Le ministère de l’Intérieur achète pour plus 1,7 million d’euros d’une grenade dont même la gendarmerie ne veut plus
Le gouvernement se préparerait-il à agir en cas de manifestation massive ? Rien n’est moins sûr. Néanmoins, le 24 mai dernier, le gouvernement attribuait un marché de 17 millions d’euros de grenades et de fusils de lancements destinés à fournir la police et la gendarmerie en grenades lacrymogènes et en lanceurs. Le contrat porte sur 4 ans.
Seulement, il semblerait que le ministère de l’Intérieur estime ne pas être assez équipé. En prévision d’une pénurie (qui avait peu de chances d’arriver du fait du premier contrat), l’Intérieur a émis un nouvel appel d’offre d’1,7 million d’euros.
40 000 grenades en plus, dont un stock de sécurité
Comme détaillé dans l’appel d’offre, cet appel d’offre vise à ce que la police nationale et la gendarmerie nationale acquièrent de nouvelles « grenades à main de désencerclement ». Plus précisément, il s’agit de mettre à disposition un « stock de sécurité pour une durée d’un an ». Au cas où les forces de l’ordre viendraient à manquer de grenades…
La valeur hors TVA est estimée à 1 720 000€. Avec cette somme, l’entreprise choisie doit fournir au minimum 2 000 grenades, soit 860€ l’unité. Mais le ministère de l’Intérieur précise tout de même que la quantité finale devrait approcher les 40 000 pièces, soit un prix à l’unité de 43€. On s’y retrouve un peu mieux…
A la différence de l’appel d’offre passé par l’armée pour le remplacement de son fusil de précision FRF2, ici, les candidats ne doivent pas satisfaire un chiffre d’affaires minimum. Pour autant, certaines garanties financières doivent être apportées.
Certaines entreprises se montreraient déjà intéressées par cet appel d’offre. Parmi elles, deux sociétés françaises : Nobel Sport et Alsetex qui s’étaient déjà partagé le contrat du 24 mai. En février 2016, Alsetex avait déjà remporté un contrat de 5,5 millions d’euros portant sur la livraison de munitions assourdissantes et de désencerclement. Munitions intégralement consommées en seulement deux ans.
Les grenades de désencerclement, des munitions de plus en plus critiquées
En mai dernier, France3 expliquait que derrière les termes « grenades lacrymogènes assourdissantes » se cache les grenades de désencerclement GLI F4, des munitions lancées à la main qui contiennent des charges de 25 grammes de TNT et produisant un effet sonore de plus de 160 décibels à 5m.
Seulement, il semblerait que cette grenade exclusivement utilisée en France soit de plus en plus décriée pour les dégâts qu’elle peut occasionner. En 2015, l’IGPN publiait un rapport sur les conséquences de l’utilisation de ce type de grenades. Elle expliquait que ces munitions étaient capables « de mutiler ou de blesser mortellement un individu » ou de « provoquer des lésions irréversibles de l’ouïe ».
La police des polices précise aussi que les atteintes à la tête ne peuvent jamais être exclue. En revanche, elle estime que le nombre de blessés graves et de tués est particulièrement réduit. Le rapport conclut en précisant que du fait de la violence de cette grenade, son utilisation doit « constituer le dernier stade avant de devoir employer les armes à feu. »
Tout irait donc bien. Pas vraiment. Depuis 2001, plusieurs accidents graves dus à l’utilisation de cette grenade sont à recenser. Cela commence à Lille avec un pompier qui se fait arracher la main par ce type de grenade lors de son explosion. Le plus connu est la mort de Remi Fraisse au barrage de Sivens. La police avait alors recommandé l’interdiction de ces grenades. Mais le gouvernement avait balayé ces préoccupations d’un revers de main préférant simplement durcir le protocole d’utilisation des grenades GLI.
Plus récemment, un zadiste a eu la main arrachée lors de l’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Les causes de l’accident sont encore troubles. Lors des opérations, les forces de l’ordre avaient utilisé plus de 3 000 grenades de ce type, dont une partie qui était périmée.
Plus surprenant, les forces de l’ordre elle-même décrient ce type de grenades et alertent sur leur dangerosité. En août 2017, le journal de la gendarmerie nationale L’Essor, affirmait que certains escadrons de police et de gendarmerie ne souhaitaient plus utiliser ces grenades qualifiées comme trop dangereuses.
Il semblerait donc que le gouvernement n’a que faire de la dangerosité supposée de ces grenades à charge explosive que la France est la seule à utiliser. Surtout, le gouvernement se prépare-t-il à des opérations de maintien de l’ordre de grande envergure ? Craint-il des manifestations qui dégénèrent suite à des prises de positions qui divisent la population ? Possible.