Négociateur en gendarmerie, il dénoue des situations de crise
Publié 27/10/2018 23:23 | Mise à jour 27/10/2018 23:23 |
Sécurité. En plus de ses missions quotidiennes de gendarme, José endosse aussi une fonction de négociateur auprès de personnes suicidaires ou, le plus souvent, retranchées.
José a réalisé une quinzaine d’interventions comme négociateur en gendarmerie depuis 2007. Date de création des cellules de négociateurs au niveau régional. Mais il y en a deux qui l’ont particulièrement marqué. « En sept mois : le même endroit, le même individu, les mêmes conditions défavorables avec de la pluie et du vent », raconte le gendarme de 43 ans basé dans l’Eure. Le 9 mars puis le 30 septembre dernier, ce militaire a en effet eu affaire au même homme qui voulait se jeter de la falaise à Étretat. La première fois, il est intervenu alors qu’il était en repos. Il passait par là par hasard et a croisé le malheureux. La seconde fois, il a été appelé en intervention alors qu’il ne devait en principe pas travailler ce week-end là. « C’est le destin », estime-t-il.
« COMPRENDRE » ET « AIDER »
Quand les négociateurs interviennent, il n’y a pas de place à l’improvisation. « Sinon, on se mettrait en danger », explique José.
Ces gendarmes, qui cumulent leurs missions classiques avec celle de négociateur, sont mobilisés pour dénouer une situation de crise auprès de personnes suicidaires, de retranchés parfois armés, voire les deux. En tout cas, lorsqu’il y a une situation de conflit. Cela peut aussi être dans le cadre d’un mouvement social au sein d’une entreprise. Au nombre de douze en Seine-Maritime et dans l’Eure, sur trois cents au niveau national, les négociateurs normands réalisent dix à quinze interventions par an. De très rares fois, la cellule mère appartenant au Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) est mobilisée, en cas de situation complexe.
Les négociateurs interviennent toujours à deux sur le terrain. L’un parle avec l’interlocuteur. Il ne doit « jamais être en rupture de contact, mais il peut créer des sortes de « rendez-vous » », explique José. Le second est à l’écoute de cet échange verbal. « Il peut se rendre compte d’un changement de voix, de débit. Il est l’intermédiaire entre l’intervention en elle-même et le commandement », détaille José. Parfois, un échange des rôles s’effectue. « Quand le négo 1 est à sec, le négo 2 peut prendre le relais », poursuit-il.
Avant toute chose, les militaires recueillent le maximum de renseignements sur l’intéressé : sa situation familiale, professionnelle, son état médical avec l’indication d’absorption ou non d’alcool, de drogue ou de médicaments. « On peut réveiller un proche à 3 h du matin, à l’autre bout de la France pour avoir des informations », assure José.
Quand les négociateurs arrivent, il faut qu’ils « gèlent la situation pour mettre le personnel en sécurité ». L’objectif ? « Trouver un lien qui va permettre d’être entendu pour essayer de communiquer. On veut lui montrer qu’on est au fait de la situation et qu’on est là pour l’écouter. Ça peut être très long », assure le militaire qui se souvient d’une opération qui a duré de 20 h à 6 h du matin. « On va se présenter et lui dire qu’on ne pourra pas l’empêcher d’agir, mais qu’on veut comprendre et l’aider », détaille José. Une discussion se construit : « C’est souvent quelqu’un qui a perdu la notion du temps, de la dangerosité, qui est anémié, qui ne mange plus. Il faut alors essayer de le rattacher à la réalité, à des éléments positifs. Il faut trouver l’élément qui va faire basculer du bon côté ». Et « après, ça se joue sur le feeling, sur le vécu ».
DÉBRIEFER AVEC UN PSY
L’empathie est la première des qualités qu’il faut avoir pour être négociateur. Mais encore faut-il savoir la gérer. En présence d’une psychologue clinicienne, les négociateurs seino-marins et eurois se réunissent une fois par mois pour échanger sur leurs interventions. Ces militaires peuvent aussi demander un rendez-vous individuel avec la professionnelle. « Parler est important pour verbaliser avec un sachant et ne pas garder ce poids. Il ne faut pas avoir ce sentiment d’invincibilité », assure José.
Le militaire se souvient d’une intervention marquante au cours de laquelle l’individu retranché chez lui s’était finalement suicidé : « J’étais le dernier à lui avoir parlé. On a d’ailleurs retrouvé le téléphone juste à côté de son corps ».
SUZELLE GAUBE