Gérard Collomb s’alarme des violences sexistes
Les plaintes explosent depuis l’affaire Weinstein. Le ministre de l’Intérieur s’est toutefois réjoui hier de cette « libération de la parole ». Bilan de rentrée
Dans un tableau général qui laisse penser que tout va bien ou plutôt mieux sur le front de la délinquance, il reste quelques chiffres noirs que le ministre de l’Intérieur a développés hier, lors de la conférence de presse de rentrée, à l’Hôtel de Beauvau, à Paris. Parmi les points les plus préoccupants, les chiffres récents font apparaître une hausse des atteintes à l’intégrité physique des personnes de plus de 5 %, et notamment des violences intrafamiliales. Pour les sept premiers mois de l’année 2018, elles sont en hausse. 8 000 faits déjà constatés, et sur ces 8 000, 6 000 victimes sont des femmes. Les violences sexuelles croissent elles aussi de plus de 23 %. Les harcèlements sexuels, déjà en augmentation en 2017, continent leur progression : plus de 3 300 faits constatés depuis le début de l’année, ce qui ne laisse pas d’inquiéter.
Quelle est la proportion de l’accroissement nouveau de cette délinquance et la part de la libération de la parole, sans doute induite par la campagne de l’après-affaire Weinstein à la française ? Difficile de le dire. « Souvent, les femmes avaient un peu honte de cette violence familiale. Alors, elles n’allaient pas déposer plainte« , explique le ministre. Désormais, des salles spéciales sont aménagées dans les commissariats et gendarmeries, avec des psychologues. Les forces de l’ordre ont été de surcroît formées au recueil de ces plaintes qui exigent tact et mise en confiance. Le ministre Gérard Collomb n’a pas caché hier l’urgente nécessité qu’il y avait de voter la loi contre les violences sexuelles et sexistes, mise en oeuvre par deux de ses pairs du gouvernement. « Nous allons lancer une plateforme de signalement sexuel et sexiste, a-t-il précisé, pour que les femmes puissent alerter la justice plus facilement, parce qu’il est plus facile de déposer plainte sur internet que de se rendre dans un commissariat. » La plateforme va bien sûr accroître encore le nombre de faits constatés, mais c’était une nécessité, consent le ministre de l’Intérieur.
Stupéfiants : « Si vous allez dans le nord de Marseille, ça fait peur! »
L’autre préoccupation majeure sera la lutte contre les réseaux de stupéfiants. Le nombre de personnes interpellées depuis le début de l’année pour trafic est en augmentation de près de 6 %. Aussi Gérard Collomb promet-il un « plan ambitieux » de lutte. « Si vous allez dans le nord de Marseille, ça fait peur ! » reconnaît sans fard le ministre. Car Gérard Collomb ne manque pas d’évoquer l’évident corollaire. Qui dit trafic de stups dit règlement de comptes, surtout dans le sud de la France, même si les chiffres ne sont pas pour l’heure au niveau des statistiques de 2016 avec 29 morts dans le seul département des Bouches-du-Rhône. Il conviendra donc, et c’est là une des antiennes du ministre, de procéder à une « reconquête républicaine » des quartiers. Quinze quartiers ont été identifiés et 300 policiers y seront affectés d’ici la fin de l’année. Dans les rues, 2 600 caméras piétons sont déjà déployées, d’autres vont être installées, qui permettent de résoudre beaucoup de contentieux de voie publique par la vérité de l’image.
Enfin, le ministre consent que les mois écoulés ont été politiquement chauds. Ce qui le conforte dans son idée-force que le ministère de l’Intérieur reste, selon sa formule, « le ministère de l’imprévu« .
Interrogé hier, Gérard Collomb ne cache pas que le plus gros souci actuel du ministre de l’Intérieur est la lutte contre le terrorisme. « Tous les pays européens restent soumis à la menace, observe-t-il. Et la menace reste forte. La difficulté que nous pouvons avoir, c’est le passage à l’acte de manière brutale de personnes sans qu’elles aient été suivies par nos services de renseignement. » Parce qu’il en est qui échappent à tous les radars. Ou qui se radicalisent tout à coup. Le fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) recense à ce jour un peu moins de 21 000 noms. Et il s’enrichit chaque mois de quelques dizaines d’autres. « C’est un fichier vivant. Il y a des gens qui y entrent et d’autres qui en sortent« , insiste-t-il. Au chapitre des bonnes nouvelles, Gérard Collomb rappelle que cinq attentats ont toutefois été déjoués depuis le début de l’année, soit 15 au total depuis 2015.
Des policiers qui tirent plus souvent
Faut-il y voir une modification du comportement des gendarmes et des policiers face à des délinquants plus menaçants ? En 2012, quelque 258 policiers ont fait usage de leur arme à titre individuel. En 2017, ils étaient 394, soit une hausse notable qui mérite de s’interroger, même si les premiers chiffres de 2018 ne confirment pas cette progression.
« On est plutôt sur un refroidissement de la tendance« , constate Eric Morvan, le directeur général de la police nationale, qui évoque néanmoins « une tendance à la hausse des gestes agressifs envers les forces de police« .
Le général Richard Lizurey, qui commande la gendarmerie nationale, cite le chiffre de 83 % d’augmentation d’agressions commises sur ses hommes. Et précise que l’on recense, à ce jour, « un refus d’obtempérer toutes les heures sur le territoire national« .