Visage fermé, mains écorchées le long du corps, il s’avance sur une poutre suspendue à 25 mètres du sol. Sa carrure athlétique tranche avec le murmure de sa voix: «Je pense avoir les qualités pour rentrer au GIGN.»
Comme ce gendarme mobile de 28 ans, ils sont 150 chaque année à vouloir intégrer le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), unité d’élite, mais seule une quinzaine d’entre eux iront au bout du rude processus de sélection et de formation de près de 14 mois.
«Va au bout, arrête d’essayer de me vendre des aspirateurs. Dis-moi plutôt combien de conteneurs tu vois au loin», lui ordonne son instructeur. La poutre métallique tremble sous le poids de son stress. Le candidat se concentre. «Sept». La poutre s’immobilise.
«Au GIGN, la tête compte autant que les jambes. Les tests visent à évaluer leurs qualités athlétiques, leur résistance au stress et leur courage pour détecter ceux qui vont avoir du mal en mission», observe Rodolphe, chargé de la formation initiale, dont l’identité doit rester secrète comme celle de tous les super-gendarmes.
Spécialisée dans le contreterrorisme, les libérations d’otages, la lutte contre le grand banditisme, cette unité d’élite de la gendarmerie assure la protection des intérêts français à l’étranger. Depuis sa création en 1974, elle a interpellé 1.500 personnes, libéré 610 otages et maîtrisé 280 forcenés.
«Plus on est fort physiquement, plus on est capable d’absorber le stress», assure Rodolphe, dont la silhouette puissante témoigne de ses 15 ans passés à la force intervention du GIGN.
Tous les tests sont connus des candidats, qui doivent être gendarmes de carrière, aptes à la pratique du parachutisme et être âgés de 24 à 34 ans. Une majorité d’entre eux viennent de la gendarmerie mobile.
Marche commando, natation avec notamment 50 mètres pieds et poings liés, sports de combat, saut d’un pont, mission d’observation dans une pièce saturée de gaz lacrymogène… Les épreuves s’enchaînent au pas de course.
– ‘Le doute ne nous est pas permis’ –
«Chaque année, on a un pourcentage important de candidats qui s’arrêtent pour raisons médicales, dont une majorité pour des fractures au moral», sourit Rodolphe. «C’est plus facile de partir sur une blessure que de se dire qu’on n’a pas le profil.»
Le recrutement est un défi alors que la menace terroriste est considérée par le gouvernement comme «très élevée», après les attentats de janvier et celui contre une usine en Isère fin juin.
«Depuis trois ans, nous parvenons tout juste à combler les départs mais pas le déficit qu’on a depuis des années», constate Christophe, en charge de la formation au GIGN, qui compte actuellement 380 hommes et femmes.
«Dans l’idéal, 25 places sont à pourvoir mais elles ne seront pas automatiquement pourvues. Si on en garde dix à l’issue de la semaine de sélection et du stage probatoire de huit semaines, on s’estimera heureux», souffle-t-il. «Hors de question de retenir un candidat qui craquera en mission. Le doute ne nous est pas permis.»
L’échec d’une mission non plus. Et notamment lorsque le GIGN est chargé de traquer les frères Kouachi, qui ont abattu le 7 janvier 12 personnes dans les locaux de Charlie Hebdo. Retranchés dans une imprimerie de Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne), les deux jihadistes sont tués, les armes à la main, deux jours plus tard par les gendarmes d’élite.
Ce jour-là, 18 stagiaires en formation sont engagés aux côtés d’une centaine de membres du GIGN dans les colonnes d’intervention pour neutraliser Chérif et Saïd Kouachi.
«Ils devaient être brevetés le 17 janvier», explique un formateur, «ce baptême du feu a donné du sens à leur engagement». «Souhaitons que cela suscite autant de vocations que l’opération de sauvetage des 173 passagers du vol Air France Alger-Paris à Marignane il y a 20 ans!»