Saint-Julien-sur-Sarthe. Son permis suspendu, le conducteur force un contrôle et heurte un gendarme
Parce que son permis était suspendu, un conducteur de 33 ans a forcé le contrôle et heurté un gendarme avant de prendre la fuite. Il a été condamné à six mois de prison ferme.
Publié le 7 Fév 20 à 13:28
Son permis a été suspendu pour six mois le 7 octobre 2019. Ce 11 janvier 2020, l’Ornais de 33 ans est pourtant au volant de la Mégane de sa compagne et fait face, à hauteur de Saint-Julien-sur-Sarthe (près du Mêle-sur-Sarthe), à 19 h, à un contrôle de gendarmerie.
« Le gendarme compressé entre les deux voitures »
« Il faisait nuit mais le lieu de contrôle s’effectuait sur un lieu avec de l’éclairage public », a signalé Eric Martin, le président du tribunal correctionnel d’Alençon devant lequel le trentenaire comparaissait, mercredi 5 février, pour blessures involontaires, refus d’obtempérer, conduite à une vitesse excessive et détention de stupéfiants.
Car, à la vue du contrôle, le conducteur a forcé le passage. Devant lui, sur son couloir de circulation, un gendarme contrôlait une Clio.
La Mégane s’est déportée sur la gauche pour dépasser la Clio au moment où survenait en sens inverse une 307. Et vous avez continué. Le gendarme s’est alors retrouvé compressé entre la Mégane et la Clio et il a été entraîné vers l’avant de la Clio », rapporte le président.
Le conducteur a pris la fuite mais les gendarmes ont pu relever la plaque d’immatriculation. « La vidéo-surveillance l’a également permis », poursuit le président.
« Crise de panique après les faits »
Ils se sont donc rendus à son domicile le lendemain. En vain, le conducteur n’y était pas. « J’ai fait une crise de panique après les faits. Je ne savais plus quoi faire. J’avais presque honte de ce que j’avais fait. J’avais peur d’avoir causé du mal à une victime… ce qui est le cas », reconnaît le prévenu à la barre du tribunal.
«D’habitude, je m’arrête à un contrôle. Et ce soir-là, je n’avais ni bu, ni fumé. Mais sans permis, j’ai paniqué. J’ai touché les voitures et je suis parti. En temps normal, je me serais arrêté ».
Il est d’abord rentré chez lui mais en est reparti aussitôt, en oubliant son téléphone portable. Il a dormi « derrière la piscine », a passé la matinée dans un bar et s’est rendu dans un hypermarché vers 14 h. Là, il a croisé sa compagne qui l’a informé que les gendarmes le cherchaient. Il lui a alors promis qu’il se rendrait aux forces de l’ordre. Ce qu’il a fait le 15 janvier.
Lors de la perquisition de son domicile, les enquêteurs ont fait main basse sur un taser et du cannabis. « C’est du CBD, pas du cannabis », conteste le prévenu qui avoue « fumer depuis l’âge de 17 ans » mais ne consommer « aucun alcool ». La suspension de son permis de conduire est consécutive à une conduite sous stupéfiants.
Je regrette tout. J’aurais dû m’arrêter. Je veux travailler au plus vite pour rembourser le préjudice », assure-t-il aux juges.
« À une époque, les délinquants faisaient demi-tour… »
« On est passé à deux doigts de quelque chose de grave ! », martèle le président du tribunal.
« Je me demande combien ça vaut sur le marché, aujourd’hui, un gendarme ou un policier ? Parce qu’à une époque, quand il y avait un contrôle, les délinquants faisaient demi-tour pour échapper au contrôle. Aujourd’hui, ils avancent ! », tempête Me Aude Labey-Bosquet.
L’avocate des trois gendarmes se qualifie de « sceptique » vis-à-vis des excuses du prévenu.
C’est stratégique. C’est le moment. Il est en récidive légale, nous dit qu’il se reprend en main mais les gendarmes qui font des contrôles, c’est leur boulot ! Et ce soir-là, on n’aurait pas eu des gendarmes aguerris et expérimentés, ce dossier arrivait devant une autre juridiction ! »
Elle se dit « impressionnée de voir que les avertissements de la justice ne font rien » au prévenu et ajoute que ses clients ont « eu un sentiment d’appréhension après ces faits, sur les contrôles ». Elle réclame 2 500 € de préjudice pour le gendarme blessé et 1 000 € pour chacun de ses deux autres collègues présents sur les lieux.
« Il s’est rendu ce qui atteste de sa prise de conscience »
Adrien Nantel, le substitut du procureur de la République, parle d’un « dossier à plusieurs facettes », d’autant qu’il était « de permanence le week-end de la commission des faits ». Il s’est interrogé sur la qualification des faits à l’instant T.
On était parti sur une mise en danger délibérée. D’autant que le conducteur était parti de chez lui mais en oubliant son portable ce qui confirme son état de panique. Et d’un côté, on a un acte délibéré qui entraîne de la violence, mais de l’autre : il se constitue partie civile ce qui atteste de sa prise de conscience. Il conçoit par ailleurs que s’il est devant le tribunal, c’est qu’il a un problème pour autant mon rôle est aussi de protéger les gendarmes sur le bord des routes ».
Le représentant du Parquet requiert alors deux ans de prison dont un an avec sursis et mise à l’épreuve, pendant deux ans, assortie des obligations de soins, de travail et d’indemnisation. Il demande également l’annulation de son permis de conduire et l’interdiction d’en solliciter un avant un an ainsi que la confiscation de la Mégane.
Relaxé pour les stupéfiants
Me Flavien Guillot, l’avocat de la défense, a plaidé la relaxe de son client, a rejeté la constitution des parties civiles et rappelé que la confiscation de la Mégane n’était pas possible car son client n’en est pas le propriétaire.
Le tribunal a finalement relaxé le trentenaire pour la détention de stupéfiants mais l’a reconnu coupable des blessures involontaires et du refus d’obtempérer. Il a été condamné à deux ans de prison dont 18 mois avec sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans assortie des obligations de soins, de travail et d’indemnisation. Il devra s’acquitter d’une amende de 135 € pour le défaut de maîtrise et de 2 000 € de préjudice au gendarme blessé.
La demande d’indemnisation des deux gendarmes témoins de la scène a été rejetée.
Le permis du prévenu a été annulé et il lui est interdit de se représenter à l’examen avant six mois. Les scellés ont été confisqués « hors la Mégane » qui appartient à sa compagne.
Placé en détention provisoire depuis le 17 janvier, date de sa première comparution immédiate au cours de laquelle il a sollicité un délai pour préparer sa défense, le prévenu est ressorti libre de son procès puisqu’aucun mandat de dépôt n’a été prononcé.
Par : Karina Pujeolle|