Christophe Castaner saisit la justice après de nouvelles accusations de racisme dans la police et la gendarmerie
PAR AFP Mis à jour le 06/06/2020 à 06:24 Publié le 06/06/2020 à 06:20
Christophe Castaner a saisi la justice vendredi 5 juin après la publication de messages racistes sur Facebook attribués aux forces de l’ordre, en pleine vague d’indignation liée à la mort de George Floyd aux Etats-Unis et de mobilisation en France contre les violences policières.
Le ministre de l’Intérieur a décidé de réagir au lendemain de la publication par le site d’information Streetpress d’une enquête révélant l’existence d’un groupe Facebook « TN Rabiot Police Officiel » censé être réservé aux forces de l’ordre et qui comprendrait 8.000 membres.
Selon l’enquête, de très nombreux messages haineux, racistes, sexistes, homophobes et vulgaires y sont échangés.
Des captures d’écran publiées par Streetpress montrent ainsi des messages tournant en dérision la mort de jeunes hommes au volant de leur moto-cross ou qualifiant de « sale pute » la chanteuse Camélia Jordana, qui a récemment dénoncé les violences policières.
« S’ils sont avérés, ces propos inacceptables sont de nature à porter gravement atteinte à l’honneur de la police et de la gendarmerie nationales », a-t-on commenté dans l’entourage du ministre.
M. Castaner, qui avait promis mercredi une « sanction » pour « chaque faute, chaque excès, chaque mot, y compris des expressions racistes » au sein des forces de l’ordre, a donc saisi le parquet de Paris en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale.
Celui-ci impose à « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit », « d’en donner avis sans délai au procureur de la République ».
« Comme il s’agit d’échanges au sein d’un groupe sur un réseau social, groupe sur lequel nous n’avons aucune information, ces éléments doivent avant toute chose être vérifiés », a expliqué l’entourage du ministre.
Si M. Castaner a promis d’être « intransigeant », il s’agit également pour la place Beauvau d’éviter les accusations d’inaction face aux signes tangibles de racisme au sein des forces de l’ordre.
Un « malaise » en France
Objets de polémiques récurrentes en France ces dernières années, les accusations de violences policières couplées à celles de racisme ont rebondi dans l’Hexagone, dans le sillage de l’indignation mondiale suscitée par la mort de George Floyd, un Américain noir de 46 ans asphyxié par un policier blanc.
De nouvelles actions contre les violences policières sont prévues samedi dans plusieurs villes de France, malgré les règles sanitaires liées à l’épidémie de Covid-19, qui interdisent les manifestations de plus de dix personnes.
Mardi soir à Paris, un premier rassemblement avait réuni au moins 20.000 personnes à l’appel de la famille d’Adama Traoré, jeune homme noir mort en 2016 après une interpellation dans le Val-d’Oise.
Un succès populaire inédit, qui a dépassé toutes les prévisions policières, malgré une interdiction préfectorale et l’ombre de l’épidémie de Covid-19.
Le gouvernement a réagi en ordre dispersé au succès de la manifestation. Christophe Castaner a dénoncé dans un premier temps des violences, tandis que le ministre de l’agriculture Didier Guillaume a salué, lui, un « incroyable » rassemblement.
La porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye a estimé vendredi que ces manifestations révélaient « un certain malaise pour au moins une certaine partie des Français », qui devait être entendu. Elle a cependant estimé que les rassemblements prévus samedi « ne devraient pas se tenir » en raison de la situation sanitaire.
Les trois grands patrons des forces de sécurité en France, la police nationale, la gendarmerie et la préfecture de police de Paris, sont de leur côté montés au front médiatique dans la semaine pour balayer les accusations de racisme au sein de leurs troupes, tout en promettant des sanctions en cas de dérive.
Jeudi, le directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux a d’ailleurs confirmé le prochain passage en conseil de discipline de policiers de Rouen, mis en cause en décembre 2019 pour des propos racistes échangés en privé sur la messagerie WhatsApp, et documentés dans une enquête de Mediapart et Arte Radio.
Contacté par l’AFP, Facebook, qui proscrit les messages haineux y compris sur ses groupes privés, n’a pas réagi dans l’immédiat aux révélations de Streetpress sur ce groupe, qui était toujours en ligne vendredi en milieu d’après-midi.