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Attentats : Cazeneuve exclut tout bouleversement des services de renseignement

LE MONDE | • Mis à jour le |

Par Soren Seelow

Le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve le 8 juillet.

Le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve le 8 juillet. DOMINIQUE FAGET / AFP

Le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de janvier et de novembre 2015, qui préconise une refonte de la lutte antiterroriste après avoir constaté des « failles des services de renseignement » et leur manque de coordination, devait être remis au président de l’Assemblée nationale mardi 12 juillet. Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a saisi cette occasion pour répondre au président de la commission, le député LR Georges Fenech, et à son rapporteur, Sébastien Pietrasanta (PS), dans un courrier de douze pages dont Le Monde a pris connaissance.

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Le ministre, qui a lui-même été auditionné sous serment à deux reprises, salue le travail réalisé durant six mois par les députés et les invite à un « dialogue soutenu » pour débattre de certaines de leurs trente-neuf propositions. Il souligne également que plusieurs d’entre elles vont dans le sens des actions déjà engagées par son ministère. Bernard Cazeneuve se montre en revanche « plus réservé » sur la réorganisation des services de renseignement préconisée par le rapport, craignant qu’elle n’entraîne leur « déstabilisation ».

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Trois suggestions retenues

Seules trois suggestions semblent avoir convaincu le ministre : le renforcement du Coordonnateur du renseignement ; une meilleure association de la gendarmerie nationale aux services spécialisés ; et l’engagement d’une réflexion pour « préciser le positionnement » de la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP), aujourd’hui seule compétente sur Paris et la petite couronne au détriment de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

Première proposition écartée par le ministre : la création d’une Direction générale du renseignement territorial. Bernard Cazeneuve redoute que cette nouvelle entité « ne relance une concurrence dommageable avec la DGSI et n’aboutisse à un retour aux errements du passé avec des rivalités comparables à celles qu’avaient connues la DST [Direction de la surveillance du territoire] et la DCRG [Direction centrale des renseignements généraux] », qui avaient fusionné en 2008. Cette dualité pourrait troubler l’image de la DGSI, estime-t-il, et ainsi nuire aux relations bilatérales construites avec ses homologues à l’étranger.

Le ministre réaffirme donc son attachement à « une structure fortement charpentée autour de deux services antiterroristes puissants » : l’un consacré à l’intérieur, la DGSI, l’autre à l’extérieur, la DGSE, avec le concours des « capteurs de terrain » de la police et de la gendarmerie pour la détection des signaux faibles. « La porosité entre radicalisation violente, délinquance et criminalité » renforce à ses yeux cette« complémentarité » et justifie de profiter de « l’ancrage territorial » de la police et de la gendarmerie pour révéler cette menace diffuse.

Afin d’optimiser ce maillage de proximité, le ministre reconnaît néanmoins la nécessité de « renforcer les liens entre police et gendarmerie nationales au sein du SCRT », le Service central du renseignement territorial, qui dépend de la police nationale. Il annonce que « des initiatives seront prises pour améliorer la mutualisation de leurs outils informatiques, dans l’esprit des préoccupations formulées par le rapport ».

« Une plus grande centralisation »

S’agissant du rôle de la DRPP, Bernard Cazeneuve dit avoir « pris note des interrogations de la commission ». Il confiera donc à l’Inspection des services de renseignement « une mission d’expertise » sur les relations entre le renseignement parisien et les autres services spécialisés. S’il ne l’exclut pas a priori, le ministre reste cependant « prudent » sur la question du « démembrement » de la DRPP, qui remettrait« fondamentalement en cause le modèle original et éprouvé de la préfecture de police ».

La création d’une Agence nationale interministérielle de lutte antiterroriste sur le modèle américain – et rattachée au premier ministre –, préconisée par les parlementaires, ne trouve pas davantage grâce aux yeux de la Place Beauvau. Le ministre souligne la différence entre la« profusion » d’agences aux Etats-Unis – « 16 au total » – rendant indispensable une telle structure, et la réalité française : deux services – DGSE et DGSI – en charge de la lutte anti-terroriste, à laquelle « seuls quatre autres » services contribuent.

A défaut d’une agence nationale, Bernard Cazeneuve reconnaît qu’une « plus grande centralisation dans l’analyse globale de la menace » pourrait être placée sous l’autorité de l’actuel Coordonnateur national du renseignement, rattaché au président de la République. Ses services pourraient ainsi « être renforcés et dotés d’une expertise interministérielle propre à dynamiser l’animation et la coordination de la communauté du renseignement, à mesurer sa performance, à adapter son cadre juridique et à affermir sa réflexion stratégique ».

Consultez le texte de la lettre de Bernard Cazeneuve :

Journaliste

Sourcewww.lemonde.fr

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