Les gendarmes qui ont procédé à l’interpellation d’Adama Traoré, en 2016, ont été entendus pour la première fois par un juge d’instruction en charge d’enquêter sur la mort du jeune homme. Au terme de ces auditions, ils ont été placés sous le statut de témoin assisté.
Ils étaient entendus pour la première fois mardi et mercredi par la juge d’instruction en charge du dossier sur la mort d’Adama Traoré en 2016. Les trois gendarmes, qui ont procédé à l’interpellation du jeune homme de 24 ans et qui l’avait maintenu au sol, ont été placés sous le statut de témoin assisté au terme de ces auditions individuelles. Une décision prise « en l’absence d’indices graves ou concordants de nature à justifier leur mise en examen au titre de l’infraction de non-assistance à personne en péril », ont fait savoir leurs avocats.
Le statut de témoin assisté est ordonné lorsqu’il existe des indices rendant vraisemblable qu’il ait pu participer à la commission des infractions dont le juge est saisi. Le magistrat instructeur n’a donc pas retenu les « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Jusqu’alors les trois gendarmes ayant procédé à l’interpellation d’Adama Traoré n’avaient été entendu que par l’Inspection générale de la gendarmerie nationale.
Mort dans la cour de la gendarmerie
La justice cherche depuis deux ans à établir les circonstances de la mort d’Adama Traoré. Le 19 juillet 2016, jour de son anniversaire, le jeune homme avait été interpellé une première fois à Beaumont-sur-Oise, dans le Val-d’Oise, où il avait pris la fuite. Arrêté après une course-poursuite de 15 minutes, il avait été maintenu au sol sous le poids des gendarmes. Il était décédé deux heures plus tard, après avoir fait une malaise dans le véhicule des militaires. Malgré l’appel aux secours, il est déclaré mort dans la cour de la gendarmerie de Persan.
Alors que la famille d’Adama Traoré a toujours dénoncé une bavure, estimant que les gendarmes n’ont pas porté assistance au jeune homme, menotté, l’enquête repose sur une bataille d’expertises. La première médecin légiste avait conclu, en juillet 2016, à une « cardiomyopathie hypertrophique, qui est potentiellement la cause directe de la mort ». C’est à dire une malformation du cœur, qui n’aurait jamais été détectée auparavant, et qui aurait conduit Adama Traoré à une mort subite, sans lien avec les conditions de son interpellation.
Bataille d’expertises
Il y a un an, une contre-expertise partielle sur les organes avait confirmé l’an dernier une mort « par asphyxie » lié à un état de santé antérieur, sans permettre de trancher la question de la responsabilité des gendarmes. Elle avait aussi écarté l’hypothèse d’une cardiomyopathie. Quatre médecins, dont un cardiologue, ont conclu en septembre dernier que c’est l’effort produit durant sa fuite de 15 minutes, cumulé à un stress intense, à d’autres problèmes de santé qu’il avait, ainsi qu’à la forte chaleur ce jour là, qui ont pu conduire à cette issue fatale.
« Leur audition a permis d’établir qu’à aucun moment ils n’avaient eu connaissance d’un quelconque péril létal menaçant M. Traoré en cours ou après l’interpellation et qu’ils ont correctement géré la perte de connaissance de M. Traoré jusqu’à sa prise en charge par les pompiers et le Samu », estiment désormais les avocats des trois gendarmes, qui salue une décision « attendue avec sérénité ».