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Violences sexuelles : dans l’Oise, ces gendarmes aident les mineurs «à libérer leur parole»

Depuis sa création en mai 2019, le Groupe d’atteintes aux personnes de la gendarmerie a traité plus de 200 affaires impliquant des mineurs. Cette unité spécialisée, composée d’experts, a notamment permis de réduire de moitié les délais de traitement des procédures.

 L’adjudant Tony Cauwet fait partie des quatre gendarmes du groupe d’atteintes aux personnes basé à Froissy.
L’adjudant Tony Cauwet fait partie des quatre gendarmes du groupe d’atteintes aux personnes basé à Froissy. LP/B.D.

Par Benjamin Derveaux Le 14 février 2021 à 12h33

En ce mois de juin 2019, Camille (le prénom a été modifié) décide de s’ouvrir à sa mère. « Papy, il est malsain », confie la jeune fille, âgée de 12 ans. Et de raconter plusieurs attouchements dont elle aurait été victime dans l’intimité familiale : une caresse sur les jambes sous la table lors d’un repas ou ce jour où le sexagénaire lui a touché la poitrine et tenté de l’embrasser alors qu’elle se trouvait seule chez lui. Un soir, dans la chambre où elle dort, Camille sent la main du grand-père se poser sur son épaule. Autant de faits qui constituent une agression sexuelle.

Immédiatement, la gendarmerie est prévenue et c’est le groupe d’atteintes aux personnes (GAP) de la compagnie de Beauvais qui est chargé de l’enquête. « Souvent dans ce genre d’affaires, c’est la parole de l’un contre celle de l’autre », constate l’adjudant Tony Cauwet, l’un des quatre militaires qui compose l’unité qui va interroger « tout le cercle familial ». La pugnacité des enquêteurs est payante puisqu’une des personnes entendues expliquera avoir vécu la même chose, il y a près de 20 ans. Un témoignage précieux qui permettra à l’affaire d’aboutir à un procès au premier semestre 2021.

Des délais de traitement réduit de moitié

Crée sous l’impulsion du commandant Jérôme Le Caro, le GAP traite depuis mai 2019 les dossiers de violences intrafamiliales, en majorité des violences sexuelles sur mineurs, commises sur le secteur de la compagnie de Beauvais. Avec ce groupe spécialement dédié, l’officier espérait « améliorer la prise en charge des victimes mineures » en « réduisant les délais de traitement de ces affaires » jugés parfois trop longs. Ainsi, ces délais sont passés de 110 jours en 2017 à 52 en 2020, preuve de l’efficacité de l’unité.

« Il s’agit de rationaliser le traitement des procédures en s’appuyant sur la gestion du temps et de confier ces enquêtes à des militaires qui ont des compétences et des appétences pour ces problématiques », précise le commandant Le Caro. Depuis sa création, le GAP a dirigé 227 enquêtes, dont 66 criminelles, et a mené 166 auditions de mineurs victimes (Amiv). Encore unique dans l’Oise, le groupe pourrait être bientôt généralisé au sein d’autres compagnies de gendarmerie du département.

Une mise en confiance de la victime

A la brigade de Froissy, où le GAP a pris ses quartiers, c’est dans une pièce étroite composée de quatre bureaux aux murs ornés de dessins d’enfants que l’on retrouve l’adjudant Tony Cauwet. Comme souvent, le gendarme a troqué l’uniforme pour jeans et baskets. « Ça peut aider pour libérer la parole de certains mineurs qui peuvent être impressionnés par la tenue », glisse-t-il. Car dans les affaires qu’il traite avec ses collègues, c’est bien souvent dans la parole des victimes que réside la clé.

Tout débute généralement un premier contact. « L’idée est de prendre en compte la victime le plus vite possible, qu’elle comprenne qu’elle n’est pas toute seule », insiste l’adjudant, qui n’hésite pas à se déplacer directement. Comme pour le cas d’une collégienne qui échangeait des SMS avec un homme d’une quarantaine d’années. Une centaine de messages, dont certains à caractères sexuels. « Sans vraiment parler de l’affaire, on y va pour se présenter, parler de tout et de rien. Plus la victime est en confiance, plus elle sera amenée à démêler les choses lors de son audition », souligne Tony Cauwet.

«Un travail purement humain»

Une fois ce premier contact établi, c’est à l’hôpital de Beauvais au sein de l’accueil des mineurs victimes (Amiv) que cette audition – filmée – est conduite par l’un des enquêteurs du GAP. Loin des locaux d’une gendarmerie, « dans un endroit neutre », précise le commandant Le Caro, la victime est entendue une seule fois. « L’objectif est de faciliter leur prise en charge et de ne pas les faire se répéter sur les faits qu’elles ont vécus », commente Caroline Tharot, procureure de la république de Beauvais.

« Et l’intérêt de ces auditions, c’est que les enquêteurs sont formés spécialement, ce qui améliore la qualité des procédures », se félicite Cyril Boile, président de France Victimes 60, association qui se chargera du suivi socio-judiciaire des mineurs. Devant l’enfant, le gendarme se plie au protocole NICHD pour conduire l’entretien. Ainsi, ses questions ne doivent contenir aucun élément de réponse. « Tout doit venir de la parole de la victime », prévient l’adjudant Cauwet, qui l’assure, du début à la fin de la procédure, « c’est un travail purement humain ».

Source : www.leparisien.fr

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