Les grandes tendances informatiques comme le Big Data et l’intelligence artificielle ne changent pas seulement l’économie et l’industrie, mais aussi la manière dont on fait respecter l’ordre public. Au sein de la Gendarmerie nationale, la transformation numérique est désormais enclenchée, avec la mise en place depuis quelques années d’un « laboratoire de données » ou « datalab ».
Basé sur le site de la Direction générale de la Gendarmerie nationale (DGGN), celui-ci est constitué à ce jour de deux data scientists, d’une géomaticienne et d’un architecte technique. Les premiers ont pour mission d’explorer les multiples bases de données amassées par les forces de l’ordre et les services publics. La seconde va lier ces données à des systèmes cartographiques. Le troisième est en charge d’élaborer l’infrastructure technique qui supportera tous ces calculs et analyses.
Ce n’est pas Minority Report
L’une des applications les plus spectaculaires est l’analyse prédictive des délits au niveau local, comme les vols ou les cambriolages. L’idée est d’agréger les données du passé et de leur appliquer un traitement de masse à coups d’algorithmes d’apprentissage automatique (« machine learning ») pour pouvoir ensuite extrapoler des délits futurs. C’est une démarche avant tout statistique qui, évidemment, ne permet pas de prédire les actions d’un individu en particulier, comme c’est par exemple le cas dans le film futuriste « Minority Report ».
Les scientifiques de données de la gendarmerie ont réalisé toute une série de simulations, notamment en Bretagne et en Aquitaine. Une expérimentation plus concrète se déroule actuellement dans l’Oise dans le domaine des vols de voitures.
Depuis environ six mois, les gendarmes de ce département peuvent s’appuyer sur les simulations prédictives des algorithmes de la DGGN pour planifier leurs patrouilles. « On travaille sur les données de délinquance de police et de gendarmerie. On modélise à J+1 une carte qui permet d’identifier les quartiers en fonction des probabilités qu’un vol de voiture se produise. Ce qui permet ensuite aux responsables opérationnels de mieux orienter leurs troupes », explique le lieutenant-colonel Bertrand Vincent de la DGGN.
D’après la gendarmerie, les prédictions informatiques sont correctes « à 90 % », vis-à-vis de la réalité constatée. Pour autant, les algorithmes ne vont pas se substituer au processus de décision humain. « C’est un outil de plus pour le décideur », souligne Bertrand Vincent. Les informations apportées par cette analyse ne sont d’ailleurs pas surprenantes. Souvent, elles viennent conforter les connaissances dont peuvent disposer des agents qui sont déjà bien ancrés avec le tissu local, tout en étant plus détaillées.
En fait, l’analyse prédictive est surtout « très utile pour les unités en renfort qui ne connaissent pas le terrain et qui peuvent ainsi se l’approprier plus rapidement », souligne Bertrand Vincent.
La délinquance locale n’est pas le seul domaine d’application des scientifiques de données de la gendarmerie. L’intelligence artificielle est également mise au service de la gestion du parc, pour prédire la durée de vie des véhicules et les besoins en maintenance. Concrètement, il s’agit de déterminer quelles pièces il faut avoir en réserve à quel moment dans quel atelier et pour quelle voiture. Les ressources humaines pourraient également profiter de la nouvelle puissance algorithmique, afin de prédire les besoins en effectifs des différentes unités. On est loin de Minority Report, mais pas si loin du futur…