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«Appel à témoins» sur M6 : pourquoi la justice, la police et la gendarmerie y participent
Sauf imprévu, le magistrat Éric Maurel, procureur de la République de Nîmes, sera sur le plateau de M6, où sera notamment abordée la disparition du jeune Lucas Tronche en 2015.
Par Carine Didier Le 7 juin 2021 à 06h07
Il ne le cache pas : « Au début, j’étais très circonspect. Culturellement, on est réservé par rapport à ce type d’émission ». Éric Maurel a regardé d’autres programmes étrangers avant d’accepter de contribuer à « Appel à témoins », ce lundi soir sur M 6. « Nous sommes dans une société de communication et d’image. Et la justice doit faire preuve d’humilité, d’ouverture d’esprit, plaide le procureur de la République de Nîmes (Gard), où le dossier de la disparition du jeune Lucas Tronche en 2015 à Bagnols-sur-Cèze, qui sera mis en lumière par la Six, est instruit. Actuellement, nous n’arrivons pas à avancer. Si on nous offre un nouvel outil qui peut provoquer un déclic, pourquoi s’en priver dès lors que nous avons des garanties ? Nous travaillons dans l’intérêt des familles et de la vérité. »
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Ce que le procureur attend pour relancer les investigations ? « Pour l’heure, on n’a rien : ni le lieu où le garçon a disparu, ni la manière dont il a disparu et le moment. Au niveau de la police technique et scientifique comme des expertises, on est allé loin. Le déclic pourrait venir du témoignage d’une personne qui n’a pas pensé à se manifester, n’osait pas le faire ou ne croyait pas que cela pouvait être utile. On joue sur le facteur humain. Même s’il est peu probable que quelqu’un nous dise je détiens une preuve, une photo, la démarche est de réveiller la mémoire. »
« Provoquer des réactions »
L’humain, c’est aussi l’un des ressorts des enquêtes, rappelle le général Fabrice Bouillié. Lui est chef du service central de renseignement criminel de la gendarmerie Nationale (SCRC), qui gère notamment la division des affaires non élucidées où une attention particulière est portée à une soixantaine de « cold cases », les plus anciens remontant aux années 1970.
« L’émission de M 6 est un excellent levier d’action et une façon de démonter aux familles sans réponse qu’on ne lâche rien, estime-t-il. Elle va permettre de remobiliser l’attention des téléspectateurs, de reproduire une charge émotionnelle, de recentrer les efforts des enquêteurs. Ce n’est pas une dernière chance, mais un moyen de provoquer des réactions du public, de proches et des remords, peut-être des auteurs eux-mêmes. »
Chaque année en France, environ 10 000 disparitions restent inexpliquées, et l’on compterait près de 200 « cold cases ». Parmi ceux mis en avant dans « Appel à témoins », « on a choisi des dossiers de diverses natures, avec un potentiel d’élucidation. On a des éléments et on essaie de susciter d’autres choses », indique le général Bouillié.
Des chefs d’enquête à côté du plateau
Les risques ? « C’est de participer à un spectacle, mais nous ne sommes pas là pour donner l’image d’une justice qui ferait de la téléréalité, reprend le procureur Eric Maurel. L’autre risque intégré est d’entraîner des témoignages farfelus. Il y en aura nécessairement. Des professionnels (NDLR : huit fonctionnaires de police et gendarmerie) filtreront le sérieux des appels. On vérifiera toutes les hypothèses ». « S’il y a des témoignages déterminants, on sera prêts à se mobiliser », confirme le patron du SCRC. Des chefs d’enquête seront ainsi installés dans une pièce voisine du plateau.
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Et quoi qu’il arrive, les services de justice, de police et de gendarmerie persévéreront. « Cette émission nous renvoie à nos devoirs. Pour les familles, nous devons continuer. On veille à ce qu’il y ait des actes réguliers, insiste le magistrat. Il s’agit de comprendre ce qui a pu se passer ». Et la porte-parole du ministère de l’Intérieur, Camille Chaize, de préciser : « L’approche de M 6 nous a intéressés, car il n’y a pas de volonté de voyeurisme et tout se fait dans la dignité. On cherche à déclencher une prise de conscience et du bouche-à-oreille. »
Pour appeler : numéro vert 0.800.10.11.21 (non surtaxé) et mail appelatemoinsM6@interieur.gouv.fr