Angoisse, absence et menaces… Les familles de forces de l’ordre sont à bout
Par Morgane Rubetti Mis à jour Publié
Les familles de policiers, gendarmes et CRS mobilisés pour les «gilets jaunes» déplorent la violence subie par leurs proches et dénoncent les «effets d’annonce» du gouvernement.
«Tu ne sauras rien. C’était la guerre civile.» Lorsque son compagnon est revenu de l’«Acte III» de la mobilisation des «gilets jaunes» le 1er décembre, Perrine Sallé ne l’a pas reconnu. «Il avait le visage écarlate à cause de la lacrymogène. Il ne parlait pas, il s’était renfermé sur lui-même», se souvient la porte-parole de «Femmes de forces de l’ordre en colère». Depuis le début de la crise des «gilets jaunes», les «forces sont à bout» et leurs familles en paient également les conséquences.
Cette crise «n’a pas de pareil», estime Perrine Sallé. «Pendant les manifestations, dans les quelques messages qu’il arrivait à m’envoyer, il disait qu’on leur lançait de l’essence dessus alors qu’ils étaient près d’une voiture en flammes… J’ai déjà connu des situations de stress mais, là, c’était particulier.»
Comme elle, Nadine a été étonnée par le niveau de violence des rassemblements. Depuis le début de la crise, elle vit dans l’angoisse et attend lors de chaque manifestation le message qui lui dit que tout va bien. «J’évite de rester trop longtemps devant les chaînes d’information en continu car c’est une source supplémentaire de stress», explique-t-elle. Cette épouse de gendarme mobile a constaté une recrudescence de la «haine anti-flics» et a eu beaucoup de mal à gérer ses opinions: «Il fallait une révolution mais je ne peux pas accepter qu’on insulte et qu’on s’en prenne à mon mari de la sorte à cause de son métier».
Menaces et insultes quotidiennes
Cette «haine anti-flics» a créé une réelle crainte au sein des familles. «J’ai été obligée d’enlever mes publications Facebook ‘touche pas à mon CRS’ et ‘je soutiens les gilets bleus’», raconte Émilie, mère d’un jeune CRS de 25 ans. Au travail, «des collègues ont appris que mon fils est force de l’ordre et ils m’ont insultée. Ils m’ont dit que mon enfant est un bat**d et un fils de p**e».
Depuis le début de la crise des «gilets jaunes», le groupe Facebook de l’association Femmes de forces de l’ordre en colère «a dû prendre quatre modérateurs de plus pour gérer les messages de haine. Habituellement on se débrouille entre nous», relève Perrine Sallé. Les menaces, les insultes et les messages appelant à la violence à
l’encontre des familles deviennent quotidiens.
Certains commentaires appellent même à «identifier et dénoncer [les] voisins CRS, gendarmes mobiles ou flics qui se comportent en traîtres». Sur Facebook, la capture d’écran d’une vidéo sur laquelle apparaissent des forces de l’ordre a été publiée. Le visage de l’un d’entre eux a été entouré de rouge. Il est surmonté d’un message appelant à le dénoncer. «Certains passent à l’acte. Nous avons trouvé une personne qui a publiquement écrit: ‘Je connais une famille de CRS, je peux vous donner son adresse’», déplore Perrine Sallé.
D’après la jeune femme, des enfants de forces de l’ordre auraient également été victimes de moqueries ou insultes. L’association a prévu d’adresser un courrier au ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, pour dénoncer des actes de harcèlement scolaire.
«En 10 jours, il a cumulé 30 heures supplémentaires»
Selon Nadine, épouse d’un gendarme mobile, la fatigue accumulée sur le terrain et le manque de moyens ont de «lourdes répercussions sur la vie de famille». Au micro de France Info samedi, la présidente de l’association, Aurélie Laroussie, épouse d’un CRS, a déclaré: «Je n’ai vu mon mari que trois jours en un mois.» Emilie, dont le fils est également CRS, attend son retour. À 25 ans, c’est la première fois qu’il doit gérer une «telle crise». Après avoir été appelé pour le premier week-end de mobilisation à Paris, il a été envoyé à Toulouse. «En 10 jours, il a cumulé au moins 30 heures supplémentaires», assure-t-elle.
Du côté de la police nationale, on dénombre 21,82 millions d’heures non récupérées et non indemnisées fin 2017. Réclamant un «retour sur investissement», le syndicat Alliance a demandé «à tous les policiers de France de ne sortir que sur appel» mercredi 19 décembre. Le mot d’ordre? «Fermons les commissariats.» Un autre appel à ce que toutes les forces de l’ordre se réunissent jeudi à 21h30 a également été lancé.