Dans le cadre de la journée de la femme, rencontre avec quatre militaires des Alpes-Maritimes. Sans tabou, elles livrent leur quotidien, leurs difficultés et surtout leur passion
HOMMES OU FEMMES GENDARMES, EST-CE DIFFÉRENT?
Pour le lieutenant Lydia Windstein, 43 ans, commandant la communauté de brigades de La Trinité, les femmes sont avant tout des militaires comme les autres.
« Cela ne change rien, nous sommes traitées pareil que les hommes. »
D’ailleurs, elles estiment toutes qu’en matière de commandement, elles jouent à jeu égal.
« Ce n’est pas parce que nous sommes des femmes que nous maternons notre personnel ou que nous sommes des marâtres. »
Le major Loreta Coralli, commandant la brigade de Puget-Théniers trouve cette jolie formule: « Être femme en gendarmerie n’empêche pas d’être ferme. »
GENDARME ET MAMAN, C’EST POSSIBLE?
Alors là, c’est un grand oui ! Toutes ne sont pas mamans, mais elles acquiescent avec un grand sourire. Virginie Massot, commandant la brigade de Lantosque, détachée à Saint-Martin-Vésubie, 38 ans, trois enfants, approuve.
« Nous avons un planning familial bien rempli comme tous les couples qui travaillent. Comme nous avons des horaires décalés, nous avons ce que j’appelle des moments volés, que d’autres mamans n’ont peut-être pas avec leurs enfants, dans la journée. »
Une progéniture souvent fière de ce métier à part que pratiquent leurs mamans.
« Ils font les grands yeux quand ils voient les gyrophares, entendent le deux-tons. Ils nous traitent en héroïnes », sourit le commandant Massot. Le gendarme Lauhea, mère d’un enfant de deux ans et demi, a résumé son métier en « maman police ».
« Nous sommes en proximité avec eux du fait que nous habitons en caserne. Ils voient les uniformes, il y a un esprit de corps, de famille. Ils vivent avec, c’est la normalité pour eux. »
DES DIFFICULTÉS À SE FAIRE ACCEPTER?
Selon elles, c’est terminé. Au placard les regards en coin des années 90, les remarques sur leurs capacités. Changement d’époque. Le commandant Lydia Windstein – papa militaire, née dans les îles – estime qu’aujourd’hui, « dans la génération des jeunes gendarmes, les femmes sont au même niveau avec un travail et un investissement à l’identique de leurs homologues masculins ».
Cela n’empêche pas le commandant Coralli – mère bretonne, grands-parents italiens, affectée en Bourgogne puis Casque bleu en ex-Yougoslavie, amoureuse de montagne – de garder un souvenir un brin amer datant de 1990.
« J’étais rentrée en gendarmerie l’année d’avant. J’étais la deuxième femme motocycliste à l’époque. Ça n’a posé des problèmes qu’à mon commandant de brigade motorisée… Il a posé la question aux femmes des gendarmes avec lesquels j’allais travailler si cela les dérangeait que leurs maris fassent des patrouilles de nuit avec un élément féminin… »
Le gendarme Cynthia Lauhea, elle, s’était mis la pression. Toute seule. « C’est dans la tête. Je suis rentrée en 2008, la place des femmes était faite depuis longtemps. Mais c’est une guerre avec nous-mêmes. En tant que femme, j’avais envie de montrer qu’à compétences égales je pouvais faire les mêmes choses. »
Celle qui avoue adorer les sacs à dos – déjà cinq mutations à son actif, et une envie de découvrir l’outre-mer – sourit, puis précise: « Après on s’apaise ».
LE REGARD DE LA POPULATION?
Toutes s’accordent à dire que le rôle d’une gendarme tend à calmer les situations tendues. « Il y a tout de suite une retenue de la part des hommes que nous allons interpeller. Ils ne veulent pas taper une femme. Ce n’est pas valorisant de se battre avec nous. »
Elles considèrent également comme un atout de vivre leur vie au plus près de la population.
LA LIBÉRATION DE LA PAROLE DES FEMMES?
Le commandant de la communauté de brigades de La Trinité, Lydia Windstein, note que les dépôts de plainte ont augmenté. « La libération de la parole de la femme est une réalité du fait de l’évolution de la société. Beaucoup osent désormais venir signaler toutes sortent de violences. »
Mais certains blocages perdurent. Elles s’attachent à rassurer les victimes. « Des femmes nous remercient quand elles voient comment nous les prenons en charge. Elles se libèrent, savent qu’elles sont encadrées. »
ET EN GENDARMERIE?
Le harcèlement en gendarmerie ? Elles n’éludent pas le sujet. « Dans toutes les entreprises il y a des gens qui se comportent mal. Nous n’en avons pas été victimes autour de cette table, mais ça existe. »
Le commandant Massot acquiesce: « Il y a eu des incidents, des choses mauvaises se sont passées. Mais je pense que ça a servi de leçon et il y a depuis quelques années un accompagnement mis en place pour le personnel. Nous pouvons faire appel à des référents. C’est totalement pris en compte. »
Le gendarme Lauhea souligne que des outils d’alerte existent pour elles aussi. « Nous savons aussi que nous pouvons en parler aux collègues. »
UN MÉTIER À CONSEILLER?
Sans hésitation, elles disent oui: « C’est un métier idéal pour les femmes. » Le commandant Coralli résume: « On s’éclate toutes dans nos boulots. Il n’y a pas de routine. Vous ne savez de quoi l’heure suivante va être faite : intervention, judiciaire, administratif. Nous réalisons des choses tellement extraordinaires que nous n’aurions pas assez d’un livre pour vous expliquer notre carrière et de quoi nos journées sont composées! »