Le grade de lieutenant-colonel de l’ancien chargé de mission à l’Elysée ne correspond, dans son cas, à aucune qualification militaire.
Alexandre Benalla, mis en garde à vue depuis ce matin dans le cadre d’une enquête préliminaire pour des «faits de violences en réunion par personne chargée d’une mission de service public, d’usurpation de fonctions, de port illégal d’insignes réservés à l’autorité publique», serait également lieutenant-colonel de gendarmerie dans le cadre de la réserve citoyenne. Un haut grade qui ne correspond à aucune mission opérationnelle et encore moins à des fonctions d’encadrement des troupes sur le terrain. Lorsqu’ils reçoivent leur agrément, les réservistes citoyens reçoivent une plaque portant leur grade avec mention «ad honores». Pour l’honneur. Rien de plus, rien de moins.
Agents de rayonnement
Créée en 1999, redéfinie en 2016 lors de la création de la Garde nationale décidée par François Hollande après les attentats de 2015, la réserve citoyenne est un réservoir de femmes, d’hommes, civils ou anciens militaires de carrière ou simplement d’hommes ayant fait leur service militaire, officiers ou simples hommes du rang. Leur principale mission est d’entretenir le lien entre l’armée et la nation en fonction de leurs situations occupées dans la vie civile. Non pas être des agents d’influence mais des agents de rayonnement. Depuis la fin de la conscription, ils sont à charge d’entretenir la mémoire de cette armée de citoyens, née avec la République. Voilà pour la doctrine.
Les grades ne viennent ensuite que gratifier soit un passé militaire, une expérience professionnelle, un niveau de diplômes ou une capacité à faire résonner le message des armées dans la société. Le réserviste citoyen «de défense et de sécurité» peut demander à être rattaché à une des trois composantes des forces armées (terre, air, mer), à la gendarmerie ou à la police. Il est alors rattaché soit à une zone géographique, soit à un régiment. De manière générale, les réservistes citoyens de l’Ile-de-France sont sous le commandement du gouverneur militaire de Paris.
Règle de bienséance
Pour l’anecdote, Jean-Vincent Placé, alors ministre, avait fait des bras et des mains pour se voir attribuer le grade de lieutenant-colonel au 13e régiment dragons parachutistes (13e RDP), des troupes d’élites dépendant du commandement des opérations spéciales (COS), et spécialistes du renseignement en profondeur, en territoires ennemis. Il s’était vu notifier une fin de non-recevoir sans discussion aucune.
Chaque arme décide des règles qu’elle applique à son corps de réservistes citoyens. La marine, par exemple, leur attribue un uniforme. Dans l’armée de l’air, la plupart des réservistes, souvent des techniciens ou ingénieurs de haut niveau, accèdent illico au grade de colonel. Dans l’armée de terre, tout cela dépend des régiments, des zones de défense etc. Avec une règle non dite non écrite mais de bienséance qui leur intime de ne pas se prévaloir de leurs grades face aux officiers, sous-officiers et hommes du rang d’active.
Dans le cas de l’ancien chargé de mission à l’Elysée, la gendarmerie, dont la direction n’a pas souhaité répondre hier à nos questions, a eu la main très généreuse sur la distribution des galons sur les épaules d’une personne dont le seul mérite est d’être proche de la lumière. Son grade de lieutenant-colonel ne correspond à aucune qualification militaire. Pour établir, son dossier d’agrément, renouvelable tous les trois ans, l’armée de terre demande un extrait de casier judiciaire. Difficile d’imaginer que la gendarmerie demande moins. Après une garde à vue, pas sûr qu’Alexandre Benalla retrouve son grade au sein de la réserve citoyenne de la gendarmerie…