« J’ai signé, j’accepte le danger », Marina Tehaamoana, major de promotion et gendarme mobile à Annecy
La Polynésienne Marina Tehaamoana, première ultramarine à sortir major de promotion de l’école de gendarmerie, a choisi d’intégrer le très convoité escadron de gendarmerie mobile 22/5 d’Annecy. Rencontre à Saint-Astier en Dordogne avec une jeune femme brillante et déterminée.
Marina Tehaamoana est ce que l’on appelle une tête bien faite. À 26 ans et bac +5, elle est la première originaire des Outre-mer à sortir major de promotion de l’école de gendarmerie de Tulle. Elles ne sont que trois à Annecy sur un effectif de 127 gendarmes. Jusqu’en 2016, la gendarmerie mobile était l’un des seuls métiers, avec celui de légionnaire, encore interdit aux femmes.
Il est 7 heures et le jour se lève à peine au Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie à Saint-Astier. Dans la pénombre, des dizaines de gendarmes mobiles vêtus de noir, équipés de casques, de lourds gilets pare-balles et de coques de protection montent les uns après les autres dans les véhicules rangés en ordre serré sur le parking.
Dans quelques minutes, ces hommes et ces trois femmes, placés sous le commandement du capitaine Amaury de l’escadron 22/5 de gendarmerie mobile d’Annecy, seront chargés de neutraliser des manifestants devenus violents et se prêteront également au jugement des instructeurs du CNEFG chargés de les évaluer.
Première ultramarine major de promotion
Au milieu de ces hommes, Marina Tehaamora, fraîchement diplômée de l’école de gendarmerie de Tulle, après avoir décroché son bac à seulement 16 ans, une licence, puis un master en droit à Montpellier. Originaire de l’île de Hiva Oa en Polynésie, l’idée de devenir un jour dans la gendarmerie n’a jamais été pour elle une évidence, mais inspirée par un père officier de police judiciaire, « la passion pour l’organisation militaire, l’envie de servir, de protéger et de sauver », l’on tout naturellement conduite à endosser l’uniforme et elle ne l’a jamais regretté.
Au terme d’une formation à l’école de gendarmerie de Tulle, écourtée en raison des conséquences de la crise sanitaire, Marina Tehaaamora devient en novembre la première personne originaire des Outre-mer major de promotion. Un parcours sans faute qui lui accorde le privilège de pouvoir choisir sa première affectation.
Elle décide d’intégrer le très convoité escadron 22/5 de gendarmerie mobile d’Annecy. Au pied des Alpes, elle fait partie des deux premières femmes à rejoindre l’unité et débute une carrière prometteuse de gendarme mobile.
Marina est très représentative des valeurs que l’on recherche chez les jeunes gendarmes mobiles. Elle est arrivée avec beaucoup d’humilité et avec l’envie d’apprendre. Elle est très intelligente. C’est une personne avec qui nous allons faire un très bon travail sur le long terme.
Capitaine Amaury, commandant de l’unité d’Annecy.
Ces valeurs défendues par la gendarmerie sont d’autant plus essentielles que les forces de l’ordre sont aujourd’hui confrontées à un regain de violence et deviennent de plus en plus la cible de critiques, même si les gendarmes semblent encore relativement épargnés.
Le terrain
Sécurisation de quartiers sensibles à Grenoble, maintien de l’ordre sur des manifestations de grandes ampleurs à Paris… Les premières opérations sur le terrain donnent très vite à Marina la tonalité de ce qui l’attend ces prochaines années.
Au Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie à Saint-Astier, où son escadron est évalué environ tous les trois ans, est pour Marina l’occasion d’observer et d’acquérir de l’expérience. Crée en 1969, à la suite des événements de 1968, le CNEFG de Saint-Astier reçoit chaque année, plus de 13 000 stagiaires et visiteurs. Tous ces stages sont encadrés par des officiers et sous-officiers d’expérience, spécialistes du rétablissement de l’ordre ou de l’intervention professionnelle. « On a cette grande chance dans la gendarmerie d’avoir des instructeurs de grande qualité qui nous permettent de développer un certain nombre de procédés que l’on met ensuite en pratique lors de manifestations ou d’opérations de sécurisations de quartiers sensibles par exemple », indique le capitaine Amaury.
« On est à fond, on veut bien faire. »
Ce matin, les gendarmes mobiles seront confrontés à trois scénarios. Ils vont devoir démontrer leur capacité à sécuriser une manifestation au départ pacifiste, mais qui va se tendre sérieusement avec la présence d’un individu armé. « Je vais vous présenter le terrain sur lequel nous allons manœuvrer ce matin… « , débute le capitaine Amaury devant une soixantaine de gendarmes, avec à ses pieds, ce qu’il appelle « la caisse à sable », des jouets soigneusement ordonnées qui viennent illustrer l’opération. « C’est le seul commandant en gendarmerie qui utilise ce procédé pour expliquer une opération », confie avec une pointe d’admiration Marina.
Dans les rangs, la jeune élève gendarme est déjà très concentrée et laisse à peine deviner une pointe d’appréhension, avant de s’engager aux côtés de gendarmes aguerris et expérimentés. Ce matin, les gendarmes ont pour mission de sécuriser une manifestation au premier abord pacifiste, mais qui va ensuite se tendre sérieusement avec des jets de pavés, de cocktails Molotov et la présence d’un individu armé. « C’est vrai que c’est un exercice, mais on est à fond, on veut bien faire avec toujours cette idée que l’on peut sauver une personne en difficulté et protéger des citoyens », affirme Marina.
La jeune gendarme polynésienne reste en repli, armée d’un bouclier, prête à intervenir, si les gendarmes placés en première ligne se trouvent en difficulté. « Pour l’instant, on commence tous par-là, on sort de l’école et le bouclier, c’est le moins compliqué. Il faut tenir la position, se protéger et protéger les camarades situés à l’arrière. Je ne prends aucune initiative. J’agis aux ordres de mes supérieurs qui sont à mes côtés », précise Marina
Le deuxième et le troisième exercice se compliquent pour Marina. Cette fois, elle est armée et en position de tir derrière un véhicule avec un individu armé en mouvement.
On ne part jamais serein et il vaut mieux d’ailleurs. Ce matin, par exemple, la manifestation n’était a priori pas hostile et puis il y a eu un coup de feu et il a fallu tout réorganiser. Nous ne savons jamais ce qui va se passer, sur quoi on va tomber. Alors, évidemment il y a de l’appréhension, un peu d’inquiétude, mais c’est un métier pour lequel j’ai signé. J’accepte le danger.
Marina Tehaamoana
Une unité spécialisée en point de mire
Les trois opérations ont été menées avec rapidité et efficacité. Les objectifs sont atteints et les instructeurs soulignent la maîtrise et la cohérence de cette unité parfaitement rodée à ce type d’exercice. L’escadron 22/5 de gendarmerie mobile d’Annecy, a une nouvelle fois consolidé sa réputation. « Chaque année, des gendarmes de mon effectif se préparent avec rigueur et discipline aux tests très exigeants du GIGN ou du PGHM, nos unités spécialisées », affirme le capitaine Amaury, comme pour justifier ces bons résultats.
Une unité spécialisée ? Marina y pense sérieusement, mais avec l’humilité qui la caractérise, elle se garde bien d’en parler pour le moment. Elle sait que la route est longue et les obstacles nombreux avant d’espérer pouvoir un jour rejoindre l’unité d’élite de la gendarmerie nationale.