« Gilets jaunes » : l’ex-boxeur Christophe Dettinger condamné à un an de détention en semi-liberté
« Je m’en veux terriblement », a-t-il expliqué devant le tribunal correctionnel de Paris qui le jugeait pour violences volontaires sur deux gendarmes mobiles à Paris, le 5 janvier.
« Monsieur le gendarme, je suis coupable de tous les coups que je vous ai portés. Je suis conscient que cela a pu vous toucher physiquement et psychologiquement. Je n’en suis pas fier. Ce n’est pas mon état d’esprit. J’ai été un styliste, un technicien de la boxe, pas un bagarreur. Je ne peux pas comparer la boxe à cet acte. Je n’étais pas venu pour en découdre. Tout a basculé en deux minutes et je m’en veux terriblement. Je vais devoir vivre avec ça. Avec les regards sur moi. Comment je vais faire pour croiser ceux des parents des copains de classe de mes enfants ? »
Ces quelques phrases prononcées avec émotion ont sonné beaucoup plus juste que tout ce que Christophe Dettinger avait pu dire avant pour motiver l’explosion de violence qui l’a conduit à frapper à coups de pied un gendarme à terre puis, quelques minutes plus tard, à asséner une pluie de coups de poing à un autre, samedi 5 janvier sur la passerelle Léopold-Sédar-Senghor à Paris (7e) lors d’une manifestation des « gilets jaunes ».
« Une fois de plus, on était parqués, nassés, gazés pour rien », avait-il dit. La vue d’une manifestante se faisant matraquer par un gendarme aurait déclenché sa colère : « Quand je vois une injustice, j’y vais, je suis comme ça. Dans le métro, ça aurait été pareil. En voulant empêcher une injustice sur cette dame, j’en ai fait une autre. »
« C’est tous les gestes que je regrette »
Telles qu’elles apparaissent sur les images saisies par les caméras de surveillance et les reporters de télévision qui sont diffusées sur le grand écran de la salle d’audience, les scènes sont un peu différentes. La première montre un groupe de manifestants qui tente de forcer l’accès sur la passerelle face à un barrage de gendarmes. Avancée, reculade, jets de lacrymogènes, nouvelles avancées, nouvelles reculades de part et d’autre. « C’est un choix des manifestants de forcer le passage. A aucun moment, les gendarmes n’essaient de gagner du terrain », observe la présidente.
Dans l’affrontement qui suit, une femme tombe au milieu de la passerelle, entraînant un manifestant et un gendarme dans sa chute avant d’être tirée à l’écart par un autre garde mobile, tandis que Christophe Dettinger s’acharne à coups de pied sur un troisième, tombé lui aussi au sol. « Pourquoi allez-vous vers lui au lieu de la secourir, elle ?, lui demande la présidente.
– Là, c’est tous les gestes que je regrette. La seule chose que je ne veux pas, c’est qu’on dise que je suis un casseur de flic, un lyncheur », répond l’ancien boxeur.
La deuxième scène se situe en haut d’un escalier latéral d’accès à la passerelle. Cinq ou six gendarmes bloquent le passage. Une poignée de « gilets jaunes » avance vers eux, Christophe Dettinger les rejoint en basculant par-dessus la rambarde et vient affronter à coups de poing l’un des gardes mobiles qui recule sous les coups. « Au mois de mars 2018, vous aviez fait une demande pour intégrer la réserve de la gendarmerie », lui rappelle Me Thibault de Montbrial, l’avocat des deux gendarmes blessés. Il poursuit :
« La passerelle était interdite. Vous pensez que ce dispositif est une provocation ?
– Oui. Tout est fait pour que les “gilets jaunes” aillent à la faute.
– Et en voyant ces images, vous le pensez aussi ?
– Non. Avec le recul, non. »
« Une manifestation est une bête »
Les deux gendarmes ont eu, pour l’un, une interruption de travail de deux jours et pour l’autre – frappé au sol – de quinze jours. Seul le moins blessé des deux a assisté à l’audience. « On a eu beaucoup de chance, cela aurait pu être beaucoup plus grave si l’un de nous avait été jeté par-dessus la passerelle », a-t-il observé. Evoquant une « action déterminée » et des « scènes d’une violence inouïe », le procureur a requis trois ans d’emprisonnement dont un avec sursis et le maintien en détention de Christophe Dettinger. « Il défile parce qu’il y a cet immense ras-le-bol dans le pays. Il y va à visage découvert. Mais une manifestation est une bête que l’on ne maîtrise pas facilement », a plaidé l’un de ses trois avocats, Me Henri Leclerc, qui a ajouté : « Chistophe Dettinger est un homme du peuple, bouleversé par ce qu’il a fait. Laissez-le travailler ! »
Mercredi 13 février, le tribunal a condamné l’ancien boxeur, aujourd’hui agent territorial à la voirie dans une commune de la banlieue parisienne, à trente mois de prison dont dix-huit avec sursis, en précisant que la part ferme s’effectuera sous le régime de la semi-liberté. Pendant un an, il sera libre la journée, mais retournera en détention la nuit. Le tribunal a assorti sa peine d’une interdiction de séjour à Paris pendant six mois et de 5 000 euros de dommages et intérêts.