Articles

Le - Budget des armées : la mise en garde de Jean-Yves Le Drian à Manuel Valls

Budget des armées : la mise en garde de Jean-Yves Le Drian à Manuel Valls

Capture

EXCLUSIF/VIDÉO – Dans une lettre que Le Figaro a consulté, le ministre de la Défense signifie au premier ministre sa grande préoccupation face aux graves conséquences militaires, industrielles et sociales d’un coup de rabot supplémentaire.

Le constat est alarmant et l’argumentaire implacable, au moment où la mobilisation des acteurs de la Défense ne faiblit pas devant les menaces de nouvelles coupes budgétaires. Dans une lettre envoyée le 9 mai à Manuel Valls (et adressée en copie à Michel Sapin), Jean-Yves Le Drian signifie au premier ministre sa très forte préoccupation face aux graves conséquences militaires, industrielles et sociales d’un coup de rabot supplémentaire.

Mardi 13 mai, appuyant leur ministre, les officiers généraux cinq étoiles dirigeant les trois armées (terre, air, marine) et le chef d’état-major des armées, le général Pierre de Villiers, ont mis leur démission sur la table, lors d’une réunion. Ces responsables demeurent jusqu’à aujourd’hui dans ce même état d’esprit, et se disent peu convaincus par les messages venus de Bercy ou de l’Élysée, même s’ils ont noté quelques infléchissements de ton dans la bouche du ministre des Finances, Michel Sapin. Samedi 17 mai, la rencontre autour de François Hollande à l’Élysée, entre Manuel Valls et Jean-Yves Le Drian n’a pas été conclusive, le chef de l’État se drapant dans le respect des grands principes stratégiques et laissant le soin à son premier ministre de régler la problématique budgétaire. Or, à Matignon comme à Bercy, on fait plus que jamais la chasse aux milliards…

Ces tensions interviennent dans un contexte déjà lourd. Dans sa lettre, que Le Figaro a pu consulter, le ministre de la Défense rappelle le «niveau de nos engagements militaires extérieurs», principalement au Mali et en Centrafrique. Il mentionne surtout l’«exercice extrêmement tendu» de la loi de programmation militaire (LPM) pour la période 2014-2019, un texte forgé de haute lutte et tout juste voté, en décembre. Les «efforts seront difficiles à réaliser, dans un contexte social proche de l’exaspération», avertit sans frais Jean-Yves Le Drian tout en soulignant qu’en 2019, son ministère aura supprimé 82 000 emplois en dix ans. Dans son courrier, qui ne concerne formellement que l’exercice 2014, le ministre de la Défense évalue à 355 millions d’euros les efforts à réaliser cette année. «Une annulation qui se cumulerait avec celle opérée fin 2013, à hauteur de 720 millions d’euros sur les crédits d’équipement de la défense», relève-t-il.

Or, selon Jean-Yves Le Drian, «la Défense ne peut absorber une perte de crédits en 2014, ni sur sa masse salariale, ni sur ces crédits de fonctionnement». En effet, ceux-ci se situent déjà «au seuil de l’acceptabilité sociale». De telles contraintes «impactent l’entraînement des armées, déjà inférieur aux normes internationales», souligne-t-il encore. Quant aux crédits d’infrastructures, «sous-dotés», ils conduisent le ministre à «faire étudier actuellement un plan pour les réhabilitations les plus impérieuses».

Reporter à 2016 des programmes «symboliques»

En matière d’équipements militaires, toute réduction de ressources en 2014 aurait des suites industrielles et sociales très considérables. Jean-Yves Le Drian concède ainsi, pour ce budget, une «situation financière extrêmement dégradée avec une dette fournisseurs historique, représentant plus du tiers des crédits disponibles». Or, prévient le ministre, «toute aggravation de ce report de charge se traduira par une cessation de paiements précoce et la mise en difficulté de nombre d’entreprises, en particulier les PME». Avec le spectre de plans sociaux, le signal est clair.

Afin d’«éviter une dette insoutenable», le ministre anticipe la nécessité d’avoir à reporter à 2016 des programmes «symboliques» prévus en 2014 et 2015, «soit un total d’environ 7 milliards d’euros de commandes non passées». Ce qui aurait, là encore, des «conséquences industrielles désastreuses», écrit Jean-Yves Le Drian en sonnant le tocsin. Il cite l’industrie terrestre (Nexter et RTD), les chantiers navals (Concarneau, Cherbourg, Saint-Nazaire) et l’industrie aéronautique, «avec des suppressions de milliers d’emplois et des pertes de compétences».

Sur le plan militaire, les conséquences seraient également «très lourdes», insiste le locataire de l’Hôtel de Brienne, qui évoque dans sa lettre l’impact sur la dissuasion, pierre angulaire de la Défense française, et les avions ravitailleurs neufs dont l’armée a cruellement besoin. Pour sa part, «l’armée de terre serait sous-équipée et rapidement dans l’incapacité de satisfaire les nouveaux contrats opérationnels», s’alarme le ministre. Dans le domaine crucial du renseignement, les engagements seraient «décalés, voire annulés», lit-on encore à propos des drones stratégiques MALE, des satellites CERES et des avions de surveillance légers qui auraient à passer à la trappe.

Au total, résume Jean-Yves Le Drian, «il faudrait revoir le modèle capacitaire de la LPM, avec un impact majeur sur l’emploi industriel». Un «changement de format», que les chefs des armées – solidaires avec leur ministre, ce qui n’a pas toujours été le cas – assimilent à un déclassement et ne veulent pas assumer.

Pour 2014, afin d’éviter une «impasse politique», le ministre souhaite la mobilisation des 500 millions de recettes exceptionnelles prévues par la LPM (dans son article 3). Il propose le lancement d’une nouvelle tranche de programme d’investissement d’avenir (PIA), «adossée à des cessions d’actifs de participations publiques», en clair la vente par l’État de parts qu’il détient dans des grandes entreprises du secteur de la défense.

Source : LE FIGARO fr www.lefigaro.fr

Be Sociable, Share!