Ces dernières années, le bureau fédéral d’investigation des États-Unis (FBI) n’a cessé de rabâcher haut et fort que le chiffrement est un problème majeur pour les enquêtes criminelles et la sécurité publique, profitant du débat qui est né après l’attaque terroriste de San Bernardino en décembre 2015.
En début d’année, son directeur, Christopher Wray a soutenu ses déclarations avec le chiffre 7800, qui correspondrait au nombre d’appareils électroniques auxquels les agents du FBI n’ont pas réussi à accéder entre septembre 2016 et septembre 2017, malgré leurs outils informatiques et les autorisations légales qu’ils ont reçues. La solution qu’il a donc proposée est l’introduction de portes dérobées qui pourraient être exploitées, si besoin est, par les forces de l’ordre lors de leurs enquêtes.
Bien qu’elle soit critiquée, cette idée gagne du terrain et a des partisans, notamment chez les Five Eyes, l’alliance des services de renseignement de l’Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et des États-Unis. Récemment, ces derniers ont d’ailleurs pris position en faveur de l’installation obligatoire de portes dérobées dans les services de messagerie utilisant le chiffrement.
En France, il y a également un débat latent sur le chiffrement, surtout après les attentats terroristes qu’il y a eu ces dernières années dans le pays. Avec l’Allemagne, la France réfléchissait donc à une solution européenne à ce problème, mais l’ANSSI, le CNNum et la CNIL ont mis en garde. Depuis lors, il y a un silence radio apparent, mais cela ne veut pas dire que la France ne travaille pas pour résoudre le problème que pose le chiffrement dans les enquêtes criminelles. Au contraire, il semble que la France a sa petite arme, d’après les échos d’une visite du ministre de l’Intérieur au pôle judiciaire de la Gendarmerie nationale, le mardi 28 août 2018.
D’après L’Essor de la gendarmerie nationale, le journal des gendarmes, lors de la visite du ministre, il lui a été brièvement présenté le savoir-faire de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) face au chiffrement des données. Les gendarmes disposeraient d’une nouvelle arme qu’ils désignent sous l’appellation de « plateforme de déchiffrement centralisée ». Cette plateforme, qui serait en service depuis environ un an, a été développée par le département INL (Informatique électronique).
Avec cette plateforme, les enquêteurs de la Gendarmerie peuvent saisir les experts en vue de déchiffrer un fichier chiffré, comme celui d’un téléphone. Mais la Gendarmerie n’en dira pas plus au sujet de sa plateforme de déchiffrement décentralisée. Notons que dans son dernier rapport d’activités publié en mars 2018, elle évoquait également une capacité de déchiffrer les téléphones.