KDOG a dû prendre la décision de suspendre son étude clinique pendant la période de COVID-19
Vous vous en souvenez sans doute, nous avions publié un premier article sur le projet KDOG : une recherche translationnelle menée à l’Institut Curie avec pour objectif de mettre au point une détection précoce du cancer du sein par odorologie canine. Cette méthode a l’avantage d’être simple, peu coûteuse et non invasive.
La méthode ? Il suffit à une femme de porter une compresse contre son sein pendant toute une nuit après s’être lavée avec un savon neutre. La nuit, la compresse se charge de sueur. L’échantillon est ensuite envoyé à un centre cynophile pour être senti par des chiens spécialement entraînés.
En 2017, KDOG a validé une preuve de concept sur un nombre réduit d’échantillons. Deux chiens ont réalisé l’exercice avec plus de 90% de réussite ! Forte de ces premiers résultats, l’équipe travaille maintenant à l’évaluation clinique de cette méthode, et a également initié sur d’autres études ancillaires.
Alors que l’activité reprend peu à peu à la suite du déconfinement, nous vous proposons dans cet article un tour d’horizon des recherches menées par l’équipe KDOG à l’Institut Curie et de la façon dont elles ont avancé pendant cette période.
KDOG a dû prendre la décision de suspendre son étude clinique pendant la période de COVID-19
Une décision motivée par plusieurs raisons :
- Le virus peut rester sur des surfaces. Il ne fallait pas prendre le risque de contaminer le site, et encore moins de contaminer le cynophiles ou les chiens.
- L’équipe KDOG étant notamment constituée de soignants (infirmiers, médecins), leur priorité a été de prendre soins des patients pendant cette pandémie.
- Il n’y a pas d’étude (à ce jour) sur la façon dont se comporterait le Covid 19 sur le pelage du chien, et dans ce contexte, il était préférable de respecter les appels à vigilance de la communauté scientifique internationale. Pour rappel : les soignants sont dans l’obligation de se protéger les cheveux à cause du risque de contamination (cf les deux articles suivants publiés récemment) :
- Infection of dogs with SARS-CoV-2, by Thomas H. C. Sit et al, May 2020, Nature
- Consensus of Chinese experts on protection of skin and mucous membrane barrier for health-care workers fighting against coronavirus disease 2019, by Yicen Yan et al, March 2020, Dermatologic Therapy
L’étude clinique reprend : le confinement étant terminé, l’équipe a décidé de reprendre l’étude clinique tout en respectant les mesures de protection qui s’imposent, et en faisant participer jusqu’à nouvel ordre uniquement les personnes situées en zone verte. « Nous nous réjouissons que les volontaires soient nombreux à se proposer en cette fin de confinement. Ceci est également rendu possible car pendant toute cette période notre équipe cynophile a pu continuer les entraînements quotidiens des chiens, un travail qui fait que le projet peut reprendre rapidement. »
Deux chiens opérationnels : l’étude clinique sera conduite avec deux chiens opérationnels, à savoir Nougaro, un beau labrador noir, et Owen, un jeune et dynamique malinois. Par ailleurs, KDOG a récemment accueilli Palmyre, un jeune labrador issu de la SPA, actuellement en période de test.
L’équipe avance avec confiance même si bien évidemment rien n’est jamais joué d’avance, d’où l’étude clinique actuellement en cours. Financée notamment par la DGOS (PHRC-K obtenu), celle-ci devra surmonter les difficultés suivantes :
- Répondre aux enjeux de répétabilité des performances de la preuve de concept, cette fois-ci sur une grande cohorte de patients ;
- améliorer la constance des chiens. Il a en effet été observé que les performances des chiens pouvaient varier selon les périodes, une difficulté à laquelle les chercheurs travaillent activement car il ne serait pas responsable de prendre le risque de faux positifs ou faux négatifs.
Répondre à un enjeu de santé mondial : face à ce défi, l’équipe se doit de proposer un diagnostic avec le moins de biais possible, qui aboutiraient à de mauvaises interprétations. Pour se faire, les tests sont réalisés en aveugle (les conducteurs des chiens ne savent pas si les échantillons sont positifs ou négatifs) et l’ensemble du travail est filmé.
L’équipe travaille par ailleurs à la soumission d’un tout nouveau protocole aux autorités (demandes d’autorisations liées à la recherche médicale impliquant la personne humaine en cours, demande CPP) : KDOG tumeurs.
Cette étude aura pour but de répondre à la question de la difficulté de détection des échantillons positifs selon le niveau de seuil (ex : est-ce que le chien aurait davantage de difficultés à détecter des tumeurs enfouies), un phénomène observé et qui a été soulevé par d’autres études internationales. La difficulté est liée aux variabilités physiques interhumaines, un défi supplémentaire pour les chiens.
L’équipe continue également l’étude KDOG2, qui a pour objectif d’identifier la signature chimique du cancer du sein grâce à des techniques de chimie analytique, un travail de recherche réalisé en partenariat avec l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN).
Plusieurs équipes de recherche travaillent sur ce sujet dans le monde, avec parmi leurs objectifs le développement de nez bioélectroniques pour détecter des maladies. Contrairement aux drogues et explosifs, la signature chimique des maladies est beaucoup plus complexe à identifier du fait de la variabilité selon l’odeur individuelle des individus, des tissus, ou encore de l’état d’avancement de la maladie (ex : les COVs peuvent se modifier). L’équipe KDOG a profité de cette période de confinement pour développer des algorithmes d’analyse des données avec l’aide de data scientists.
Des premières pistes d’identification de la signature chimique du cancer du sein
permettraient également d’apporter des éléments de réflexion sur le diagnostic effectué par les chiens. Tout se complète !
Après des résultats encourageants suite à une première série de prélèvements d’odeurs chez des patientes atteintes de cancer du sein, des autorisations sont demandées (soumission CPP) pour prélever à nouveau des patientes et ainsi enrichir le jeu de données à analyser.
Les résultats de ces différentes études devraient permettre de répondre à de nombreuses questions sur les possibles diagnostiques par les odeurs. Pour rappel, 150.000 décès sont imputable au cancer, chaque année, en France.
Cette actualité a été publiée le 29/05/2020 par Pierre BAUËR & Isabelle FROMANTIN