier. Outre leurs opérations de surveillance et de contrôle des flux, ces spécialistes de la route assurent également des missions d’enquête, comme c’est le cas en cas d’accident, mais aussi de pédagogie en direction du grand public et des scolaires, ainsi que de formations d’autres unités de la gendarmerie.
La communauté de brigades d’Argentat : œuvrer au quotidien dans la proximité
Sur un bassin de 15.000 habitants, la communauté de brigades d’Argentat assure une pluralité de missions de terrain – accueil, police route, surveillances, enquêtes… Un travail où le souci de la proximité prime au quotidien.
Le responsable de l’unité est unanimement respecté. Pour sa carrière, qui s’achèvera d’ici peu, mais aussi pour son sens du contact, l’une des vertus cardinales du travail en brigade. Le major Antoine Simon pose sur son équipe – 10 gendarmes à la brigade d’Argentat et 5 à celle de Saint-Privat – un regard à la fois bienveillant et exigeant. Comme c’est le cas plusieurs fois par jour, un binôme s’apprête à sortir patrouiller. « Le contact avec les habitants, les commerçants, les élus, c’est le b.a.-ba du travail en brigade », souligne le responsable.
Au contact de la population
« Certaines communautés de brigades ont mis en place un référent commune ; nous avons fait le choix d’avoir des patrouilles de contact. » Partis à bord d’un véhicule, le gendarme Grand et son collègue le brigadier-chef M’Sallek s’arrêtent d’abord dans la principale artère commerçante du centre-ville et poursuivent à pied pour entrer dans certaines boutiques.
« Ils passent régulièrement, demandent si tout va bien », indique un serrurier. « Certaines enseignes font aussi appel à nous dans le cadre de l’opération Tranquillité commerce, déclinaison de l’opération Tranquillité vacances, et qui permet d’accentuer la surveillance d’un commerce sur une période de fermeture qui nous est signalée », explique le gendarme Grand.
Après un passage à proximité des établissements scolaires, « qui font l’objet d’une attention toute particulière », la patrouille stoppe à un rond-point de sortie de ville et procède à un contrôle routier. Les vérifications sont effectuées directement depuis les téléphones mobiles « Néogend », qui remplacent les terminaux électroniques embarqués. Finalement aucune infraction ne sera relevée.
Pluralité de missions
De retour à la gendarmerie, l’une des deux cellules de garde à vue témoigne de l’activité judiciaire récente. « On a eu une personne pour des violences intrafamiliales », indique le major Simon, qui précise que la COB est aussi chargée d’enquêtes de tous ordres. Début novembre, c’est un réseau local de stupéfiants que son équipe est parvenue à démanteler au terme de plusieurs mois d’investigations.
Au final, une trentaine d’usagers ont été identifiés et trois principaux trafiquants présumés interpellés et présentés à la justice. « C’était une belle affaire, pour laquelle les moyens ont pu être mis », juge avec satisfaction le major Simon. Une affaire au long cours dans un quotidien fait d’imprévus et de missions forcément variées : contrôle des flux, lutte anti-cambriolages « qui fait partie des principaux objectifs du groupement de gendarmerie », intervention sur un accident… « Il faut s’adapter à l’événement, c’est ce qui fait le sel du métier ».
Brigades de recherches : le travail discret des spécialistes de la PJ
Discrètes, les deux brigades de recherches de Tulle et de Brive interviennent dans les enquêtes au long cours. Rencontre avec des passionnés et spécialistes en matière de police judiciaire.
Réseaux de stupéfiants, réseaux de cambriolages, délinquance financière, faits criminels – braquages, viols, meurtres… – c’est aux brigades de recherches du groupement de gendarmerie de la Corrèze, à Tulle et à Brive, que sont confiées les affaires d’ampleur ou qui nécessitent des techniques particulières d’investigations.
Lors d’audiences correctionnelles dans les deux tribunaux judiciaires du département, c’est souvent ces unités, les « BR » dans le jargon militaire, qui sont citées dès que des procédures ont nécessité des enquêtes longues, et parfois délicates.
Seules ou en soutien à des brigades
Le 18 mars 2019, treize personnes comparaissaient devant le tribunal de grande instance de Tulle pour répondre d’un vaste trafic de stupéfiants organisé entre le secteur nord-corrézien et le Cantal. Un an d’investigations avait permis aux sept militaires de la brigade de recherches de Tulle de démanteler ce commerce illicite de cannabis, principalement, mais aussi d’héroïne, noué entre les deux départements voisins.
« Nous sommes saisis soit par un magistrat, soit par notre hiérarchie, qui nous demande de prendre la direction d’une enquête », indique le major Patrick Segretain, responsable de l’unité de Tulle. Enquête préliminaire ouverte par le parquet, commission rogatoire ordonnée par un juge d’instruction, les brigades de recherches sont souvent amenées à intervenir, seules ou en soutien à d’autres unités, pour des dossiers complexes.
« Nous sommes en lien avec les brigades locales. Étant en contact direct avec les populations, ce sont elles qui récoltent des renseignements. Cela nous permet de faire des recoupements dans un secteur donné. Le procureur nous demande aussi d’être à l’initiative sur certains sujets comme le trafic de stupéfiants », détaille l’adjudant-chef.
Le quotidien de ces gendarmes spécialistes de police judiciaire alterne entre auditions, recherches, recoupements. Pour ces militaires qui ont la culture de la discrétion – ils opèrent d’ailleurs en civil – « il faut être très disponible et passionné, notamment par la police judiciaire. Il y a des moments où les nuits sont courtes », explique le chef d’unité.
Stups, délinquance financière, nouvelles technologies…
C’est en particulier le cas en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, qui réclame beaucoup de temps entre surveillances, écoutes téléphoniques… « On est habitué à ne pas avoir l’œil sur la montre », confie l’un des spécialistes « stups » de la « BR » de Tulle. Parmi les cinq hommes et deux femmes de l’équipe, certains sont également spécialistes de la délinquance économique et financière, d’autre de la criminalistique, des nouvelles technologies ou encore formés aux auditions des mineurs.
Hormis un secteur géographique différent, leurs homologues de la « BR » de Brive partagent le même champ d’investigations. Dans cette unité, un groupe spécialisé dans les atteintes aux biens a été constitué et renforcé par trois gendarmes supplémentaires. Les cambriolages constituent, avec les violences faites aux personnes et le trafic de stupéfiants, l’essentiel de la délinquance locale.
« Une enquête ne se termine pas un vendredi soir car le délinquant ne s’arrête pas, lui non plus », explique l’adjudant-chef responsable de l’équipe briviste, qui compte sept hommes et une femme. Ces derniers mois, celle-ci, retrace-t-elle, a élucidé plusieurs affaires marquantes : le démantèlement d’un trafic de stupéfiants à Argentat, elle a retrouvé l’auteur de coup de feu sur l’A20 et résolu une affaire d’incendie volontaire dans la commune d’Objat, commis par un groupe de mineurs et de jeunes majeurs.
Missions de formation
Quand ils ne sont pas sur le terrain, leur connaissance du domaine judiciaire fait de certains militaires des brigades de recherches des formateurs précieux. Le major responsable de l’unité tulliste intervient notamment auprès des futurs directeurs d’enquête au centre national de formation à la police judiciaire de Rosny-sous-Bois et deux personnes de son équipe forment à l’échelle du groupement de futurs officiers de police judiciaire.