Développement durable : à Dijon, le compost des gendarmes fertilise le jardin des Restos du Cœur
Auteur : Lieutenante Floriane Hours – publié le 14 août 2022
Le développement durable est l’affaire de tous, et dans ce domaine, les gendarmes comptent bien montrer l’exemple. À Dijon, au sein de la caserne Deflandre, une vaste opération de récupération de biodéchets a été lancée depuis novembre 2021. Le compost qui en est issu est ensuite reversé aux jardins des Restos du Cœur pour fertiliser les terres. Derrière l’aspect écologique de cette coopération, se développe donc aussi une expérience humaine solidaire et sociale.
Du compost made in gendarmerie pour les Restos du Cœur. Si l’idée peut surprendre, elle est bien réelle. À Dijon, depuis le 11 novembre 2021, le compost du Quartier Deflandre, caserne abritant les unités de la Région de gendarmerie de Bourgogne et celles du Groupement de gendarmerie départementale de Côte-d’Or (GGD 21), sert en effet de fertilisant pour les cultures des Restos du cœur.
Une initiative écologique, sociale et solidaire
C’est dans la tête d’un gendarme, le commandant Jérôme, référent développement durable du GGD 21, que l’idée a germé. Après avoir mis en place, au sein de la caserne, un certain nombre de mesures en matière de simplification du tri des déchets et de sensibilisation sur cette problématique, le militaire, qui veut aller plus loin, propose à sa hiérarchie de mettre des composteurs à la disposition de tous les gendarmes. L’accord et l’adhésion de ses supérieurs lancent le projet. Avec le soutien de Dijon métropole et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), la gendarmerie se met en lien avec Alfacy, une société spécialisée dans le compostage depuis 2015. Celle-ci fournit au groupement sept bacs d’apport volontaire de 500 litres, qui sont positionnés à différents endroits de la caserne, ainsi que de plus petits bacs destinés aux appartements des militaires. Dès son lancement, le projet prend et les gendarmes viennent nombreux déposer leurs biodéchets.
Les bacs d’apport sont ensuite relevés toutes les six semaines pour être déposés chez un agriculteur, à 4 kilomètres de là. Sur place, le compost est bâché et mature durant neuf mois, avant d’être envoyé sur les parcelles maraîchères des Restos du Cœur. C’est durant cette phase que sa qualité est contrôlée. « Comme nous sommes sur une démarche de volontariat, nous avons un apport, et donc un compost, qui est très propre. Nous n’avons pas du tout d’erreur de tri dans ce que l’on peut mettre ou pas à composter. Est-ce parce que ce sont des gendarmes et que le gendarme est discipliné, on ne sait pas. Mais en tout cas, nous avons vraiment des gens qui jouent le jeu, ce qui nous permet d’obtenir à l’arrivée un compost de qualité », se réjouit le commandant.
Si l’initiative est écologique, elle est également sociale et solidaire. Au sein des Restos du Cœur, une quinzaine d’employés maraîchers en voie de réinsertion travaillent en effet chaque jour dans les jardins de l’association. Un chantier d’insertion où le compost fourni par la gendarmerie contribue à produire chaque année 10 tonnes de fruits et de légumes, qui sont ensuite distribués aux bénéficiaires des Restos du Cœur.
Plus de 8,1 tonnes de biodéchets
Dans la caserne, qui compte 464 logements, l’initiative mise en place il y a un an s’est bien développée. Aujourd’hui, les bacs d’apport sont officiellement utilisés par environ 70 familles, et ce chiffre ne cesse d’augmenter. « Petit à petit, la pratique entre dans les mœurs et le nombre de ménages qui participent grandit au fur et à mesure de l’expérimentation. Ce qui marche bien, c’est le bouche-à-oreille. Au départ, les gens ne voulaient pas forcément s’y mettre, en se disant que c’était une contrainte, puis, au final, ceux qui font l’expérience sont devenus des ambassadeurs du dispositif et arrivent à convaincre les autres », sourit l’officier. Devant la réussite du projet, le cercle mixte (restaurant collectif), également situé au sein de la caserne, a rejoint l’aventure. En moins d’un an, la caserne a ainsi récupéré près de 6,5 tonnes de biodéchets et, depuis juin, le cercle mixte en a récupéré 1,6 tonne.
Au-delà des biodéchets, la récupération du compost de la gendarmerie a également eu d’autres effets bénéfiques. « Tout d’abord, nous sommes rendus compte que les gens, en triant mieux les biodéchets, se mettaient aussi à mieux trier les ordures ménagères et recyclables. Grâce à cette amélioration, nous allons pouvoir passer de trois à deux collectes hebdomadaires pour les ordures ménagères et nous envisageons même une diminution des charges pour les familles. »
Des poneys pour tondre la pelouse
Mais en matière de développement durable, la gendarmerie de Dijon n’en est pas à son coup d’essai. Depuis dix ans déjà, d’autres initiatives ont été mises en place. Des projets qui se sont multipliés ces dernières années, notamment avec l’arrivée du commandant Jérôme. « Au sein de la caserne, nous avons une trentaine de jardins partagés, et des ruches juste à côté des potagers pour polliniser les légumes. Nous avons recyclé une guérite en boîte à lire, que l’on a placée à côté du cercle mixte. Nous avons de la jachère fleurie, mais aussi des caches et des nichoirs pour les oiseaux, et nous sommes en train de voir pour obtenir une labellisation et un classement de la ligue de protection des oiseaux. »
Pour l’entretien des lieux, là aussi, les choses ont été revues pour être plus écologiques et plus solidaires. « Pour l’entretien ménager des logements, nous avons opté pour une entreprise de travail adapté, qui emploie des personnels en situation de handicap ou en voie de réinsertion. »
Sur la parcelle de 12 000 m² de la caserne, ce sont cette fois sept grands poneys et leurs trois petits poulains qui assurent le désherbage. Une initiative lauréate des projets biodiversité et financée par la DEPAFI (Direction de l’Évaluation de la Performance de l’Achat, des Finances et de l’Immobilier) d’éco-pâturage urbain, qui fait le bonheur des petits et des grands.
De beaux projets, qui ne sont pas près de s’arrêter. Très prochainement, les bacs d’apport de compostage gris seront recouverts d’osier pour mieux se fondre dans le décor.
En septembre prochain, la caserne accueillera également les assises de l’environnement, à l’occasion desquelles elle recevra de nombreux représentants de collectivités territoriales et d’entreprises, ainsi que l’ADEME, organisatrice de l’événement.
Le lendemain, au sein de la caserne, se déroulera une journée vélo, afin de recycler quarante vélos, abandonnés sur le site par d’anciens gendarmes au fil des mutations. Grâce un partenariat avec une association, quatorze d’entre eux seront restaurés et donnés à d’autres unités de gendarmerie, dont l’école implantée à Longvic, pour les déplacements au sein des casernes. Quelques-uns seront conservés par l’association pour financer cette opération de remise en état. Enfin, les vélos restants seront distribués, après restauration, aux Restos du Cœur, où ils feront le bonheur de nouvelles personnes. Au cours de cette journée, les militaires et leurs familles pourront également faire réviser leurs vélos, les faire graver pour lutter contre les vols et s’essayer à un parcours de sensibilisation à la sécurité routière animé par l’Escadron départemental de sécurité routière (EDSR).
Un terrain d’expérimentation
À Dijon, et plus largement dans la région, ces projets sont particulièrement suivis. Dès janvier 2023, une nouvelle directive européenne va en effet imposer aux entreprises d’un certain volume et aux collectivités, une collecte de biodéchets distincte des autres déchets. Avec ses nombreux logements, son cercle mixte et les nombreux personnels de la région de gendarmerie de Bourgogne et du GGD 21 qui viennent y travailler, la dynamique de la caserne Deflandre est équivalente à celle d’une petite ville de 2 000 habitants. Une structure, qui en fait pour l’agglomération, comme pour l’ADEME, un terrain d’expérimentation idéal pour observer la faisabilité d’une telle mesure dans un environnement urbain. Pour évaluer cette expérimentation, l’ADEME et l’agglomération de Dijon se rendront donc sur place en septembre pour un audit. Si le résultat est concluant, le système impulsé par cette caserne de gendarmerie pourrait bien servir d’exemple et être reproduit au sein des entreprises et des collectivités de l’ensemble du département.