Loire-Atlantique : le travail colossal des gendarmes pour retrouver l’auteur d’un accident mortel de la circulation
Auteur : la capitaine Marine Rabasté – publié le 18 octobre 2020
Alors qu’il avait réussi à échapper aux gendarmes depuis le 1er janvier 2020, l’auteur d’un accident mortel de la circulation s’est fait rattraper par la justice et a été interpellé le 6 octobre dernier. Son identification est le fruit d’un travail colossal réalisé par les militaires du peloton motorisé de Nozay et de la brigade de recherches d’Ancenis-Saint-Géréon.
1er janvier 2020, 7 h 40. Alors que les fêtards de la Saint-Sylvestre commencent leur nuit, deux individus circulent en scooter sur la route d’Héric. Malheureusement, ils n’arriveront pas à bon port sains et saufs car, sur ce même axe roule également celui qui les percutera et prendra la fuite, sans même appeler les secours. Le conducteur du scooter décédera dix jours après l’accident. Le passager, quant à lui, restera blessé à vie.
C’est sur ce tragique accident que commence l’année des gendarmes du Peloton motorisé (P.Mo.) de Nozay. À leur arrivée sur les lieux, l’auteur est déjà loin. Pas de témoin. Le scooter semble, a priori, seul en cause. Mais les débris de calandre trouvés sur la route laissent les enquêteurs dubitatifs. Et s’il s’agissait d’un délit de fuite ? À compter de cet instant, les enquêteurs vont effectuer un travail considérable pour remonter la trace du fuyard.
Mise en place immédiate d’un dispositif de recherches
Le chef d’escadron Gilles Foliard, commandant de l’Escadron départemental de sécurité routière (EDSR) de la Loire-Atlantique et officier de permanence ce soir-là, se souviendra longtemps du premier appel de l’année 2020. À l’annonce d’un accident de la route avec délit de fuite, il met immédiatement en place un plan de recherches. L’ensemble des unités sur roue du département est alerté. Le matin du 1er janvier, par chance, beaucoup de patrouilles sont dehors en raison des dispositifs de contrôle d’alcoolémie. Sans délai, 36 équipages sont mobilisés sur la recherche d’un véhicule accidenté à l’avant, sur la route comme dans les bois, les parkings ou encore les lieux sensibles connus des gendarmes où il aurait pu être abandonné. Les militaires du département limitrophe d’Ille-et-Vilaine sont également avertis.
Dès le lever du jour, des moyens supplémentaires sont engagés. Un hélicoptère de la gendarmerie survole la zone. Sa hauteur de vue lui permet de couvrir un secteur plus large, en un temps réduit. Son action est complétée par la présence d’un drone, en mesure de prendre en compte les lieux où l’hélicoptère ne peut accéder. Enfin, des Techniciens en identification criminelle (TIC) sont dépêchés sur les lieux, afin d’approfondir les actes de police technique et scientifique. Au total, plus d’une soixantaine de militaires sont mobilisés pour retrouver le fuyard. Mais celui-ci demeure introuvable, malgré la poursuite des recherches les jours suivant l’accident. Un appel à témoin est diffusé par voie de presse.
378 véhicules et 250 lignes téléphoniques à vérifier
Une phase judiciaire débute donc. « Sur les lieux, on n’imagine pas tout de suite l’étendue de la tâche qui nous attend. On fait nos constatations, on est focalisé sur l’accident. Ce n’est qu’après qu’on a pris conscience de l’ampleur des investigations qui allaient s’imposer à nous », confie l’adjudant-chef Luc, du P.Mo. de Nozay, primo-intervenant.
L’enquête débute par l’exploitation des débris, seuls éléments dont disposent alors les gendarmes. Pour connaître leur provenance, ils interrogent l’Institut de recherches criminelles de la gendarmerie nationale (IRCGN), à Pontoise. Ce dernier détermine qu’ils proviennent d’un véhicule Seat, Ibiza ou Cordoba. Au sein du département de Loire-Atlantique, 378 véhicules sont susceptibles de correspondre à celui recherché. Un travail titanesque débute pour les enquêteurs. Un à un, les véhicules sont vérifiés par les gendarmes des unités territorialement compétentes du groupement de gendarmerie de Loire-Atlantique, qui se déplacent sur les lieux pour constater leur état.
Parallèlement, les enquêteurs du P.Mo. de Nozay et de la Brigade de recherches (B.R.) d’Ancenis-Saint-Géréon vont se pencher sur les déclenchements de relais téléphoniques à proximité du lieu de l’accident. Ils étudient près de 250 lignes téléphoniques qui, le 1er janvier à 7 h 40, ont borné à côté du lieu de l’accident. Un individu sort du lot. Mais ce seul élément ne suffit pas à affirmer qu’il est l’auteur présumé de l’accident mortel. Grâce aux investigations menées sur les véhicules, il apparaît néanmoins qu’au moment des faits, cet individu était en possession d’un véhicule du même modèle que celui impliqué. Tout converge donc vers lui. À compter de ce jour, une commission rogatoire est délivrée par le juge d’instruction pour homicide involontaire aggravé par délit de fuite et défaut d’assurance.
Une preuve improbable !
En approfondissant leurs investigations, les enquêteurs découvrent que l’immatriculation a fait l’objet d’une consultation des fichiers par le commissariat de police de Nantes, début janvier, à la suite du signalement d’un individu ayant constaté la présence du véhicule accidenté sur un parking. Il s’agit du véhicule impliqué, mais à ce moment-là, les services de police et de gendarmerie ne le savent pas. L’enquête auprès du commissariat ayant permis d’identifier l’appelant, les enquêteurs du P.Mo. et de la B.R. obtiennent une photo prise par ce témoin. Cela leur permet de confirmer formellement l’implication de leur suspect dans l’accident.
Des interpellations simultanées
L’auteur présumé étant identifié, son interpellation est prévue le 6 octobre. À celle-ci s’ajoutent également cinq autres placements en garde à vue et quatre auditions libres. En effet, après exploitation de la ligne téléphonique de l’intéressé, les enquêteurs, en lien avec le juge d’instruction, décident de procéder à l’interpellation de l’ensemble des personnes avec qui l’individu a échangé lors de la journée du 1er janvier et chez qui il était susceptible de se rendre. « Nous avons programmé toutes les interpellations en simultanée, car il ne fallait pas que les individus puissent se concerter et se mettre d’accord sur une version de l’histoire qui ne serait pas la vérité », explique l’adjudant Florian, de la B.R. d’Ancenis-Saint-Géréon.
Un important dispositif mobilisant plus d’une soixantaine de militaires est alors mis en place. Sont engagés les Pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) de Nantes, d’Ancenis-Saint-Géréon, de Châteaubriant et de Redon, ainsi qu’une trentaine d’enquêteurs et de Correspondants nouvelles technologies (CNTECH). À 6 heures, les placements en garde à vue sont prononcés.
Après plusieurs heures, le mis en cause principal reconnaît les faits. Il admet avoir fui sans prévenir les secours, car son véhicule n’était pas assuré. Il reconnaît également avoir fumé une dizaine de joints de cannabis lors du réveillon. Après 48 heures de garde à vue, il est présenté au juge d’instruction, qui prononce sa mise en examen. Il est alors immédiatement incarcéré.
Un engagement collectif fort
Le 1er janvier 2020, rien ne laissait présager un tel dénouement. Durant neuf mois, les militaires ont effectué un travail de fourmi, afin de confondre l’auteur de l’accident mortel. Chaque unité du groupement de gendarmerie de Loire-Atlantique, et même certaines d’Ille-et-Vilaine, ont été mises, à un moment ou à un autre, à contribution. Si l’implication a été totale, des militaires de terrain au commandant de la région Pays-de-la-Loire, les magistrats ont également souligné la qualité de la procédure.
« Le fait que l’on mette la main sur l’auteur est le fruit d’un travail partagé. Tout le monde a apporté sa pierre à l’édifice, par ses compétences, ses connaissances, sa disponibilité… Ces neuf mois d’enquête ont été une belle expérience en matière de travail de groupe, de partage de technicités, mais surtout de confiance, d’abord entre les militaires eux-mêmes, mais également entre les enquêteurs et le commandement », livre l’adjudant-chef Luc, dont le sentiment est également partagé par l’adjudant Florian.
Cet engagement collectif a d’ailleurs été félicité par le commandant de l’EDSR, qui a souligné le travail de longue haleine mené par les enquêteurs du P.Mo. de Nozay et de la B.R. d’Ancenis-Saint-Géréon, mais également l’investissement de l’ensemble des militaires du groupement qui, en assurant les missions quotidiennes, ont permis à ces derniers de se concentrer sur cette enquête complexe. À ce jour, cette dernière n’est pas clôturée, mais les enquêteurs éprouvent déjà un soulagement d’avoir pu mettre la main sur l’auteur et ainsi apporter une réponse aux familles des victimes.