Les techniques d’immobilisation en débat à l’Assemblée
La mort d’Eric Chouviat, un livreur de 42 ans, lors d’un contrôle policier à Paris au début du mois de janvier, a relancé la polémique autour de certains gestes d’immobilisation dont les conséquences peuvent être létales. Une proposition de loi de François Ruffin (LFI) visant à interdire ces techniques d’immobilisation a été examinée et rejetée ce mercredi en commission.
par Mélanie Volland le mer 04/03/2020 à 16:02, modifié le mer 04/03/2020 à 16:542 min
Le plaquage ventral s’est invité dans les débats parlementaires. Le groupe de La France insoumise a en effet inscrit une proposition de loi sur ce thème dans la cadre de la niche parlementaire qui lui est réservée le 26 mars. L’objectif de ce texte porté par le député LFI de la Somme, François Ruffin : « l’interdiction des techniques d’immobilisation létales : le décubitus ventral et le pliage ventral ».
Si la nécessité de discuter du décubitus ventral (autre nom donné au plaquage ventral) a été reconnue par tous les groupes, son interdiction pure et simple a été retoquée par la commission des lois.
Il ne s’agit pas pour nous de contester qu’on met une personne sur le ventre (…) le problème, c’est qu’en même temps, se pratique le blocage des voies respiratoires François Ruffin, député LFI de la Somme
François Ruffin a estimé qu’il existait « un flou dans la doctrine de la police » au sujet du plaquage ventral. Avec pour conséquence : des « pratiques à la fois hétérodoxes et hétérogènes ». D’après un décompte du parlementaire, en 22 ans, 17 décès ont résultés de l’usage des techniques de décubitus et de pliage ventral. Le député LFI prône donc l’interdiction de cette méthode, en rappelant que le ministre de l’Intérieur lui-même s’est dit prêt à la réflexion sur ce sujet.
S’il est établi qu’une technique, quelle qu’elle soit, et je ne suis pas dans l’affirmative, peut générer la mort d’un homme, évidemment nous étudierons la question de suspendre cette technique Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, après le décès de Cédric Chouviat
Pas d’alternative
D’après François Ruffin, il n’existe pas de plaquage ni de pliage ventral chez la gendarmerie. Preuve que ces techniques pourraient être supprimées de la doctrine policière. Ce à quoi le député LREM et ancien patron du RAID Jean-Michel Fauvergue a rétorqué : « En gendarmerie on ne nomme pas le plaquage ventral ainsi. La technique de mise au sol sur le ventre enseignée chez les gendarmes, au fin de menotage, existe bel et bien ». L’interdiction du plaquage ventral soulève le problème des autres moyens d’interpellation possibles, l’usage du LBD et du taser étant également décrié. Le groupe des Socialistes et apparentés, qui restera « attentif » à cette proposition de loi, s’est d’ailleurs montré perplexe. « Si on on interdit, par quoi on remplace ? », a questionné la députée George Pau-Langevin.
Consensus autour de la formation continue
La formation des policiers à ces techniques a, en revanche, emporté l’adhésion de tous les groupes parlementaires. En commission, le député LFI de la Somme a dénoncé un « manque de formation et de préparation adéquate » des policiers au décubitus ventral. Selon les auditions qu’il a mené, certaines organisations syndicales des forces de l’ordre (UNSA et CGT), partagent ce constat. Le MoDem, par la voix d’Isabelle Florennes, a proposé, plutôt qu’une interdiction, un « budget alloué à la formation continue ». Tandis que Les Républicains ont estimé que cette proposition de loi n’était « pas adaptée ».
La commission des lois a rejeté le texte à article unique de François Ruffin. Il sera débattu dans l’hémicycle le 26 mars.