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Le - Anacrim a permis de relancer certaines des affaires les plus connues

ADN, fémur et tableurs : le travail de « fourmi » des gendarmes de la division « cold cases »

ADN, fémur et tableurs : le travail de "fourmi" des gendarmes de la division "cold cases"
Au sein de la division « cold cases », les gendarmes sont souvent titulaires d’un master de biochimie ou de génétique et enfilent une blouse blanche sur leur uniforme bleu. © Crédit photo : MARTIN BUREAU AFP

Par SudOuest.fr avec AFP
Publié le 29/01/2021 à 10h21

Près de Paris, la nouvelle « division cold cases » de la gendarmerie travaille sur des dossiers judiciaires vieux de 20 ans pour tenter de donner, enfin, « une réponse » aux familles des victimes.

Au sous-sol, un légiste examine un fémur. À l’étage, des analystes épluchent d’imposants dossiers judiciaires vieux de 20 ans : « le bunker » est un vaste bâtiment ultra-sécurisé, dans un coin du site du pôle judiciaire de la gendarmerie (PJGN) à Cergy-Pontoise (Val-d’Oise). Il renferme 225 000 prélèvements biologiques porteurs de traces ADN : des bouts de vêtements, de meubles, des stylos ou des préservatifs.

Emballés dans du papier kraft, ils sont rangés, classés et numérotés dans de grandes armoires métalliques, conservés à 19°C et à l’abri de la lumière du jour. Leur particularité ? Ils ont été prélevés sur les scènes de crimes ou délits de ces vingt dernières années, sans auteur identifié. Leur préservation, loin des rayons UV ou de l’humidité susceptibles de les dégrader, est un « enjeu essentiel », explique le lieutenant-colonel Frédéric Brard, chef du service central de préservation des prélèvements biologiques, l’un des services auquel la division peut faire appel.

Progrès scientifiques

Le but de cette minutieuse conservation : « Se laisser une chance de pouvoir résoudre les ‘cold cases’ de demain en ayant la possibilité d’analyser ces traces », à la lumière de futurs progrès scientifiques ou de nouvelles techniques d’enquête, ajoute le lieutenant-colonel. Labos d’extraction ADN, de relevé d’empreintes digitales : à la division, les gendarmes sont souvent titulaires d’un master de biochimie ou de génétique et enfilent charlotte et blouse blanche sur leur uniforme bleu.LA RÉDACTION VOUS CONSEILLE

Officiellement lancée à l’automne 2020 pour tenter d’améliorer la gestion critiquée des « cold cases » en France, la section rassemble un « noyau » de 15 à 17 enquêteurs, psychocriminologues ou analystes, auxquels peuvent s’ajouter des experts en balistique, automobile, etc, en fonction des dossiers. Comme l’Office central de répression des violences contre la personne (OCRVP) côté police, elle a pour mission de conduire de nouvelles analyses ou de repérer une piste non-exploitée dans des dossiers de viols, meurtres ou disparitions non-élucidés.

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 © Crédit photo : MARTIN BUREAU AFP

« 10 000 pages de procédure »

La section travaille sur six dossiers « à temps complet » et « veille » sur 80 autres, dans lesquels elle peut être amenée à réaliser des actes d’enquête afin de repousser la prescription des faits, explique le lieutenant-colonel André Brothier. C’est lui qui a piloté le projet, hanté par le meurtre du petit Joris Viville, 9 ans à Port-Grimaud en 1989, pour lequel Francis Heaulme a été condamné. Il était alors jeune enquêteur à la brigade de recherches de Toulon.

« Ce qui nous anime, ce sont les victimes », lâche l’officier. « Celles enterrées dans un champ ou dans un endroit que l’on n’a pas encore trouvé ou celles, déjà inhumées, qui attendent la vérité ». Il pense aussi aux familles : elles ont « besoin de savoir qu’elles ne sont pas seules avec leur peine, qu’on est toujours là, qu’on travaille pour leur apporter une réponse ». La division peut également s’appuyer sur une équipe d’analystes capables de brasser, avec le logiciel Anacrim, des milliers de procès-verbaux d’auditions ou de longs tableurs de données bancaires.

Un travail de « fourmi » qui a pour objectif de permettre aux enquêteurs de ne pas passer à côté d’une information « perdue dans la masse » ou de déceler des « incohérences » entre les déclarations et les relevés téléphoniques d’un suspect, explique la cheffe d’escadron Léa Jandot, à la tête du département Sciences de l’analyse criminelle. « Le volume des informations est la principale problématique à laquelle les enquêteurs sont confrontés dans les dossiers ‘cold cases’. On peut être à plus de 10 000 pages de procédure », poursuit l’analyste.

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En attente de « la vérité »

Anacrim a permis de relancer certaines des affaires les plus connues : l’affaire Grégory ou celle du meurtre de Montigny-les-Metz, finalement attribué à Francis Heaulme. Avocats et familles de victimes se disent encore dans l’expectative quant à l’efficacité de cette nouvelle section. Refusant d’évoquer les affaires actuellement travaillées, les enquêteurs de la division ne mentionnent qu’un de leur dossier, aujourd’hui refermé : l’arrestation, en juin 2020, d’un homme, accusé d’avoir tué Chantal de Chillou, en 2001 dans la Drôme.

L’identification du suspect, 19 ans après les faits, a été permise grâce à l’analyse d’un mégot de cigarette et d’un tee-shirt sur lesquels se trouvait de l’ADN qui n’avait pas pu être exploité à l’époque. Parfois, les enquêteurs ont pour seules pistes… quelques ossements. « Les corps qui nous arrivent sont parfois découverts par des promeneurs partis à la cueillette aux champignons ou lors de travaux », raconte Franck Nolot, anthropologue au département de médecine légale.

Dans la morgue carrelée de blanc, il voit passer chaque année une centaine d’ossements potentiellement liés à des dossiers « cold cases ». Avec son collègue odontologue, ils examinent os, soins dentaires ou prothèses, pour essayer d’établir les causes de la mort, l’âge, voire le milieu social de la victime. Un profil sera ensuite transmis aux enquêteurs qui devront chercher à lier l’inconnu avec une victime « qui attend la vérité ». 

Source : www.sudouest.fr

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