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Cancer : les chiens renifleurs de tumeurs au cœur d’un essai clinique

L’Institut Curie démarre le tout premier essai clinique scientifique de détection par la sueur du cancer du sein. Et 450 femmes, dont la moitié en bonne santé, seront appelées à y participer selon nos informations.

Par Florence Méréo, envoyée spéciale à Champvoisy (Marne)Le 21 février 2020 à 06h10, modifié le 21 février 2020 à 12h42

Langue rose tirée, oreilles pointées, pattes caramel prêtes à bondir… « Allez, cherche ». Il n’en faudra pas plus à Nykios pour aller enfoncer son museau charbonneux dans quatre étranges cônes en inox, alignés dans un préfabriqué sans prétention. Devant le troisième, le berger belge marque un temps d’arrêt puis s’assied. Derrière lui, Cécile Mansuy affiche un grand sourire en le félicitant par une ration de croquettes. Mais l’éducatrice de 31 ans n’est pas surprise pour autant. Car son Malinois, c’est une star! Grâce à son flair hors pair, ce chien capable de détecter le cancer du sein en en reniflant son odeur sur une lingette. Vertigineux, oui.

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Son entraînement − quotidien −, cette forte tête l’effectue à deux pas des vignobles de Champagne, dans un bucolique centre cynophile de Champvoisy (Marne). Là, il travaille patte dans la patte avec des experts, tout comme le labrador Nougaro, l’autre cador du groupe, et les trois petits nouveaux en formation : Odin, Oups et Owen.

« Aucun contact avec la patiente »

Si l’armée canine se renforce, c’est qu’après quatre ans d’exercice de ses soldats, il ne fait plus de doute qu’ils savent flairer les tumeurs (+ de 90 % de réussite). « Maintenant, il faut passer de la preuve de concept à la méthode. Le chien est capable, mais l’est-il de manière constante et répétée? C’est ce que nous devons démontrer scientifiquement », résume Pierre Bauër, ingénieur et chef du projet KDog mené par l’Institut Curie, une référence mondiale dans la lutte contre la maladie. Alors, nous l’annonçons, le centre parisien débute le tout premier essai clinique de détection par la sueur du cancer du sein. En deux ans, 450 femmes, dont la moitié ne sont pas malades, seront appelées à y participer. Deux viennent juste d’être incluses.

« Il n’y a aucun contact entre la patiente et le chien », anticipe Pierre Bauër, rompu à cette question. Les cabots travaillent uniquement à partir de compresses qu’une femme a gardées toute la nuit contre ses seins, les chargeant ainsi de sa sueur. Le tout est mis dans des bocaux, amenés à Champvoisy. Là, ils passent sous la truffe aguerrie de Nykios et de ses camarades. Leur odorat est un million de fois plus performant que le nôtre. « Mais s’ils vous croisaient dans la rue, ils n’iraient pas vous renifler, poursuit l’ingénieur. Le chien apprend à agir dans un cadre précis, avec toujours pour objectif de recevoir une récompense, une friandise ou un jeu. »

VIDÉO. Avec les chiens renifleurs de cancers

Ce lundi matin, Didier Valentin, l’amoureux des animaux avec lesquels il a travaillé 32 ans dans l’armée, a décidé de corser l’exercice de Nougaro. Dans les cônes, il ne place que des lingettes négatives au cancer. Le canidé n’a rien à débusquer, ce qui rend la chose très difficile pour lui, en quête d’un graal nommé baballe.

Energique, joueur mais aussi têtu, le labrador au pelage noir va répondre par un beau pied de nez. Il comprend que l’odeur est totalement absente et va s’asseoir sur un tapis pour signifier « aucune tumeur ici ». « Voilà, ça c’est bien, très très bien », le flatte, pas peu fier, son éducateur de 59 ans. La scène, bluffante, est prometteuse car elle montre que l’animal est apte à faire face à différentes situations.

« Il ne s’agit pas de remplacer les mammographies »

Et pourtant, le pari était loin d’être gagné quand Isabelle Fromantin a décidé de le relever. C’est cette infirmière baroudeuse, spécialiste des plaies tumorales, qui a eu l’intuition − le flair, faudrait-il dire − que les composés volatiles odorants pouvaient faire figure d’outil de diagnostic.Newsletter – L’essentiel de l’actuChaque matin, l’actualité vue par Le ParisienJe M’inscrisVotre adresse mail est collectée par Le Parisien pour vous permettre de recevoir nos actualités et offres commerciales. En savoir plus

« Il ne s’agit pas de remplacer les mammographies », prévient-elle. Mais d’une sorte de prétest pouvant bénéficier à de nombreuses femmes, les réticentes à la mammo, mais également celles qui y accèdent avec difficulté parce que handicapées ou isolées géographiquement. « Au départ, on me retoquait avec mes histoires de chiens. On les envoyait détecter les bagages, les aéroports, les alertes à la bombe, les avalanches mais le cancer du sein, au niveau scientifique, ça paraissait farfelu! », se rappelle-t-elle. Finalement, le projet est lancé, sans blague, le 1er avril 2016 grâce au financement de Curie et un appel aux dons.

« Avec l’essai clinique, on franchit un cap supérieur, est-elle consciente. On ne peut prédire le résultat, un chien n’est pas un outil. » Elle en veut pour preuve un récent changement de taille de compresses qui a perturbé les canidés. D’autres modèles ont été commandés, en Chine, mais l’usine est à l’arrêt à cause du… coronavirus!

Les lingettes qui servent aux tests. Une pastille rouge indique les échantillons de patientes atteintes par un cancer. LP/Arnaud Dumontier
Les lingettes qui servent aux tests. Une pastille rouge indique les échantillons de patientes atteintes par un cancer. LP/Arnaud Dumontier  

Mais au fait, que sentent-ils Oups, Nougaro et les autres ? Quelle odeur a le cancer ? « C’est toute la question, et elle est passionnante. On sait qu’il en a une, les chiens la repèrent, mais nous, nous ne savons pas laquelle », concède Pierre Bauër. Ce jeudi 20 février, de nouveaux prélèvements sont partis depuis Curie jusqu’à l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) qui planche sur la question. Définir l’odeur, c’est le pan 2 de KDOG.

A Tenon, un projet identique avec la prostate

Si l’essai du sein se révèle concluant, les chiens pourraient s’intéresser au cancer de l’ovaire. Partout dans le monde, les tests se multiplient : poumons, col de l’utérus… Les femmes ne sont pas les seules concernées. En France, le professeur Olivier Cussenot, urologue à l’hôpital Tenon, à Paris, étudie le sujet depuis dix ans avec des chiens éduqués à repérer les cancers de la prostate à partir d’urine. Looping, sa star, a même été sacré « chien-héros ». Comme Nykios, il a reçu sa médaille dans les salons de l’Hôtel de Ville de Paris! « En parallèle, on regarde le développement du nez artificiel. La prochaine étape, explique le médecin, sera de comparer les résultats entre l’animal et la technologie. » Des études débuteront en septembre. Mais pour l’instant, nul n’a réussi à faire mieux que le meilleur ami de l’homme.

Pour s’entraîner, les chiens ont besoin de beaucoup d’échantillons, y compris « sains ». Pour participer, il faut être majeure, sans antécédent de cancer et avec une mammographie négative de moins de six mois. Vous pouvez demander un kit avec des compresses à kit@kdog.frLes rats se chargent de la tuberculose

Ils sont géants et peu ragoûtants. Et pourtant, les rats de Gambie, de leur vrai nom cricétome des savanes, sont de véritables alliés dans la lutte contre la tuberculose, une maladie infectieuse parmi les plus mortelles dans le monde. Depuis 2007, l’ONG belge Apopo dresse pendant neuf mois les rongeurs à dépister l’odeur de la bactérie à l’origine de la pathologie grâce… à des crachats (un travail sur l’urine est en cours). En Tanzanie, au Mozambique et en Ethiopie, Apopo entraîne les rats pour qu’ils disent en quelques minutes si la maladie est là, quand il faut plusieurs jours à un laboratoire pour rendre son verdict.

Source : www.leparisien.fr

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