VIDEO. GendNotes : un fichier de gendarmerie qui fait polémique
Que savent les forces de l’ordre sur nous et surtout quels renseignements ont-ils le droit de conserver ? La question se pose avec la création d’une application mobile baptisée GendNotes. Elle permet aux gendarmes de prendre en note, lors des contrôles, des informations sur l’orientation sexuelle, les opinions politiques ou encore l’origine raciale. Il faut pour cela une nécessité absolue.
Mis à jour le 03/03/2020 | 20:58 publié le 03/03/2020
Les gendarmes disposent depuis quelques jours d’une application mobile, plutôt bien renseignée. Son nom : GendNotes. Un logiciel sur lequel vos opinions politiques, votre religion ou votre orientation sexuelle pourront être indiquées. Des éléments que pourront consulter aussi le maire… ou le préfet. Alors simple bloc-notes 2.0… ou fichage politique ?
GendNotes, c’est une application sur tablette ou smartphone. Les gendarmes pourront y prendre des notes lors des contrôles, y compris des informations, par exemple sur l’engagement politique ou la sexualité. Elles seront conservées de 3 mois à un an. Alors quel est l’intérêt de relever ces données sensibles ? Maddy Scheurer, porte-parole de la Gendarmerie Nationale, prend l’exemple « d’une personne qui serait syndicaliste, qui appellerait la patrouille de gendarmerie parce qu’elle pense, à son domicile, avoir fait l’objet de dégradations, de tags, en raison de son appartenance syndicale. Dans ce cas, le gendarme pourra le reporter dans les notes. C’est un élément de l’enquête ».
Des informations très sensibles
Des informations que les gendarmes recueillaient jusqu’alors sur leur calepin. Le problème, c’est qu’à partir du moment où elles figurent dans un fichier informatique, les règles sont plus strictes. La loi de 1978 sur l’informatique et les libertés, précise que ce type de données personnelles ne peuvent être obtenues qu’en cas de nécessité absolue. C’est le gendarme qui sur le terrain prendra cette décision au cas par cas. Ce qui inquiète Me Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris. A la lecture du décret, les termes d’orientation sexuelle, origine raciale, ou religion l’ont fait bondir : « C’est vraiment un décret que je qualifierais de liberticide, et potentiellement une bombe à retardement par rapport à la conservation et à l’utilisation de données personnelles aussi sensibles que celles-là. »
Qui aura accès aux données ?
Autre problème : une fois dans l’application, les données seront visibles par toute la brigade de gendarmerie, le maire de la commune, et le préfet. Avec des risques de dérapages selon Arthur Messaud, juriste à l’association La Quadrature du Net. Selon lui, « avec l’application mobile, les gendarmes vont être encore plus poussés à écrire des choses, à laisser des détails, parfois dans le feu de l’action avec aucun recul, donc ça augmente le risque d’erreur ou d’interprétation farfelue. »
La CNIL, dont l’avis n’est que consultatif, s’est dite favorable, mais avec des réserves. Elle regrette qu’il ne soit pas fait mention des fichiers interconnectés avec l’application, et s’inquiète aussi de l’absence de protection des données par un chiffrement. Des remarques qui n’ont pas été prises en compte par le gouvernement.
La Ligue des Droits de l’Homme envisage déjà de déposer un recours contre GendNotes. Le ministère, lui, reste droit dans ses bottes. Circulez, y a rien à voir.