Achats de première nécessité : les forces de l’ordre ont-elles le droit de contrôler nos courses ?
Les gendarmes n’ont pas reçu de consignes concernant les paniers de courses. En revanche, ils doivent faire appliquer les mesures de confinement «avec discernement» et détecter les personnes qui «utilisent des biais» pour sortir.
Question posée le 25/03/2020
Bonjour,
Vous nous saisissez suite à la diffusion sur les réseaux sociaux de témoignages indiquant que des forces de l’ordre procèdent à des contrôlent de sacs de courses dans le cadre du confinement. Le but ? Vérifier que les achats correspondent à un besoin de première nécessité. Des anecdotes qui en rappellent une autre, filmée par les caméras de France 3 et diffusée pendant le week-end du 21 mars dans l’édition Grand Est et nationale.
Une séquence de ce reportage est devenue virale : devant un supermarché de Neufchâteau dans les Vosges, on voit un gendarme s’adresser à une dame sortant du magasin avec plusieurs bouteilles de soda dans son chariot. Les forces de l’ordre préviennent : «A compter de la semaine prochaine, si vous continuez à avoir des attitudes pareilles, vous serez verbalisée à hauteur de 135 euros à chaque sortie.» La cliente lui répond : «Je suis d’accord avec vous mais je n’ai pas une mauvaise attitude.» Et le gendarme d’enchaîner : «Madame, regardez ce que vous achetez, vous prévoyez une gastro ou quoi ? Bah alors ? Allez me chercher votre attestation dans le véhicule s’il vous plaît.»
Les nouvelles législations en vigueur dans le cadre du confinement prévoient-elles que les forces de l’ordre vérifient les courses des particuliers ? En l’occurrence, le décret autorise les déplacements pour effectuer «des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle et des achats de première nécessité dans des établissements dont les activités demeurent autorisées». Sans pour autant préciser ce que sont les produits de première nécessité.
Le ministère de l’Intérieur assure à CheckNews qu’il n’y a pas de liste précise concernant les produits de première nécessité : «Dans la mesure où il n’existe pas de définition ou de liste de produits de première nécessité et que le décret du 23 mars 2020 ne définit qu’une liste de commerces pouvant vendre des produits de première nécessité, il peut être considéré que si l’article a été acheté dans un magasin dont l’ouverture est prévue par le cadre réglementaire, il est de première nécessité.»
De son côté, la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), indique également qu’aucune consigne n’a été donnée aux gendarmes concernant la vérification des paniers de courses, cabas et autres chariots : «Il n’y a pas de liste établie de produits qui relèveraient, ou non, de première nécessité. Mais ce qu’on demande aux gendarmes, c’est l’application ferme des mesures de confinement, avec discernement. C’est quelque chose qu’on a répété à tous les échelons. Lors des opérations de contrôles, les gendarmes connaissent bien le territoire et sa population. Ils s’attachent à repérer les gens qui utilisent des biais pour sortir plusieurs fois par jour, tous les jours, pour faire des petits achats et se promener. Si la personne contrôlée est de bonne foi ou qu’ils ne l’ont pas repérée avant, alors ils font de la pédagogie et expliquent qu’il faut regrouper les achats, faire des pleins de courses et sortir le moins possible.»
Jeu à gratter
Une explication qui coïncide avec les éléments de contexte apportés par Aurélie Renard, journaliste pour France 3, sur le terrain lors du tournage du reportage dans les Vosges : «Le reportage portait sur la pédagogie des gendarmes pour faire respecter les consignes. Sur les parkings des supermarchés, ils répètent toute la journée qu’il ne faut pas sortir trois fois par jour pour aller acheter une baguette… Dans la séquence avec la dame qui achète du Coca-Cola, c’est vrai que le gendarme paraît exaspéré mais son intention n’était pas d’être humiliant ou de s’humilier lui-même.»
Le reportage (qui est visible en entier sur le site de la chaîne) insiste en effet sur les efforts de sensibilisation et de pédagogie des gendarmes dans ce secteur. Et montre plusieurs personnes qui ne semblent pas avoir cerné les règles d’un confinement strict. Ainsi, une dame filmée dès le début du reportage semble être sortie pour acheter uniquement un jeu à gratter, sans effectuer aucune autre course d’ordre alimentaire. Sur son attestation, la case achat de première nécessité de son attestation est cochée. Sans la verbaliser, le gendarme lui précise : «C’est la première et dernière fois, s’il vous plaît.»