Chinon : gens du voyage, l’incompréhension des riverains
Publié le 01/02/2021 à 06:25 | Mis à jour le 01/02/2021 à 10:44
Ils sont habitués, mais n’en peuvent plus. Cela fait des années que cela dure, et c’est encore le cas ces derniers jours. Des propriétaires de la rive gauche de Chinon ont vu s’installer plusieurs caravanes sur leur terrain privé.
« Ils sont arrivés le 8 décembre, vingt caravanes qui étaient à Savigny-en-Véron, explique cet agriculteur, qui préfère taire son nom par peur de représailles. On a creusé des fossés autour de certains champs, mais les gens du voyage les rebouchent et passent quand même. »
L’agriculteur a alerté la mairie et la gendarmerie. Sans grand succès. « On demande au maire et à la gendarmerie d’encadrer les gens du voyage pour qu’ils aillent sur l’aire d’accueil qui leur est destinée, qu’ils cessent de venir sur nos propriétés privées », fulmine-t-il avant d’ajouter : « Je ne comprends pas qu’on puisse laisser des gens vivre dans la boue alors qu’il y a des aires d’accueil dans la communauté de communes, bitumées et avec des sanitaires. »
« Un problème que personne ne veut régler »Au bout d’un moment, les gens du voyage finissent par quitter les lieux d’eux-mêmes. « Ils laissent des détritus derrière eux, se branchent sur les bouches à incendie. Le terrain sur lequel je fauche mon foin est abîmé. Je vais m’asseoir sur la remise en l’état de mon terrain. »
À force, ces propriétaires baissent les bras, ne prenant même plus la peine, parfois, de contacter les autorités, lassés de l’avoir tant fait sans que rien ne bouge. « Les gens du voyage connaissent la loi, elle est faite pour eux, explique un autre riverain concerné par le phénomène, lui aussi préférant conserver l’anonymat. Moi, quand je vais à Chinon et que je me gare mal, je prends une prune. Eux, rien ! Cela fait 50 ans que je suis là, il y a toujours eu ces installations sauvages. C’est un problème insoluble, que personne ne veut régler. »
Interrogée avant qu’ils ne partent à quelques centaines de mètres de là, dans un nouveau champ, une personne du campement explique la raison de sa présence ici plutôt que sur une aire d’accueil des gens du voyage. « Avec la crise sanitaire, on n’a pas les moyens financiers de payer l’aire et on a peur de se rassembler avec d’autres personnes à cause du virus. »
à chaud
« À l’État de faire respecter les règles »
Au sujet des occupations illégales par des gens du voyage, pour Jean-Luc Dupont, maire de Chinon, la balle est dans le camp de l’État. « Ce n’est pas de mon pouvoir, c’est à l’État de faire respecter les règles, je ne peux pas me substituer à l’État. Ce n’est pas le problème de l’arsenal réglementaire, mais de le faire appliquer. »
L’élu de poursuivre : « Quand on dit aux gens du voyage d’aller sur une aire, ils refusent d’y aller, avec toujours un bon argument : un jour c’est le grand-père qui est mort sur l’aire, donc elle est maudite, une autre fois c’est le manque d’argent ou un enfant qui est malade… Quand je vois l’énergie déployée par la gendarmerie nationale, la police municipale pour juguler cela, c’est insupportable. »
Les élus seraient donc impuissants ? « Je prends systématiquement un arrêté d’expulsion. On dépense beaucoup d’énergie et d’argent, car à chaque fois il faut un constat d’huissier. Je ne conteste pas le nomadisme, mais là où il y a des droits, il y a aussi des devoirs. Leur devoir républicain, c’est de s’installer sur les aires prévues, avec de l’eau, de l’électricité, des sanitaires… »
Et côté devoir, selon son président, la communauté de communes Chinon Vienne et Loire est bon élève dans le domaine. « Avec quatre aires d’accueil, nous sommes la seule collectivité en conformité avec le schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage. On a investi l’an dernier 650.000 € pour ouvrir l’aire de Savigny-en-Véron. »
Le 15 janvier, sur ce sujet spécifique des gens du voyage, les maires de Chinon Vienne et Loire ont confié leur pouvoir de police au président de la communauté de communes. « Une fois l’arrêté préfectoral pris, cela va nous permettre d’être plus efficaces, car l’arrêté d’expulsion sera valable sur l’ensemble des 19 communes. Jusqu’à maintenant, je prenais un arrêté pour Chinon, puis les gens du voyage partaient s’installer sur une commune voisine et il fallait tout recommencer. »
Contactée, la préfecture explique avoir signé, suite aux demandes de mise en demeure de la mairie de Chinon, trois arrêtés successifs pour des installations sur des terrains privés (rue de Grigny et rue des Grandes Vignes), arrêtés qui n’avaient pas fait vendredi soir l’objet de recours devant le tribunal administratif. La préfecture précise en outre qu’« aucun recours à la force publique (pour faire évacuer les caravanes) ne nous a été demandé ».
Alexandre SALLE
Journaliste, rédaction de Chinon