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Le - L.Gékière condamné à trente ans de réclusion

L.Gékière condamné à trente ans de réclusion

Justice, Ariège Publié le 26/06/2020 à 05:09 , mis à jour à 07:34

L’ambiance est oppressante, et la chaleur n’y est pour rien. Au terme de plus de cinq heures de délibéré, les jurés de la cour d’assises de la Haute-Garonne vont rendre leur décision. Elle tombe enfin. La cour a décidé de revenir sur la perpétuité prononcée en première instance, à Foix, en mai 2019. Elle réduit également la période de sûreté à dix-huit ans, contre vingt lors du premier procès. Les jurés, cette fois, n’ont pas suivi les réquisitions de l’avocat général, Laurent Dumaine, qui avait demandé les mêmes sanctions qu’en première instance. Dans son box, Loïc Gékière demeure impassible. Aurélie Rusig, la fille du major Christian Rusig, retient ses larmes, comme Yolande, sa maman. Les proches et les collègues du major Christian Rusig les entourent. Tous ont revêtu, pour l’énoncé du verdict, la chemise blanche de cérémonie.

« Enfin tourner la page »

À la sortie de la cour d’assises, Aurélie Rusig, qui a souvent fait face aux journalistes, au nom des siens, ne trouve pas ses mots, cette fois. Trop d’attente, trop d’émotion, trop de tension nerveuse. « Je suis épuisée. Soulagée… Soulagée qu’il ne sorte pas. On a enfin ce qu’on voulait. La justice a fait ce qu’il fallait », note la jeune femme. Pour le général Jacques Plays, qui commande la région Occitanie, venu soutenir ses hommes, le plus important est « que le caractère volontaire de l’acte ait été reconnu. Cela a été fait, de la manière la plus claire possible. C’est ce que souhaitait avant tout la famille du major Rusig. Nous attendions un signal fort. Et que la justice passe. La justice est passée, nous en sommes satisfaits », explique-t-il.

Quatre jours d’audience usants

Ce verdict a mis un point final à un épuisant marathon judiciaire, et à quatre jours d’audience usants, au cours desquels Loïc Gékière aura joué avec les nerfs de la cour d’assises. Arrogant et explosif, parfois aux limites du supportable, l’homme aura mis ses propres défenseurs à rude épreuve. « Ce n’est pas quelqu’un d’agréable, a d’ailleurs reconnu Me Pierre Le Bonjour, dans sa plaidoirie. Sûrement pas quelqu’un qu’on aimerait avoir comme voisin. Mais une intime conviction, ce n’est pas l’envie de mettre un homme à l’écart […] Juger, ce n’est pas condamner ».

« Jamais je n’ai vu le gendarme »

Jusqu’au bout, Loïc Gékière s’en sera tenu à une unique version : « Jamais je n’ai vu le gendarme », a-t-il répété.

Mais pour Laurent Dumaine, avocat général, Loïc Gékière a menti. « Il est objectivement impossible que Loïc Gékière n’ait pas vu le major Rusig, dans cet étroit couloir », entre l’arbre et la voiture des gendarmes, martèle le magistrat. En raison de la taille imposante du major de gendarmerie. De sa tenue d’intervention dotée de bandes réfléchissantes.

La haine de l’uniforme

Et, puis il y a cette haine, qui s’exprime à chaque fois que Loïc Gékière croise un uniforme. Les menaces proférées, notamment, contre un policier de Foix, quelques semaines avant de drame : « Si je te revois sur la route, je vais te crever ». Laurent Dumaine note encore l’absence d’état d’âme de Loïc Gékière, juste après les faits. Et enfin, il y a ce qui sonne, à ses oreilles, comme un véritable aveu. Une phrase, qui selon lui, signe le crime : « Je vous l’avais bien dit, la dernière fois, que ça ne se passerait pas comme ça. Ce soir, c’était lui ou moi », a dit Loïc Gékière, juste après son interpellation, à un officier de gendarmerie. L’homme était interdit de séjour en Ariège. Il savait qu’il retournerait en prison.

« Lui tendre un miroir »

« Voilà trois jours que nous passons avec lui, et malgré toutes nos précautions, son attitude n’a pas été acceptable, alors qu’il est dans une cour d’assises, entouré par deux policiers, quand son avenir est en jeu : alors, imaginez-le dehors », prévient Laurent Dumaine

Il admet bien volontiers que Loïc Gékière a vécu une enfance difficile, battu par un père alcoolique et violent. Une enfance massacrée, sans aucun doute, mais « force est de reconnaître qu’il a suivi ses traces », assène le magistrat. Et qu’il a eu plusieurs fois l’occasion de changer de voie, devenant « l’artisan de son propre malheur ». À Loïc Gékière, « j’ai envie de tendre un miroir », conclut le magistrat.

« Je vous fais part de mes doutes »

À tour de rôle, MMe Apolinaire Legros-Gimbert et Pierre Le Bonjour ont tenté de donner corps à la version à laquelle Loïc Gékière s’est accroché durant tout ce procès. « Je vous fais part de mes doutes en ce qui concerne l’intention de tuer, dira notamment Me Legros-Gimbert. La compagne de Loïc Gékière affirme qu’elle n’a pas vu le gendarme, elle non plus. Ebloui par la lumière des gyrophares, il suffit d’une seconde d’inattention, et vous ne le voyez pas ».

« Je sens de la sincérité dans ses propos », assure de son côté Me Pierre Le Bonjour : « S’il avait voulu faire du mal aux gendarmes, il ne serait pas passé par la gauche ou par la droite, il aurait foncé sur leur voiture ». Les deux avocats ont également insisté sur l’enfance « massacrée du jeune homme », élevé à coups de pied par un père alcoolique et violent, placé très jeune en foyer et en famille d’accueil. Et de conclure : « Il est né dans l’injustice. Il a grandi dans l’injustice. Et on lui reproche, aujourd’hui, d’être incapable de faire la part des choses ».

L.G.

Source : www.ladepeche.fr

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