REPORTAGE. Attentats, Covid… la gendarmerie déploie ses réservistes
Etoffer les effectifs des forces de sécurité intérieures contre le terrorisme, contrôler les attestations de circulation, être visible sur le terrain… La gendarmerie mobilise ses réservistes opérationnels. Une force loin d’être négligeable. Reportage dans les transports en commun rennais avec une patrouille de réservistes du groupement d’Ille-et-Vilaine.
« Bonjour madame, avez-vous votre attestation de déplacement ? » La passagère de la ligne de bus 59, entre Rennes et Bruz, tend son document, tout est bien rempli. « Très bien, bonne journée », répond la « contrôleuse » qui, outre une grosse tablette numérique, porte aussi au ceinturon une paire de menottes, une matraque télescopique et un pistolet semi-automatique 9 mm.
Des réservistes aux profils variés
Car elle n’est pas salariée de la société Keolis, qui gère le réseau et assure le contrôle des titres de transports dans les bus et le métro rennais, mais réserviste de la gendarmerie nationale.
« Je suis réserviste de la gendarmerie depuis deux ans. J’y ai consacré 30 jours en 2019 et une vingtaine cette année, pour le moment », explique la gendarme Vanessa, engagée, vendredi matin, avec plusieurs de ses collègues sur cette mission aux côtés des contrôleurs de Keolis. Ce n’est pas la première du genre, et ce ne sera pas la dernière.
Parmi eux, le gendarme Uon, 31 ans, réserviste depuis 2007 et commercial salarié du groupe automobile PSA ; ou encore Jade, 23 ans, diplômée d’un BTS en informatique. « Mais je viens de réussir le concours de l’école de sous-officiers de Montluçon ! se réjouit la jeune femme. Personne n’est militaire dans ma famille. Mais j’ai toujours voulu faire ça depuis que je suis petite. »
Pas forcément verbaliser
Ce matin, les réservistes s’assurent que les passagers des bus portent bien le masque et sont bien en détention d’une autorisation de déplacement. Deux ressortissants roumains sont montés. Ils ont leur carte d’identité, un ticket oblitéré, mais pas d’attestation. Ils ne parlent presque pas français, alors pas facile de se faire comprendre.
« Je ne les verbalise pas là parce qu’ils avaient leurs papiers, mais je leur rappelle l’obligation de l’attestation », explique le capitaine Philippe Jaquier, 59 ans.
Malgré 37 années de gendarmerie au compteur, il a choisi de rempiler au service de l’institution, et pilote désormais l’instruction et la formation continue des réservistes du groupement de gendarmerie d’Ille-et-Vilaine. « Ce sont des gens passionnés, qui ont le bleu, le blanc et le rouge dans le cœur. Alors il ne faut pas les décevoir », souligne-t-il.
« On sait pourquoi on est là »
« On ne fait pas ça pour l’argent, mais parce que l’on croit en certaines valeurs, poursuit le gendarme Basamnang, que son employeur PSA a accepté de détacher depuis le week-end de la Toussaint, aux lendemains de l’attentat dans la basilique Notre-Dame de Nice. J’ai été mobilisé dès le dimanche 1er novembre pour une semaine. Avec le renforcement du plan Vigipirate, il faut faire plus attention. Nous savons pourquoi on est là. Avec des collègues, nous avons surveillé des églises et des écoles. Les gens nous disaient merci ».
Occuper le terrain
Six gendarmes et quatre contrôleurs dans un bus, ça fait son effet. « Vous déplacez les gendarmes maintenant ? Ça craint tant que ça le secteur ? » demande un passager un peu inquiet.
Être visible et occuper le terrain, c’est aussi l’effet recherché du déploiement des réservistes, parfois en renfort des effectifs de police comme ça a été le cas à Rennes dès le week-end de la Toussaint pour sécuriser les lieux de cultes, les cimetières.
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« Les réservistes sont une véritable richesse, une ressource de la gendarmerie enviée par l’ensemble des administrations de l’État, insiste le colonel Sébastien Jaudon, commandant le groupement de gendarmerie d’Ille-et-Vilaine qui recense 907 gendarmes d’active et 422 réservistes. C’est presque un groupement de réserve en soi, l’équivalent des effectifs d’active dans d’autres départements ! »
Une richesse que l’on n’envoie pas sur le terrain en un claquement de doigt. « Pour des grosses opérations comme le Tour de France ou le 75e anniversaire du Débarquement en Normandie, nous avons les dates et les éléments suffisamment à l’avance pour prévoir les effectifs en nombre. Mais en temps normal, nous gérons les effectifs en flux continu, au jour le jour, avec une visibilité maximum à 48 heures. Et il faut qu’ils viennent retirer leur équipement, notamment l’armement, à la caserne, souligne le colonel Jaudon.
Nous ne pouvons pas mobiliser nos 422 réservistes le même jour. Habituellement, nous avons sur le terrain une petite vingtaine de réservistes chaque jour, en Ille-et-Vilaine. Actuellement, nous sommes entre 50 et 70. Et depuis la Toussaint et toute cette semaine, nous avons pu attribuer douze réservistes pour répondre aux besoins de la direction départementale de la sécurité publique ».