Oise : le « sang froid » des trois réservistes salué au sommet de l’Etat
Ce jeudi 21 juillet, Gaël Payen, Julien Bertrand et François de Oliveira, tous trois réservistes, sont en patrouille de sécurisation et de prévention des cambriolages du côté de Chevrières quand l’alerte tombe sur la radio. Un braqueur, armé d’un Smith & Wesson 22 long rifle, vient de se faire remettre une vingtaine de cartouches de cigarettes et 500 € en espèces dans un bar-tabac de Rivecourt, avant de prendre la fuite en voiture avec deux complices. « On n’était qu’à quelques kilomètres, alors on s’est annoncés pour intervenir en renfort, raconte Gaël Payen, agent de sûreté ferroviaire à la SNCF. On savait simplement qu’un individu vêtu de noir, avec une arme de poing, avait pris la fuite à bord d’une voiture de couleur rouge, en direction du Meux. »
« On n’est pas des va-t-en-guerre »Quand Johann de Horde a entendu le président de la République annoncer que l’âge limite pour les réservistes de la gendarmerie serait repoussé de 30 à 40 ans, il s’est dit que, cette fois, son tour était sans doute venu. Dix ans déjà que l’idée de rejoindre la réserve trotte dans la tête de ce commerçant noyonnais dont l’un des frères est gendarme et l’autre réserviste. « J’avais passé le concours gendarmerie plus jeune, mais j’avais échoué à l’entretien. La vie a fait que je n’ai ensuite jamais retenté ma chance. » Alors, Johann de Horde pense à la réserve opérationnelle. Las ! Il a plus de 30 ans et n’a pas fait son service militaire. « C’était très frustrant. On est beaucoup de quadragénaires à vouloir rejoindre la gendarmerie ».
p>Le contexte actuel n’a fait que renforcer sa motivation. « Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose, c’est un geste citoyen. C’est aussi une manière de soulager les actifs. J’ai une grande motivation. Pour moi, c’est un peu la dernière chance de réaliser ce que je voulais faire plus jeune. »Pas question pour autant de s’engager tête baissée, avec l’idée d’en découdre. « On n’est pas des va-t-en-guerre, insiste Johann. Gendarme, c’est aussi un métier de dialogue, au cœur de conflits sociaux. C’est un peu l’armée, sans l’être tout à fait, au cœur des citoyens. » Depuis fin juillet, le commerçant noyonnais a commencé à engager les démarches pour constituer son dossier.
Avec les renseignements transmis par le centre opérationnel et de renseignements de la gendarmerie (CORG), les trois réservistes filent sur la D 13. « Coup de bol, on distingue à 800 m le véhicule qui correspond à la description ». Arrivée dans le centre-bourg du Meux, au niveau d’une intersection, la patrouille, toutes sirènes hurlantes, se met en travers de la route, « à l’américaine », pour bloquer la voiture des fugitifs.
Mais pas question de faire sortir les trois individus avant l’arrivée des renforts. « On a préféré figer la situation en attendant. On ne leur a pas laissé le temps de réagir », détaille le réserviste. Le lendemain, le principal suspect était condamné à deux ans de prison ferme par le tribunal correctionnel de Compiègne, tandis que les deux autres individus étaient relaxés.
Depuis, les messages de félicitations n’ont cessé d’affluer. Dans un communiqué, la gendarmerie nationale a ainsi salué « le courage et la réactivité » des trois réservistes. « Faire du flagrant délit, c’est extrêmement rare, confie Gaël, qui est engagé depuis dix ans, à hauteur d’environ 60 jours par an. On a bien conscience que, dans le contexte, notre intervention a été citée en exemple. Au-delà de la satisfaction personnelle, c’est une bonne chose pour la réserve. Pour ma part, ça ne fait que doubler ma motivation. »
Le nombre de candidatures explose dans l’Oise
Dans les brigades de gendarmerie de l’Oise, le téléphone n’arrête pas de sonner ces derniers jours. Au bout du fil, nombre de civils qui souhaitent se porter candidat pour rejoindre la réserve opérationnelle. « Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ici, l’appel du président de la République a été entendu », dit-on à la gendarmerie de Compiègne. Dans l’arrondissement de Compiègne-Noyon, « 5 à 6 appels par jour » sont enregistrés.
« Cette mesure est une très bonne chose. C’est une bonne réponse face à la situation que nous rencontrons, se réjouit le capitaine Hanard, de la compagnie de gendarmerie de la cité impériale. Surtout, c’est aussi une forme de civisme. »
Le département compte aujourd’hui 312 réservistes. Pas moins de 37 dossiers sont actuellement à l’étude. « Il y a un élan, assure Jean-Michel Hochart, le chef d’escadron du groupement de gendarmerie de l’Oise. C’est un processus très intéressant. D’autant plus que les candidatures émanent de profils très différents : il y a des lycéens, des artisans, des cadres, des agriculteurs… »
Pour les candidats retenus, il faudra ensuite en passer par la préparation aux missions de la gendarmerie (PMG). Une formation militaire d’une durée de deux semaines qui va être sensiblement modifiée dans les prochains mois. « Il s’agit d’avoir une formation encore plus qualifiante », souligne Jean-Michel Hochart.
Comment entrer dans la réserve opérationnelle ?Contribuant à l’action de la gendarmerie, les réservistes sont amenés à remplir les mêmes missions que leurs homologues « actifs », telles que la lutte contre la délinquance, la surveillance, le renseignement ou encore la défense de points sensibles… Pour se porter candidat, il faut être de nationalité française, âgé de 17 à 40 ans, déclaré apte « physiquement et moralement », avoir satisfait aux obligations du service national ou avoir suivi la JAPD ou JDC, et ne pas avoir eu de peine criminelle. Pour les candidatures « officier », un BAC + 2 minimum sera demandé. Les dossiers sont à retirer dans les brigades ou bien dans les centres d’information et de recrutement de la gendarmerie. A l’issue d’une série de tests, le candidat sera convoqué avant de suivre la préparation aux missions de la gendarmerie.
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