TÉMOIGNAGES
Philippe B., Montargis (Loiret) : “Après quinze ans au GIGN, je veux faire du cinéma !”
PUBLIÉ LE 25 MAI 2019
À 40 ans, cet ancien membre de l’unité d’élite de la Gendarmerie nationale aspire à devenir comédien. Un rêve de gosse qui rejoint celui de s’attaquer aux terroristes et autres criminels.
Cet ailleurs, c’est le grand écran. Depuis quelque temps, je suis embauché comme figurant dans des séries, des films… Mon souhait actuel de jouer la comédie me permet de renouer avec un rêve de gosse.
Depuis que je suis tout petit, je suis sensible à l’injustice. En classe, on se moquait de moi, de mes pulls tricotés par ma grand-mère. J’avais un look atypique. Mes camarades ne se privaient pas de me le faire remarquer. Au fil des ans, j’ai eu envie de devenir le justicier, à l’image de ces super-héros incarnés par Sylvester Stallone, Jean-Claude Van Damme ou Arnold Schwarzenegger, qui protégeaient le plus faible du plus fort. Mais, à l’adolescence, je n’avais pas envie d’entamer une carrière dans la police, ni de m’engager dans la gendarmerie ou l’armée…
La journée du 26 décembre 1994 va tout faire basculer. À la télévision, je vois les hommes du GIGN donner l’assaut pour mettre fin à la prise d’otages du vol Air France 8969 à Marignane. À l’époque, je n’ai que 16 ans, mais je suis littéralement fasciné par ces hommes prêts à donner leur vie pour sauver autrui. Ces gendarmes font tout de même preuve d’un courage hors du commun pour pénétrer à l’intérieur de la carlingue de l’Airbus où les attendent… quatre terroristes ! Une action qui nécessite du sang-froid et une parfaite maîtrise de soi.
Entrer au GIGN m’offrira par la suite une façon de me sentir utile, de faire le bien, tout simplement. De caractère, je suis quelqu’un de réservé, de timide. Et j’ai vite compris qu’on était peu de chose sur cette terre. Je n’aurai jamais la prétention de vouloir changer le monde, nous ne sommes pas des juges. Mais je sais aussi qu’il faut être très solide pour ne pas vaciller dans les situations délicates…
J’intègre enfin le GIGN, cette unité spécialisée forte de quelque quatre cents hommes et femmes dont cent cinquante sont “opérationnels” sur le terrain, avec l’objectif d’appréhender les individus dangereux, les terroristes et autres forcenés, en toutes circonstances.
Dès mes premiers jours dans ce corps d’élite, c’est l’exigence de l’excellence qui me frappe. L’atmosphère plutôt détendue n’empêche pas l’obligation permanente d’être au top : physiquement (avec des entraînements collectifs et individuels – boxe et musculation – chaque jour), psychologiquement (on apprend à gérer son stress) et moralement (on devient capable par un tir de neutraliser une personne dangereuse afin de sauver d’autres vies)… Je me retrouve alors dans une situation paradoxale : je porte une arme létale – un pistolet automatique – mais ce dans le but de sauver des existences humaines !
Il faut savoir que, finalement, nous sommes très peu nombreux à ôter des vies lors de nos engagements. En 2008, j’ai eu à neutraliser un preneur d’otagesdans l’enceinte de la prison de Fleury-Mérogis. En visant son cou, je cherchais bien sûr à l’atteindre mais je ne voulais pas le tuer. Or, en dépit d’un tir réussi, l’homme est décédé des suites de ses blessures. Je me suis pourtant efforcé dans la mesure du possible de préserver les vies, même celles des preneurs d’otages ou des terroristes.
Mon expérience au GIGN restera ancrée en moi pour toujours. Je m’en suis sorti alors que j’ai failli y passer à plusieurs reprises. C’est pourquoi je souhaiterais dorénavant délivrer un message de paix sous d’autres formes. Et pourquoi pas en faisant du cinéma. C’est plus porteur de sens qu’agent de sécurité dans une entreprise, non ? »
Cet ancien soldat d’élite rend compte de son parcours dans son livre
GIGN, confessions d’un OPS, aux éditions Nimrod, 21 €.