Cannabis : les forces de l’ordre plébiscitent les amendes forfaitaires
Policiers, gendarmes et magistrats ont été auditionnés par une mission d’information parlementaire.
LE MONDE | | Par Julia Pascual
Le cannabis s’est invité à l’Assemblée nationale. Une série d’auditions a débuté cette semaine dans le cadre d’une mission d’information parlementaire dont le but est d’anticiper les conséquences de la promesse électorale d’Emmanuel Macron de mettre en place une amende forfaitaire en cas de consommation de stupéfiants, et en particulier de cannabis. « Nous devrions rendre notre rapport d’ici à fin octobre, début novembre », explique Eric Poulliat, député LRM, corapporteur de la mission avec le député LR Robin Reda.
Des responsables et représentants des forces de l’ordre et du monde judiciaire ont été entendus, mercredi 6 et jeudi 7 septembre, qui partagent le constat d’une forme d’impuissance face à un contentieux de masse. Le nombre de personnes interpellées pour infraction à la législation sur les stupéfiants a explosé depuis quarante ans. Mais la France affiche des niveaux de consommation élevés. Il y aurait ainsi 1,4 million d’usagers réguliers de cannabis, et 700 000 consommateurs quotidiens, d’après l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies.
« Instruction permanente »La réponse pénale apportée aux contrevenants interpellés par des policiers ou des gendarmes est diverse. Si le code de la santé publique prévoit, depuis 1970, une peine allant jusqu’à un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende, des mesures alternatives aux poursuites sont le plus souvent décidées. D’après les chiffres du ministère de la justice, en 2016, sur plus de 115 000 réponses pénales pour usage de stupéfiants, les deux tiers étaient des mesures alternatives aux poursuites dont plus de 44 000 consistaient en des rappels à la loi.
Une situation qui s’explique notamment par le besoin de désengorger la justice. Dans les grandes agglomérations, selon un système d’« instruction permanente » des parquets, les officiers de police judiciaire peuvent procéder directement à ces rappels, sans passage devant un magistrat.
Cannabis dépénalisé : face à la police et à la gendarmerie, où est la ministre de la Santé ?
Bonjour
On connaît la chanson policière : le cannabis est illégal mais on compterait, en France, 1,4 million d’usagers réguliers – et 700 000 consommateurs quotidiens. Et ce alors que le code de la santé publique prévoit (depuis 1970) une peine allant jusqu’à un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende. Des sanctions pratiquement jamais mises en œuvre. Si l’on en croit les statistiques 2016 du ministère de la justice,sur plus de 115 000 réponses pénales pour « usage de stupéfiants », les deux tiers furent des « mesures alternatives » aux poursuites dont plus de 44 000 consistaient en de simples « rappels à la loi ».
On connaît la suite : à quoi sert une loi dès lors que le pouvoir en place n’est plus en mesure de l’appliquer ? Déclinaison : pourquoi ne pas dépénaliser le cannabis, prélude à la légalisation ? Certains ne voient que des avantages à cette évolution à leurs yeux inéluctable. Ce sont eux qui sont depuis quelques jours auditionnés dans le cadre d’une mission d’information parlementaire ; une mission, nous dit Le Monde (Julia Pascal) « dont le but est d’anticiper les conséquences de la promesse électorale d’Emmanuel Macron de mettre en place une amende forfaitaire en cas de consommation de stupéfiants, et en particulier de cannabis ». Co-rapporteurs au service du président : les députés Eric Poulliat, (LRM, Gironde)et Robin Reda (LR, Essonne).
Faire cesser la consommation de rue
« Des responsables et représentants des forces de l’ordre et du monde judiciaire ont été entendus, mercredi 6 et jeudi 7 septembre, qui partagent le constat d’une forme d’impuissance face à un contentieux de masse », résume Le Monde. Objectif : désengorger la police et la justice. Les extraits des auditions sont éclairants. « Il n’y a pas de réponse pénale suffisamment dissuasive pour limiter la consommation. En revanche, la procédure pénale est de plus en plus lourde » a ainsi affirmé Pascal Lalle, directeur central de la sécurité publique. Ce dernier « estime à cinq heures en moyenne le temps consacré par un policier à une procédure pour usage de stupéfiants ; à dix heures lorsque, plus rarement, une garde à vue est mise en œuvre ».
En clair policiers et gendarmes plébiscitent le projet d’une amende forfaitaire qu’ils pourraient directement infliger au contrevenant majeur pris pour la première fois par la patrouille. « Une orientation extrêmement bienvenue et positive » applaudit le préfet de police de Paris, Michel Delpuech. En écho le général de brigade Pierre Sauvegrain, adjoint au directeur des opérations et de l’emploi de la direction générale de la gendarmerie nationale souligne l’intérêt de l’ « immédiateté de la sanction » étant entendu que « la principale vertu du recours à l’amende est de réduire l’aspect chronophage » de la procédure. « C’est une formule intéressante, affirme le directeur des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice, Rémy Heitz. Cela permettrait de réaffirmer l’interdit et de porter un coup d’arrêt à la consommation de rue. » (sic)
Amendes raisonnables
Où l’on voit que le pragmatisme policier et la sanction pécuniaire l’emportent de loin sur le sanitaire et les injonctions thérapeutiques. Ne reste plus à régler que quelques détails pratiques comme le montant de l’amende forfaitaire (200, 300 ou 600 euros) et le mode de paiement. Il faudra être raisonnable a, dans sa sagesse, conseillé le directeur des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice qui rappelle que le consommateur est souvent « peu autonome financièrement ».
Le Monde (François Béguin) donne aussi la parole à ceux qui s’intéressent encore à la santé publique. Pour eux la future « amende forfaitaire » pour simple usage de cannabis s’annonce d’ores et déjà comme un « rendez-vous manqué ». « C’est une réponse simpliste et insuffisante qui ne va pas changer les modalités de consommation, regrette le Pr Nicolas Simon, président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie. « C’est une mesure purement sécuritaire qui n’a aucun lien avec la santé et qui a pour unique fonction d’alléger la paperasse des policiers » ajoute le Pr Amine Benyamina, président de la Fédération française d’addictologie. On observera qu’aucune de ces deux institutions n’a d’ailleurs été invitée à s’exprimer devant les parlementaires de la mission d’information.
Après en avoir fait la demande, Jean-Pierre Couteron, président de la Fédération Addiction sera, in fine, finalement auditionné par les députés. « Cette commission n’a aucune vraie compréhension du problème et qu’elle ne connaît pas les dispositifs de soins, d’éducation et d’accompagnement, a-t-il confié au Monde. Elle reste dans la vision très naïve qu’il suffirait de menacer un usager d’une sanction sévère pour qu’il cesse sa consommation. »
Question : quel est, sur ce sujet, le point de vue de le ministre de la Santé ?